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Nationalisation de STX: à quoi joue le gouvernement?

Officiellement, nationaliser les chantiers navals de Saint-Nazaire, pour l'État, c'est donner une nouvelle chance à un accord juste avec les Italiens. Un pari toutefois risqué.

Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé jeudi que l'État allait nationaliser les chantiers navals STX France de Saint-Nazaire plutôt que d'en confier les clés au groupe public italien Fincantieri, en tout cas dans l'immédiat. Pourquoi cette stratégie risquée? Sera-t-elle uniquement temporaire, comme l'assure le gouvernement? Revue des questions brûlantes. 

Sur quoi les négociations ont-elles achoppé?

Emmanuel Macron a désavoué la stratégie validée par son prédécesseur. Selon un accord initial, le constructeur italien devait en effet reprendre 48% du capital des chantiers, associé à un investisseur italien à 7%. Les actionnaires français, dans cet équilibre, ne disposaient plus que de 45% du groupe. Hors de question pour le président Macron qui a proposé, le 31 mai, que cet accord "soit revu" pour préserver les intérêts français.  

Sa proposition, transmise à Rome par Bruno Le Maire, devait laisser à Fincantieri 50% du capital, le reste étant détenu l'État français (via Bpifrance), Naval Group (ex-DCNS) et les salariés de l'entreprise. L'Italie a toutefois refusé cette offre: "La ligne rouge c'est, au minimum, une participation légèrement majoritaire et un contrôle du conseil", selon un proche du dossier. 

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Devant ce blocage, la France a choisi de prendre le contrôle intégral des chantiers en exerçant in extremis son droit de préemption sur les 66,7% du capital de vendus par le groupe coréen en faillite STX, pour compléter la prise en main totale de l'État. Lors de sa conférence de presse jeudi, Bruno Le Maire a toutefois assuré que sa "proposition" était toujours sur "la table" et que le gouvernement français allait continuer à négocier avec l'Italie. 

Que cherche à faire l'État?

Racheter les parts coréennes étaient avant tout une façon de "gagner du temps". "L'objectif n'est pas de nationaliser Saint-Nazaire, mais nous y sommes obligés de façon transitoire", explique le ministre de l'Économie. "Si on ne le faisait pas, c'était tout le dispositif qui ne fonctionnait plus", a fait valoir la présidence française. 

Sans action de l'État en effet, les chantiers de Saint-Nazaire seraient passés dès samedi dans le giron de Fincantieri. En remettant une pièce (ou plutôt 80 millions, selon Bercy) dans la machine, l'État s'offre les moyens de prolonger les négociations avec les Italiens. 

Quels étaient les risques à passer sous contrôle italien?

Bruno Le Maire a justifié la nationalisation par la nécessité de "garantir les emplois" du site et de défendre les "intérêts stratégiques français". Le gouvernement craint en effet un transfert du savoir-français en Chine en raison des relations entre Fincantieri et l'Asie. Outre le risque technologique, il y a aussi le contrôle de la chaîne militaire: STX France est notamment le seul chantier français à pouvoir construire un porte-avions. La France veut garder un droit d'accès à cette installation industrielle. 

Il s'agit enfin de prévenir un éventuel plan social pour le site Français. Car, pour les dix années à venir au moins, les carnets de commandes de Saint-Nazaire sont bien remplis, ce qui assure du travail pour les 2500 salariés du site et environ 5000 chez les sous-traitants de la région. Mais en cas de reflux, le gouvernement craint que le groupe ne privilégie les emplois italiens. Un risque dont Rome s'est largement défendue. "On a expliqué en long et en large que pour des raisons de logistique, d'espace, on ne peut pas faire à Trieste ce qu'on peut faire à Saint-Nazaire, donc il n'y a aucun risque de déplacer des filières de production ou de l'emploi de Saint-Nazaire à Trieste" (où est basé Fiancantieri), a déclaré Sandro Gozi, le secrétaire d'État italien aux Affaires européennes. 

Le pari français est-il périlleux?

Les Italiens ont réagi à la décision française avec stupeur. "Nous considérons grave et incompréhensible la décision du gouvernement français de ne pas donner suite à des accords déjà conclus", affirment dans un communiqué conjoint le ministre de l'Économie et des Finances Pier Carlo Padoan, et son collègue du Développement économique Carlo Calenda. Y a-t-il un risque de rupture définitive des discussions? Pas à court terme puisque les ministres vont recevoir Bruno Le Maire mardi 1er août. Mais ils annoncent ce préalable "incontournable": le contrôle de STX France par Fincantieri. 

ÉDITO >> STX: "La France ne peut pas se passer de cette industrie d'avenir" 

En dernier recours, le risque d'une décision "temporaire" est toujours de devenir définitive. Or, dans ce cas, le risque serait soit économique, soit politique. Politiquement, cela semble réussi puisque l'ensemble de la classe politique, des Insoumis au Front national, a approuvé la décision d'Emmanuel Macron, en tout cas sous sa forme temporaire. Économiquement, seul l'avenir le dira. Le rachat coûtera 80 millions d'euros pour préserver le sort de 7000 emplois autour de Saint-Nazaire, ce n'est pas forcément une mauvaise affaire. Surtout, il permet d'éviter d'ouvrir un nouveau front social avant la rentrée. Et ça, ça n'a pas de prix. 

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