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Education : le tableau sévère de la Cour des comptes sur la gestion des enseignants

« Il est urgent de mettre en oeuvre une nouvelle politique des ressources humaines », plaide la Cour des comptes dans un rapport publié ce mercredi matin, qui fait suite à celui paru en mai 2013 , sur le même sujet. Le gouvernement se dit ouvert à l'étude de l'annualisation du temps de travail et de la bivalence, deux mesures recommandées par la Cour.

Un système scolaire « déficient »

C'est le point de départ de l'analyse de la Cour : elle pointe les « déficiences » du système scolaire français au regard des comparaisons internationales. Elle cite notamment l'étude internationale TIMMS qui mesure les résultats des élèves en CM1 en mathématiques et en sciences, où « la France se situe en deçà des moyennes internationale et européenne ».

elle relève aussi que la proportion des élèves en difficulté s'est creusée, passant de 21 % en 2006 à 22 % en 2015. Or, avec 5,2 %, la dépense intérieure d'éducation est équivalente à celle des partenaires de l'OCDE, indique la Cour.

L'annualisation des services des enseignants

C'est une recommandation que la Cour des comptes a affirmée à plusieurs reprises et qu'elle reprend dans ce rapport en la complétant. Dans sa réponse à la Cour annexée au rapport, le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, estime que « l'orientation vers un cadre annualisé doit être étudiée au regard de l'emploi du temps des élèves qui reste majoritairement hebdomadaire ». La haute juridiction plaide pour annualiser les obligations de service des enseignants de collèges et lycées, en prévoyant notamment « un contingent d'heures effectuées au sein de l'établissement au titre des missions liées à l'enseignement ». Cela serait réservé dans un premier temps aux nouveaux enseignants devant être titularisés, indique la Cour.

Le « forfait annuel » permettrait, par ailleurs, selon elle, de régler le problème du remplacement dans les collèges et lycées. La haute juridiction prévoit d'ailleurs explicitement de « compléter la liste des missions liées au service d'enseignement du second degré en intégrant le remplacement et la formation continue ».

Et elle incite aussi à recourir aux heures supplémentaires, « trop peu utilisées », alors qu'elles « pourraient constituer un instrument de souplesse » dans un cadre jugé trop contraint. « L'amélioration des rémunérations doit avoir pour contrepartie des obligations de service revues, tendant à l'annualisation du temps d'enseignement et à leur extension à une mission comme le remplacement », écrit la Cour.

Des professeurs de collège à l'école primaire, et des enseignants du premier degré au collège

La Cour des comptes recommande de « mettre en place le cadre juridique permettant les expérimentations d'échanges ou d'affectations de professeurs des écoles au collège et d'enseignants du second degré à l'école primaire » pour assurer au mieux « la continuité » de la scolarité entre école et collège. Là encore, Jean-Michel Blanquer salue cette préconisation de la Cour en affirmant qu'elle « rejoint l'ambition du gouvernement de garantir à tous les élèves, à l'issue de la scolarité obligatoire, la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». « L'expérience (des professeurs des écoles et des professeurs du second degré) en matière pédagogique en fait des candidats privilégiés pour un détachement dans un corps enseignant autre que leur corps d'origine », affirme Jean-Michel Blanquer.

Des enseignants bivalents ou polyvalents

La Cour propose encore « d'instituer, dès la formation initiale, la possibilité de bivalence ou la polyvalence disciplinaire pour les enseignants du second degré intervenant en collège » et d'ouvrir cette possibilité, pour les enseignants déjà en fonction « et présentant les compétences requises », « d'opter pour l'enseignement de deux disciplines ». « Le développement de la bivalence doit être examiné au regard de l'exigence de niveau et de viviers dans le second degré », relève Jean-Michel Blanquer, alors que des problèmes de recrutement dans le second degré sont très marqués dans certaines disciplines. Le ministre de l'Education ajoute que « les licences et/ou masters pluridisciplinaires sont peu développées ».

Plus d'argent, mais pas de contreparties

L'enseignement scolaire est le premier poste du budget de l'Etat (69 milliards d'euros). Le total des rémunérations des enseignants du secteur public a d'ailleurs augmenté de 3,5 milliards entre 2012 et 2016 (+7,5 %) contre +2,5 % pour la totalité de la masse salariale de l'Etat sur la même période. Mais l'Etat « n'a pas mis à profit cet effort budgétaire important et croissant pour procéder à des réformes structurelles ». La création des 60.000 postes entre 2012 et 2017 et les mesures relatives aux rémunérations de 2016 « n'ont pas été assorties de contreparties dans les conditions d'exercice du métier d'enseignant », regrette la Cour.

