Alors que les amendes contre les loueurs qui contournent le principe de la location entre particuliers sur Airbnb se multiplient à Paris, les livreurs à vélo de plats cuisinés se mobilisent contre de nouvelles règles de rémunération à la course.
Lors d'une protestation de cyclistes livreurs à Bordeaux, le 15 mars 2017. GEORGES GOBET / AFP
Les sujets qui font la une des journaux au mois d’août prennent d’autant plus de relief que l’actualité prend elle aussi des vacances en période estivale, nous condamnant à la lecture de la météo des plages ou à la carte des destinations de vacances des ministres. Dans ce contexte, deux actus économiques liées à ce qu’il est convenu d’appeler, faute de beaucoup mieux, l’économie collaborative, ne passent pas inaperçues.
La première concerne le montant des amendes auxquelles la justice a condamné des loueurs de biens sur les plateformes de location en ligne, en particulier Airbnb. Pour le premier semestre de l’année entamée et alors que la France a retrouvé les niveaux de fréquentation touristique d'avant les attentats, les agents de la mairie de Paris ont attrapé 31 propriétaires qui contournaient la loi, laquelle limite le nombre de jours de location à 120 par an sur ces plateformes. Selon Le Parisien, ils paieront au total 615.000 euros d’amendes. Cette «chasse» aux loueurs multipropriétaires ou aux hôteliers qui se cachent derrière des profils d’hôtes amateurs s’intensifie à la mairie de Paris, alors que le géant californien affirme avoir reversé un milliard d’euros aux hôtes français en un an, selon une interview dans Le Monde d'Emmanuel Marill, son directeur général pour la France et la Belgique. Ce dernier affirme encore qu’Airbnb rassemble «300.000 hébergeurs, 400.000 annonces réparties dans 19.000 communes» dont 67.000 annonces à Paris, faisant de la France son deuxième marché juste derrière les États-Unis. À Paris, l’un des marchés les plus prospères d’Airbnb en raison de la demande touristique, les montants des amendes infligées aux fraudeurs étaient de 200.000 euros en 2016, et pourraient selon Le Parisien dépasser le million d’euros en 2012.
Un autre front s’est ouvert, cette fois dans le secteur de la «foodtech», la livraison de plats cuisinés par l’intermédiaire d’une appli numérique. Il n’oppose pas les pouvoirs publics à une start-up du numérique, mais une entreprise, le britannique Deliveroo, à ses employés. Ou plutôt à ses «partenaires», selon la terminologie en vigueur dans le secteur. Car les livreurs à vélo de plats de restaurateurs sont des travailleurs indépendants qui, jusque-là, étaient rémunérés pour les plus anciens d'entre eux à l’heure avec un supplément par course. Deliveroo vient d’annoncer qu’il modifiait ce mode de rémunération pour passer à une tarification à la course. Un régime qui s’appliquait déjà aux nouveaux livreurs arrivés après août 2016, précise l’Usine digitale. L’entreprise explique vouloir harmoniser ses tarifs et assure que les livreurs peuvent mieux gagner leur vie en adoptant ce mode de rémunération à la tâche quant les cyclistes, eux, soutiennent qu’il leur ferait perdre entre 30 et 40% de chiffre d’affaires. Les livreurs ont prévu de manifester à Paris et à Lyon vendredi 11 août.
Le conflit rappelle celui qui a opposé Uber à ses chauffeurs partenaires, quand celui-ci a décidé d'une hausse de la commission prélevée sur les courses, qui est passée en décembre 2016 de 20 à 25% du prix de la prestation. Dans les deux cas, l'entreprise qui joue le rôle d'intermédiaire entre les clients et les travailleurs est toute puissante grâce à sa précieuse appli de géolocalisation de la demande, de mise en relation et de fixation des tarifs, usant de ce pouvoir pour faire évoluer à sa guise les conditions pour toutes les parties prenantes. Dans le cas d'Uber comme dans celui de Deliveroo, le fameux modèle écononique est loin d'être stabilisé, ce qui peut expliquer ces fluctuations qui ressemblent parfois à une recherche à tâtons de la bonne formule commerciale pour atteindre une hypothétique rentabilité.
Deux modèles, deux questions
Souvent comparés ou amalgamés, les deux modèles obéissent pourtant à des logiques bien différentes. Airbnb repose sur l'optimisation d'un capital existant, un bien immobilier, rempli au maximum de sa capacité quand ses occupants sont absents, quand les startups de transport et de livraisons sont de fait des employeurs offrant des prestations de travail. Le génie du modèle est d'avoir, dans les deux cas, pris appui sur les évolutions techniques pour ne proposer que la durée ou l'espace requis, et ne faire payer que pour ces prestations limitées. En quelques années, ces services ont été intégrés au quotidien des Français, puisqu'une majorité d'entre eux a déjà eu recours à des plateformes numériques pour se loger, se déplacer, vendre ou acheter des biens ou des services.
Dans un sondage réalisé en 2015 par Opinion Way, 82% des Français considéraient «qu'il vaut mieux accompagner le développement de cette économie que d'essayer de la bloquer». Cela ne veut pas dire que ces modèles ne soulèvent pas de préoccupations. Elles sont au moins au nombre de deux. La première concerne la capacité des plateformes à jouer le jeu selon les mêmes règles que les acteurs «historiques» ou, au besoin, à adopter de nouvelles règles communes à tous. Les incessantes batailles qui opposent les hôteliers à Airbnb ou les taxis à Uber montrent que la transition est toujours en cours. La deuxième question concerne le rôle joué par ces «pure players» sur le marché de l'emploi. Génèrent-ils de nouvelles opportunités, ce que soutiennent certains économistes à propos d'Uber par exemple? Sont-ils, à l'inverse, le symptome d'une pénurie structurelle de travail, sur laquelle prospèrent des modes de travail à la lisière des conditions et des rémunérations jusque-là admises? Là encore, les récents mouvements de protestations des livreurs montrent que la disruption se cherche encore un équilibre.
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