
Les 28 pays de l'UE tentent de s'accorder ce lundi sur la réforme de la directive du travail détaché. Le but est d'encadrer ce statut qui fait l'objet et de nombreuses fraudes.
Encadré par une directive européenne de 1996, le détachement des travailleurs, qui permet à des Européens de travailler en France, tout en cotisant dans leur pays d'origine, fait l'objet de nombreuses fraudes. Ce statut est au coeur d'une délicate réforme. L'Express fait le point sur ce dossier très politique.
Qu'est-ce qu'un travailleur détaché?
Il s'agit d'un ressortissant de l'Union européenne, envoyé par son entreprise dans un autre pays de l'Union européenne (UE) pour une mission temporaire et ponctuelle. La directive européenne stipule qu'est détaché "tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d'un État membre autre que l'État sur le territoire duquel il travaille habituellement". Un travailleur "expatrié" ne peut donc pas être considéré comme détaché.
Le travailleur bénéficie du noyau dur de la réglementation du pays d'accueil en ce qui concerne le salaire minimum et les conditions de travail. Cependant, il continue de payer les cotisations sociales dans son pays d'origine.
Combien sont-ils ?
Le nombre de travailleurs détachés a augmenté de près de 45% entre 2010 et 2014, selon les statistiques de l'UE les plus récentes. On dénombrait 1,3 million de détachements dans l'Union en 2010, contre 1,7 million en 2013 et 1,9 million en 2014. Un détachement dure en moyenne quatre mois.
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La France, qui a accueilli 286 000 salariés détachés déclarés (+25% sur un an) en 2015, est le deuxième pays d'accueil, après l'Allemagne. L'Hexagone est également le troisième pays d'envoi, derrière la Pologne et l'Allemagne. Environ 140 000 Français sont détachés dans des pays de l'Union, essentiellement en Belgique, Allemagne, Espagne, au Royaume-Uni et en Italie.
Dans quels secteurs travaillent-ils?
Au total, les travailleurs détachés ne représentent que 0,7% du nombre total d'emplois dans l'Union. Certains secteurs et certains États membres présentent une plus forte concentration de détachements que d'autres. Le secteur de la construction regroupe à lui seul 43,7% du nombre total de détachements, bien que le recours au détachement soit également important dans l'industrie manufacturière (21,8%), les services liés à l'éducation, à la santé et à l'action sociale (13,5%) et les services aux entreprises (10,3%), selon des chiffres de la Commission européenne.
Quels problèmes pose ce statut?
Avec l'élargissement de l'UE en 2004, où dix nouveaux pays, principalement de l'est, sont entrés dans l'Union, suivis par la Roumanie et la Bulgarie en 2007, le marché unique s'est élargi et les écarts salariaux se sont creusés, ce qui a incité des entreprises à recourir au détachement pour tirer profit de ces écarts.
En outre, étant donné qu'avec la directive de 1996, les entreprises qui détachent des travailleurs ne sont tenues de respecter que les taux de salaire minimum en vigueur dans le pays d'accueil, il existe souvent d'énormes écarts entre le salaire des travailleurs détachés et celui des travailleurs locaux, surtout dans les États membres où les salaires sont relativement élevés. L'existence d'écarts salariaux importants fausse la concurrence entre les entreprises, ce qui nuit au bon fonctionnement du marché unique.
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Par ailleurs, le détachement fait l'objet de nombreux détournements: non-déclaration, rémunérations très inférieures au Smic, dépassement des durées maximales de travail, hébergement indigne, etc. Selon un rapport sénatorial de 2013, la fraude concernait à l'époque entre 220 000 et 300 000 travailleurs détachés illégalement en France. Ces fraudes engendrent une concurrence déloyale envers les entreprises qui respectent la loi.
Comment lutte-t-on contre les fraudes?
Durant le quinquennat Hollande, l'arsenal répressif et les contrôles ont été renforcés, par les lois Savary, Macron et El Khomri. L'amende maximale pour fraude au détachement a été portée de 10 000 à 500 000 euros, à raison de 2000 euros par salarié détaché et de 4000 euros en cas de récidive. Les contrôles, passés en moyenne de 500 à 1500 par mois, avaient débouché, fin mars 2017, sur 33 suspensions de chantiers et 5,4 millions d'euros d'amendes.
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Les lois ont aussi responsabilisé les donneurs d'ordre, qui sont désormais solidaires de leurs sous-traitants en cas de non-versement des salaires notamment. Dans le bâtiment, la précédente majorité a lancé une nouvelle carte d'identification professionnelle, qui doit être déployée d'ici à fin septembre. Obligatoire sur les chantiers, elle doit faciliter les contrôles de l'Inspection du travail.
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