
Le "Dieselgate", c'est reparti? Après Renault, PSA est désormais dans le viseur de la DGCCRF. Selon le procès-verbal d'infraction de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes auquel Le Monde a eu accès, les services de répression des fraudes soupçonnent la firme automobile dirigée par Carlos Tavares (depuis 2014) d'une "stratégie frauduleuse" . Les enquêteurs évoquent en effet une "stratégie globale visant à fabriquer des moteurs frauduleux, puis à les commercialiser", selon le journal qui cite un rapport de la DGCCRF. Quelque 1,9 million de véhicules diesel aux normes Euro 5 (norme en vigueur jusqu'en 2015) sont potentiellement concernés. Cinq milliards d'euros, c'est le montant de l'amende qui menace PSA, selon le quotidien.
PSA s'est immédiatement indigné, affirmant que "ses véhicules n'ont jamais été équipés de logiciel ou de dispositif permettant de détecter un test de conformité et d'activer un dispositif de traitement des polluants qui serait inactif en usage client". Le groupe indique qu'il "n'a pas été contacté par la justice". Il "s'indigne de la transmission d'informations à des tiers sans qu'il ait eu de son côté accès au dossier transmis par la DGCCRF au parquet", ce qui "lui interdit jusqu'à présent de faire valoir ses arguments", explique à Challenges Gilles Le Borgne, directeur de la recherche-développement de PSA. PSA a d'ailleurs décidé de déposer une plainte auprès du procureur de la République pour violation du secret de l'instruction.
Le Monde ajoute que PSA est cité comme personne morale en la personne de son représentant légal, Carlos Tavares, actuel président du directoire, tandis que le rapport met en cause trois anciens dirigeants, Jean-Martin Folz, Christian Streiff et Philippe Varin, comme responsables présumés en tant que personnes physiques. Une instruction avait été ouverte en avril dernier pour "tromperie". Après Volkswagen, Renault et Fiat Chrysler Automobiles, le groupe tricolore est soupçonné, comme ses concurrents, d'avoir manipulé ses moteurs diesel afin qu'ils émettent moins d'oxyde d'azote (NOx), un polluant très dangereux pour la santé, lors des tests d'homologation, mais davantage en conduite réelle.
Incompréhension des services administratifs
Tout en fait est parti du "Dieselgate" Volkswagen, qui a éclaté il y a presque deux ans jour pour jour. Depuis, gouvernements, organismes publics ou para-publics et ONG traquent la pollution des voitures et font d'étranges découvertes. Dans la foulée du scandale Volkswagen, qui avait reconnu avoir équipé onze millions de ses véhicules diesel d'un logiciel destiné à tromper les contrôles anti-pollution, le ministère français de l'Ecologie dirigé alors par Ségolène Royal avait mis en place une commission d'experts indépendants pour tester une centaine de véhicules. Or, les travaux de la Commission Royal, publiés en juillet 2016, ont révélé des dépassements des seuils de polluants chez certains constructeurs
"Nous avons des écarts très progressifs de réglages entre le moteur à froid et le moteur à chaud. Nous en avons expliqué les raisons aux instances techniques de la Commission Royal qui ont accepté complètement nos arguments", souligne Gilles Le Borgne. Mais, "apparemment, les responsables administratifs, eux, ne les ont pas compris", indique le dirigeant. "Nous sommes complètement cohérents par rapport à la législation en vigueur, nous restons donc totalement sereins". PSA est d'autant plus furieux que le constructeur a toujours été en pointe dans l'anti-pollution, étant le premier à avoir installé des filtres à particules - devenus obligatoires depuis - et à avoir introduit des systèmes de dépollution ultra-sophistiqués sur ses diesels.
Renault aussi mis en cause
En mars dernier, Renault avait été également mis en cause. Des éléments de procès verbal de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), avaient été publiés par Libération. La DGCCRF estimait que Renault "a trompé les consommateurs sur les contrôles effectués et notamment le contrôle réglementaire de l'homologation sur les émissions de polluants". Le constructeur au losange "a utilisé une stratégie ayant pour objectif de fausser les résultats de tests antipollution", soulignait même la Direction dans son rapport, rédigé dès le mois de novembre 2016. Et le gendarme de Bercy n'hésitait pas à incriminer "l'ensemble de la chaîne de direction de la société, qui rend compte en dernier ressort à son PDG Carlos Ghosn". La DGCCRF en concluait à "la responsabilité" du grand patron lui-même.
"Nous sommes choqués et furieux", avait aussitôt fulminé dans Challenges Thierry Bolloré, directeur général délégué à la compétitivité de Renault. "Tout cela est faux, il n'y a ni tricherie ni tromperie", insistait le bras droit de Carlos Ghosn, qui ajoutait: "on n'a rien à se reprocher et rien à voir avec un certain constructeur (NDLR: Volkswagen et son scandale des logiciels truqueurs)". Dans le cas de Volkswagen, il y a bien eu fraude eu egard… à la législation américaine. Pour ce qui concerne l'Europe, c'est beaucoup plus compliqué. Car la législation du Vieux continent sur les homologations est plus ambigüe et les constructeurs, surtout Renault, ont joué sur ce flou juridique!
Le législateur a prévu en effet une clause d'exemption dans le règlement communautaire 715/2007. Ce texte interdit bel et bien "l'utilisation de dispositifs d'invalidation, qui réduisent l'efficacité des systèmes de contrôle des émissions". Oui, mais voilà. Le même texte prévoit que "cette interdiction ne s'applique pas lorsque le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur". En clair, un constructeur peut prendre des dispositions techniques pour éviter la casse du moteur. Il a donc le droit de "fausser" les contrôles s'il prouve que ceux-ci peuvent détériorer les mécaniques! C'est flagrant dans le cas de Renault. Le groupe au losange empêche quasiment la dépollution de fonctionner en-dessous de 17 degrés (sous le capot). Or, en Europe occidentale et en particulier en France, on est rarement à cette température, et ce, durant une partie de l'automne comme du printemps et bien sûr en hiver. Fâcheux. Mais Renault affirme qu'il n'a pas introduit de logiciel spécifiquement truqueur comme Volkswagen.
L'antipollution augmente les rejets de CO2!
Autre problème: l'optimisation du réglage du moteur diesel pour le démarrage à froid. Là aussi, la plupart des constructeurs dont Renault se contentent du minimum syndical et font observer que le moteur n'est jamais démarré à chaud durant… le cycle normalisé des tests d'homologation. Une aberration car le diesel pollue énormément à froid. Mais Renault se conforme là aussi aux définitions des cycles d'homologation, très lacunaires. Heureusement, des nouveaux cycles plus contraignants sont en train d'être mis en place à l'échelle européenne ce mois-ci! Mais les véhicules incriminés par la DGCCRF sont plus anciens.
La plupart des constructeurs soignent logiquement les émissions durant ce cycle, quitte à les sacrifier en-dehors. Les constructeurs ne le font pas par plaisir de tricher. Mais parce que la dépollution coûte très, très cher, et qu'elle dégrade fortement l'agrément de conduite ainsi que… les rejets de CO2, un gaz à effet de serre qui n'a rien à voir avec les polluants locaux comme le NOx. Or, il est impossible d'augmenter les rejets de CO2. Il faut au contraire les abaisser dans le cadre de la lutte mondiale contre le réchauffement climatique.En règle générale, plus on diminue les NOx, plus on risque d'accroître les émissions de CO2 et réciproquement. Eh oui! Au-delà des faciles polémiques politico-médiatiques, la dépollution pose des problèmes complexes et contradictoires aux motoristes.
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