L'évaluation des enseignants ne tient pas compte des résultats des élèves

L'évaluation des enseignants reste « insuffisamment organisée », selon les juges de la Cour. « Aucune articulation n'existe entre le repérage des enseignants en difficulté et l'organisation des inspections. » S'il est « trop tôt » pour évaluer le nouveau système instauré en 2016, la Cour regrette déjà qu'il « ne modifie pas les fondements du dispositif actuel ». Il n'incorpore par exemple pas d'éléments tenant aux résultats des élèves, ce qui demeure « atypique » au plan international.

Le rapport cite l'exemple de Singapour, où les enseignants sont évalués chaque année sur le fondement de leur contribution au développement personnel et académique des élèves, de leur collaboration avec les parents et le reste de la communauté, ainsi que leur contribution au travail collectif au sein de l'établissement. Un système dans lequel « les enseignants les plus performants reçoivent une prime sur cette base ».

Mieux affecter les enseignants

L'adéquation entre le profil des enseignants et leur poste est loin d'être garantie, « les postes à profil » sont trop peu utilisés, et les chefs d'établissement insuffisamment associés à leur mise en place, regrette la Cour. Résultat, la difficulté chronique pour couvrir les remplacements de courte durée est révélatrice d'un « cadre de gestion trop rigide » pour s'adapter à la réalité quotidienne des besoins du système éducatif. La Cour plaide pour que remplacement et formation continue soient intégrés dans les obligations de service des enseignants, et pour annualiser ces dernières.

La formation : débuter la professionnalisation plus tôt

La formation initiale, facteur majeur de performance du système éducatif, a été « restaurée », ce qui constitue « une avancée incontestable ». Faudrait « débuter la professionnalisation plus tôt ». L'offre de formation devrait « mieux tenir compte en amont des besoins du système scolaire » en créant plus de « licences bivalentes ». Pour diversifier la formation des professeurs des écoles et éviter ainsi que les futurs enseignants ne soient issus, pour la plupart, que des filières littéraires, « alors que le niveau des élèves en mathématiques est préoccupant ».

Quant à la formation continue, la Cour plaide pour qu'elle soit intégrée dans la gestion de la carrière des enseignants. Aujourd'hui, la formation continue n'est obligatoire que dans le premier degré (trois jours par an). « Dans la majorité des pays européens, elle constitue une obligation professionnelle et une condition à l'obtention d'une promotion, ce qui n'est pas le cas en France », relève le rapport.

Renforcer le rôle des responsables d'établissements

Dans le premier degré, le directeur d'école - obligatoirement un enseignant - ne bénéficie pas d'un véritable statut, n'a pas autorité sur les enseignants et ne joue aucun rôle dans leur évaluation. Dans le second degré, le chef d'établissement a « en théorie » autorité sur les personnels de l'établissement, mais ne participe pas aux décisions d'affectation, même pour des postes dits « à profil », il ne peut pas moduler le temps de travail sur une base annuelle ni mobiliser les enseignants pour organiser le remplacement, qu'avec leur accord.

Mieux affecter les enseignants pour mieux répondre aux besoins des élèves

Effectuée selon un barème, l'affectation ne comporte pas de dimension qualitative prenant notamment en compte la difficulté des postes, selon la Cour. C'est « une gestion administrative et distante des enseignants », dénonce-t-elle, comme en 2013. Les postes à profil constituent la principale exception à l'application du barème. Leur nombre est limité et la création « exclut » les chefs d'établissement, alors qu'ils « devraient » en être les premiers prescripteurs.

Pour faire correspondre les compétences aux besoins, la Cour suggère de mettre en place des outils de gestion pour permettre « une différenciation significative du traitement des enseignants selon leur situation ».

- Mettre en place une stratégie pluriannuelle des ressources humaines

- Imposer des contreparties pour toute mesure d'accroissement des effectifs ou des rémunérations

- Gérer l'affectation des enseignants pour mieux répondre à l'hétérogénéité du niveau scolaire des élèves.

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