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En cédant des parts dans Engie pour 1,5 milliard, l'État n'a pas été un très bon boursicoteur

FINANCE - En cédant pour 1,53 milliard d'euros du capital du groupe d'énergie Engie, l'Etat a engagé sans crier gare le mouvement de cessions de participations publiques prévu pour financer l'innovation. Une démarche qui suscite des convoitises mais aussi des interrogations dans les milieux économiques.

Dix milliards d'euros: c'est le montant que le gouvernement a prévu de récupérer en vendant une partie des actions qu'il détient dans les grandes entreprises françaises, dont le total avoisine les 65 milliards. Cette somme doit en principe être injectée dans un fonds destiné à financer l'innovation, promis par Emmanuel Macron pendant la campagne.

C'est finalement Engie (ex-GDF Suez) qui a ouvert le bal, le 5 septembre. Selon l'Agence des participations de l'Etat (APE), chargée de gérer le portefeuille public, 4,5% du capital du groupe énergétique a ainsi été cédé, pour un montant de 1,53 milliard d'euros.

Mais à en croire certains économistes, l'Etat n'a pas fait une bonne affaire. "L'action d'Engie a valu beaucoup plus, ce n'était pas forcément le bon moment de vendre", estime Christian Saint-Etienne, professeur à Paris-Dauphine. "On assiste à une vente dans l'urgence des bijoux de famille", regrette-t-il.

Il est vrai que depuis sont plus haut historique en 2008, l'action a beaucoup baissé. Elle est passée de 43,8 euros à 14,3 euros aujourd'hui, soit une baisse de 67%. Alors que la tendance est à nouveau à la hausse, après un plus bas historique à 11 euros en février, ne valait-il mieux pas attendre encore?

"L'Etat a décidé qu'il avait besoin de 10 milliards d'euros pour lancer son plan start-up, il faut bien les trouver", nuance de son côté, Elie Cohen, économiste au CNRS, pour qui dans ce contexte la vente partielle d'Engie est "logique".

Ces cessions permettront "au contribuable de savoir que son argent est placé pour le futur et non pas pour le passé", a assuré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, en confirmant fin août, sans précision sur les entreprises concernées, que les grandes manœuvres débuteraient "dans les prochaines semaines".

Après cette opération, l'Etat détient désormais 24,1% du capital d'Engie et 27,6% des droits de vote, ce qui inquiète les syndicats, même si l'Etat reste l'actionnaire de référence du groupe. La loi oblige l'Etat à détenir au moins un tiers des droits de vote ou du capital d'Engie, avec une dérogation possible pendant deux ans.

Pour revenir à ce niveau, l'Etat pourra compter notamment sur le système des droits de vote double accordés aux actionnaires qui détiennent des actions depuis une période assez longue, un système instauré par la loi Florange de 2014.

Renault, Orange, Aéroport de Paris...

Quelles seront les prochaines entreprises cédées par l'Etat? Plusieurs noms reviennent avec insistance, comme Renault, où l'Etat est monté au capital en 2015 en promettant de revendre ses titres, ou bien Orange, au capital duquel l'Etat n'a pas "vocation" à rester "de manière pérenne", selon Emmanuel Macron.

Aéroports de Paris (ADP), en pleine forme financière, et convoité notamment par le groupe Vinci, pourrait aussi être ciblé, tout comme la Française des jeux (FDJ), dont l'Etat possède 72% et dont la possible privatisation suscite de fortes attentes chez les investisseurs, selon plusieurs banquiers d'affaires.

"Les cessions seront réalisées en fonction des conditions de marché" et "en tenant compte de l'intérêt de l'Etat et des entreprises concernées", prévient de son côté l'APE, présente au capital de 81 entreprises, et dont les participations pèsent actuellement près de 100 milliards d'euros.

Pour l'Etat, l'enjeu principal consiste à trouver un point d'équilibre entre opérations rémunératrices et préservation de ses intérêts stratégiques, pour éviter de fragiliser certains fleurons tricolores en les mettant à la merci de groupes considérés comme des "prédateurs".

"L'Etat reste colbertiste, et a du mal à voir les bijoux de famille sortir de son giron pour entrer dans celui d'entreprises étrangères", juge Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM, pour qui la création d'un fonds pour l'innovation alimenté par des cessions "a du sens, dans un contexte budgétaire contraint".

Reste que les contours du fonds de 10 milliards d'euros et le calendrier prévu pour les cessions, sont encore flous. "On ne sait pas quelle forme le fonds va prendre, ni qui le gèrera", confie à l'AFP un haut fonctionnaire, qui assure que le futur dispositif est encore "un peu nébuleux pour tout le monde".

L'entourage de Bruno Le Maire assure de son côté que sa mise en place devrait se faire "dans le mois", le temps de régler quelques points juridiques. En attendant, les gains des cessions comme celle d'Engie hier sont placés dans un compte d'affectation spécial.

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