
Des hôtesses et stewards en baskets blanches et doudounes sans manches bleu électrique, du jus de baobab et des casques immersifs Skylight proposés aux passagers, un slogan en anglais " Joon, also an airline "… La nouvelle compagnie à coûts réduits d'Air France, lancée le 25 septembre, se veut résolument jeune et branchée. Egalement plus agressive commercialement, elle vise à reconquérir des parts de marché face aux low cost européennes, mais aussi aux compagnies du Golfe et d'Asie. Ses premières offres donnent le ton : Berlin, Porto, Barcelone et Madrid à 39 euros en aller simple depuis Paris, puis, l'été prochain, les Seychelles à 299 euros et Fortaleza, au Brésil, à 249 euros. Bagage en soute non inclus et une partie de la restauration payante.
Toucher les 18-35 ans
Pourtant, « Joon n’est pas une pure low cost, martèle Franck Terner, le directeur général d’Air France. Elle reste une petite sœur d’Air France, avec la même qualité de service et une partie de ses attraits (miles, programme Skypriority, accords commerciaux). On conserve d’ailleurs le principe des classes, business, premium et éco. Mais elle va opérer avec des coûts entre 15 et 18 % moins élevés ». Et c’est là tout le pari de Jean-Marc Janaillac, aux manettes du groupe AF-KLM depuis plus d’un an.
Car Joon est un modèle hybride aux ambitions multiples. La nouvelle compagnie doit à la fois se substituer à la maison mère sur certaines lignes longs courriers déficitaires – un récent rapport interne en dénombre 38 % ! –, enrayer les pertes d’exploitation du moyen courrier (279 millions d’euros en 2016), préserver l’alimentation du hub de Roissy et les précieux vols en correspondance, tout en menant une politique de conquête avec de nouvelles lignes et la clientèle des millennials, ces 18-35 ans très à l’aise avec le numérique, adeptes des voyages, mais qui volent peu sur les compagnies nationales. Le tout avec une flotte limitée à 28 appareils, contre plus d’une centaine à Air France. Autant dire que « ce n’est pas Joon toute seule qui va permettre de régler les problèmes de compétitivité d’Air France, pointe Yann Derocles, analyste spécialisé dans les transports à Oddo Securites. Mais c’est un signal positif après la période de grèves et de blocage dans les négociations avec les pilotes notamment. »
Ce n’est d’ailleurs pas vraiment dans les cockpits que se feront les économies attendues. Sur les 170 millions d’euros de gains de productivité visés en quatre ans par rapport à la maison mère, la part des pilotes s’élève à 15 millions, contre 62 pour le personnel commercial navigant (PNC). En échange de leur feu vert, nécessaire à un changement de périmètre, au nom de la « scope clause », généralisée dans le monde aérien, ils ont obtenu de voler sur Joon aux mêmes conditions que sur Air France. « C’est le comble ! On crée une compagnie low cost avec les pilotes les mieux payés au monde », lâche, au passage, un ancien cadre exécutif.
Restauration payante
Ce ne sera pas le cas des hôtesses et des stewards : embauchés à moindre coût. Les 140 PNC en cours de recrutement – ils seront 1 000 à l’horizon 2021 – se voient proposer des salaires inférieurs d’un quart à ceux du groupe, moins de jours de repos par mois (10 contre 13) et davantage d’heures de vols (780 par an contre moins de 600). « Vu le nombre de postulants, Joon est une compagnie attractive », observe Franck Terner, qui veut également jouer sur la flexibilité. Notamment en faisant voler ces PNC indifféremment sur des avions moyens et longs courriers. « Ce qui pourrait être adopté à Air France si la construction des plannings n’était pas si complexe », précise le DG.
Plus souple, plus agile, Joon se veut également « laboratoire d'idées ». Un peu à la manière des IDTGV à la SNCF, quand le transporteur ferroviaire testait ses premières ventes 100 % digitales et les ambiances « Zen » (relaxation) et « Zap » (animations) dans les rames pour élargir sa clientèle. La filiale d’Air France va ainsi tester la restauration payante à bord. Le café et l’eau resteront gratuits, même si c’est ce qui rapporte le plus en revenus annexes aux compagnies low cost. En revanche, des smoothies et des bières artisanales La Parisienne seront proposés en extra. Tout comme les casques Skylight sur les vols longs courriers, alors que la nouvelle offre vidéo en streaming à bord des moyens courriers sera disponible gracieusement. « Si certaines expériences marchent chez Joon, on ne s’interdira pas de les dupliquer sur Air France », précise Jean-Michel Mathieu, le directeur général de la nouvelle filiale, auparavant en charge du service réseau et client d’Air France.
Nouvelles lignes
Là encore, le pari n’est pas simple. Car si Joon vise les millennials, aux codes plus branchés et accros au digital, elle doit aussi préserver les clients plus traditionnels d’Air France, dont certaines lignes disparaissent au profit de la nouvelle marque bleue. « Il n’y aura pas de destination mixte Air France et Joon », précise Jean-Michel Mathieu, afin de ne pas cannibaliser l’activité sur Roissy et ne pas brouiller les esprits des clients. En revanche, à Orly, les vols de l’autre filiale low cost, Transavia, risquent de doublonner sur certaines liaisons européennes, à Barcelone notamment, même si la direction assure que le positionnement et les fréquences sont distincts.
De manière générale, Joon veut offrir des destinations plutôt « lifestyle » – ni complètement loisir, ni complètement affaires. «Cela aurait du sens d’aller au Cap (Afrique du Sud), mais pas à Bamako ou à Abidjan », précise Jean-Michel Mathieu. Pour l’heure, la feuille de route n’est pas figée. D’autant que dans le même temps, Air France a promis d’ouvrir de nouvelles lignes. Nairobi, au Kenya, Taipei, à Taiwan, ainsi que Seattle, aux Etats-Unis, pourraient être annoncées pour l’été 2018.
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