
Jean-Yves Le Drian n'avait pas voulu franchir le pas. La nouvelle ministre des armées Florence Parly va finalement s'en charger. Dans son discours de clôture des Universités de la défense de Toulon, la ministre a annoncé mardi 5 septembre que la France va, pour la première fois, armer ses drones Reaper déployés au Sahel. "Les drones de surveillance apportent au combat moderne leur discrétion et leur capacité à durer sur les zones d'action, a souligné Florence Parly. Mais dès lors qu'il s'agit de traiter ces cibles, il faut aujourd'hui faire appel à d'autres moyens, avions ou hélicoptères de combat, dont les frappes sont d'ailleurs parfois guidées par nos drones de surveillance."
Le recours à un drone Reaper armé de missiles ou de bombes guidées laser permettra, explique la ministre, de pouvoir frapper en direct les cibles d'intérêt, sans attendre l'arrivée des avions de combats, lesquels nécessitent souvent le recours à des ravitailleurs hors d'âge. "Ce nouvel usage permettra d’optimiser l’emploi des aéronefs, avions de combat et leurs ravitailleurs ou hélicoptères, plus rapides, plus puissants mais également plus lourds dans leur mise en œuvre", indique Florence Parly. Sans compter la réduction des risques pour les équipages, grand argument traditionnel du recours aux drones.
"Pas des robots tueurs"
En armant les drones Reaper, Florence Parly réalise un des souhaits les plus chers de l'armée de l'air, dont un rapport des sénateurs Cédric Perrin et Gilbert Roger s'était fait l'écho en mai dernier. "Très clairement, l'armée de l'air est en faveur de l'armement de ces systèmes, assurait ainsi lundi 10 juillet, lors du point presse du ministère des Armées, le lieutenant-colonel Tanguy, commandant de l'escadron de drones 1/33 "Belfort", qui met en œuvre la dizaine de drones de l'armée de l'air (6 Reaper et 4 Harfang). Cela nous permettrait d'aller au bout de la logique du temps réel: on pourrait dégager des troupes prises sous le feu ennemi."
L'armement des Reaper marque-il une inflexion majeure de la stratégie militaire française ? A l'évidence non. Le drone Reaper est un avion piloté, certes à distance, mais piloté quand même. Le tir d'armement sera aussi effectué par un militaire, avec les mêmes règles d'engagement que celles d'un avion Rafale. Florence Parly s'est employée à tordre le cou au spectre de robots armés autonomes qui délivreraient leurs armements sans intervention humaine. "Un drone armé n’est pas un robot tueur. Ce sont deux systèmes qui n’ont rien de semblable. Les règles d’engagement pour les drones armés seront strictement identiques à celles que nous appliquons déjà. Qu’il s’agisse d’un canon Caesar, d’un missile de croisière, d’un Rafale: comme pour les drones, si l’opérateur est physiquement éloigné de l’objectif, l’homme n’en est pas moins au coeur de l’engagement du feu."
Sécuriser les troupes au sol
Un discours déjà répété à l'envi par l’armée de l’air depuis plusieurs mois. "Un drone MALE est piloté de A à Z, soulignait le lieutenant-colonel Tanguy en juillet. A partir du moment où ce sont les pilotes du drone qui décident de délivrer de l’armement, on est dans le même dispositif que pour un avion de combat." Les Reaper actuels font d'ailleurs déjà de l’illumination de cible, c’est-à-dire qu’ils désignent, au laser, les objectifs à traiter aux avions de chasse.
Un autre avantage décisif des drones armés serait, selon les aviateurs, de mieux sécuriser les troupes au sol. "J’ai participé à une opération en octobre-novembre dernier, qui aurait pu vraiment mal se passer, raconte le patron de l’escadron 1/33 Belfort. Deux hélicoptères s’étaient posés près d’une cible d’intérêt. Quelqu’un s’est mis à tirer au PKM (Kalachnikov) sur les hélicos. A ce moment-là, on est au-dessus, on a le terroriste en visuel, et on ne peut rien faire. On a eu deux blessés graves sur cette mission, et ça aurait pu être pire".
La France rejoint le club
La France va ainsi rejoindre le club – de moins en moins fermé – des possesseurs de drones armés. Le Royaume-Uni met en oeuvre 10 drones Reaper armés, et a signé un contrat pour l’acquisition de 26 nouveaux drones Predator susceptibles d'embarquer de l'armement. L’Italie, qui possède 9 drones Predator et 6 drones Reaper, va également les armer. L’Allemagne, quant à elle, a annoncé la location à partir de 2018 de drones israéliens Heron armés.
L'armée de l'air va quand même devoir patienter un peu. Les premiers drones armés seront les six prochains livrés par General Atomics, prévus pour 2019. Il faudra, d'ici là, obtenir l'autorisation du Congrès américain sur la fourniture des fameux armements. Les six drones actuellement en flotte devraient, eu, être équipés à l'horizon 2020. Capable d’emporter 1,2 tonne de charge utile, le Reaper peut embarquer 4 missiles Hellfire et deux bombes guidés GBU-12 ou 49 dans sa version US Air Force. La France envisage dans un premier temps le recours à des missiles Hellfire, avant de compléter l'armement avec des bombes guidées, voire des missiles européens. Le futur drone MALE européen développé par Airbus, Dassault et Leonardo devrait aussi être armé, a indiqué Florence Parly. Si ce véritable serpent de mer (ou des airs) finit par voir le jour...
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