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Baisser les loyers et les APL dans les HLM: plus facile à dire qu'à faire

Pour faire passer sa réforme sur la baisse des APL, le gouvernement veut faire baisser les loyers dans le parc HLM. Mais les bailleurs n'entendent pas se laisser faire.

Des économies, encore des économies. Le gouvernement met la dernière main au projet de budget 2018. Et à mesure que l'on se rapproche de sa présentation en Conseil des ministres à la fin du mois, les arbitrages se font plus précis. Après la polémique sur la baisse de 5 euros des APL, le gouvernement a semble-t-il acté sa volonté de changement dans la politique sociale du logement. Un vaste plan devait être présenté cette semaine, il va être décalé de quelques jours afin de ne pas brouiller une communication gouvernementale largement décriée depuis la rentrée.  

Secteur ciblé pour sa mauvaise gestion, où la France dépense "plus que ses voisins sans pour autant améliorer les services", selon le ministère de l'Economie et des Finances, le logement va être fortement mis à contribution pour le volet réduction des dépenses de l'Etat dont l'objectif a été fixé à 10 milliards d'euros pour 2018. Selon le journal L'Opinion, la ponction serait même de 2 milliards d'euros, avec à la clé, une refondation du sol au plafond pour l'Aide personnalisée au logement. 

Les HLM veulent être reçus à l'Elysée

Si les montants n'ont pas encore été communiqués par l'exécutif, le quotidien libéral et l'Agence France Presse prêtent au gouvernement l'envie de baisser les APL des bénéficiaires habitant dans le parc social d'un montant allant jusqu'à "60 euros par mois", soit à peu près 10% du loyer moyen dans le parc HLM. Selon le gouvernement, il ne devrait pas y avoir d'impact sur le pouvoir d'achat des locataires, la baisse des allocations devant être entièrement compensée. "L'objectif que nous nous fixons, c'est de faire en sorte que pour ceux qui touchent les APL dans le logement social, il y ait une baisse de loyers exactement identique à la baisse des APL", a expliqué Edouard Philippe ce mercredi sur France 2. Rassurant pour les locataires, plus inquiétant pour les bailleurs. 

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"Pour le moment, on ne lit que des rumeurs et ça commence à bien faire, déplore auprès de L'Express Marianne Louis, secrétaire générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH) qui regroupe 720 organismes en France métropolitaine et en Outre-mer. Nous demandons à être reçus par le président de la République pour qu'il nous explique sa réforme. Et qu'il nous explique quel projet il a pour les locataires parce que pour le moment, on n'en parle pas!"  

Sur la méthode, d'autres questions se posent. "Comment l'Etat va-t-il contraindre les bailleurs à baisser leurs loyers", demande l'économiste Pierre Madec (OFCE), spécialiste des questions de logement, joint par L'Express. Juridiquement, on parle de revoir le Code de l'habitat, mais je ne suis même pas sur que ce soit possible". Même son de cloche chez les bailleurs où l'on prête au gouvernement l'intention de procéder par des remises de loyer en fin d'année.  

"Un risque systémique majeur pour les bailleurs"

Globalement, "l'impression que ça donne c'est que l'on prend un peu le problème à l'envers, renchérit Pierre Madec. D'un côté on baisse une allocation qui, chez les plus pauvres, représente 20% des revenus. De l'autre, on ne baisse pas les loyers dans le parc privé, alors que l'un des problèmes justement c'est les trop faibles transferts entre le parc social et le privé".  

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AFP/XAVIER LEOTY

Autre écueil de faire porter la responsabilité financière sur les bailleurs, cela limiterait à terme leur capacité d'action. En effet, l'argent encaissé chaque mois permet à ces derniers de rembourser leur emprunt souscrit pour construire des logements neufs. "Une baisse globale des loyers des locataires HLM serait économiquement insoutenable", estiment les organismes qui, début septembre déjà, mettait le gouvernement en garde contre le "risque de mise en péril du logement social".  

"Le modèle économique des organismes HLM est fondé sur un endettement de très long terme de 140 milliards d'euros, garanti par les collectivités locales, et remboursé par les loyers des occupants du parc social. Cette baisse éventuelle ferait courir un risque systémique majeur", plaide l'Union sociale pour l'habitat (USH), à qui l'on prête par ailleurs l'existence d'une caisse secrète de 11 milliards d'euros. "Ce n'est pas un un trésor mais de la trésorerie, répond Marianne Louis. Sur les 11 milliards, 1,5 milliard correspond aux dépôts de garantie des locataires. Le reste c'est l'équivalent de deux mois de fonctionnement des organismes HLM".  

Qui va payer au final?

Pour rassurer les bailleurs, le gouvernement a annoncé dans le même temps, ce mercredi, qu'il entend geler pendant deux ans le taux du Livret A à 0,75%. Une aubaine pour les organismes HLM qui conserveront ainsi des conditions de crédits privilégiées pour financer la construction de logement. "Seulement là aussi il y a un risque, remarque Pierre Madec. Si le Livret A n'est plus intéressant et se trouve trop décalé du marché [notamment de l'inflation], il pourrait connaître des retraits massifs vers d'autres placements. Sur l'enveloppe totale, 20% des Français possèdent plus de 50% des encours". 

Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, (d) et Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des Territoires, à l'Elysée à Paris le 22 juin 2017

Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, (d) et Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des Territoires, à l'Elysée à Paris le 22 juin 2017

afp.com/Thomas SAMSON

Si cette baisse des loyers leur est bien imposée, les bailleurs sociaux devront trouver une autre manière de faire rentrer des liquidités pour alimenter leur fonds propres, qui pourrait passer par la vente d'appartements. Mais des règles strictes limitent les transactions. Le choix des programmes proposés à la vente est à la discrétion du bailleur qui doit se conformer au cadre réglementaire qui lie l'Etat et l'USH depuis 2007. Chez 3F, l'un des principaux acteurs du secteur, sont ainsi exclus les appartements des immeubles "construits depuis moins de 15 ans", "situés sur des sites pour lesquels la collectivité locale est opposée à la vente" ou "implantés dans les communes où le préfet a établi un constat de carence en application de la loi SRU". Exit donc la vente des logements sociaux dans certaines zones tendues d'Île-de-France, tout particulièrement Paris. 

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Conséquences, à peine "8 000 biens sont vendus chaque année sur 80 000 aujourd'hui proposés", fait valoir Marianne Louis. On est donc très loin de l'objectif de 40 000 que souhaite mettre en place le gouvernement, ce qui permettrait d'assurer un certain équilibre budgétaire (entre 3 et 4 milliards d'euros) avec la future réforme des APL voulue par l'exécutif. "On dépense 18 milliards d'euros pour les APL, c'est énorme, il faut diminuer ce coût", a plaidé le secrétaire d'Etat Julien Denormandie, ce matin sur RTL. Avec 6,5 millions de personnes aujourd'hui hébergées dans le parc social, et 2 millions toujours en attente d'une place, il y a urgence à faire bouger les lignes. Mais qui réglera la note? 

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