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L'incroyable pari d'Orange pour révolutionner la banque en ligne

Un grand ouf… Depuis ce jeudi 2 novembre, Orange Bank existe enfin pour ses clients. Espéré pour la première partie de l'année, présenté en grande pompe lors du show Hello dédié aux innovations en avril, annoncé pour le 6 juillet, l'établissement est finalement accessible cet automne sur les mobiles mais aussi dans 140 boutiques de l'opérateur télécoms. 800 salariés sont en effet agréés pour pousser le nouveau service. La néobanque, qui se veut donc phygital (physique et digitale), profite de sa jeunesse pour afficher quelques innovations : virements par SMS, mobile comme moyen de paiement sans contact et solde du compte en temps réel. En cas de pépin, Orange propose un assistant virtuel, qui répond à toute heure du jour et de la nuit aux SMS comme aux appels vocaux.

Livret d’épargne et assurance

Ainsi armé, Orange ne veut pas rester aux marges de l’activité bancaire. « A la différence de nombreuses fintechs, nous avons tenu à créer une banque de plein exercice, insiste André Coisne, ancien d’ING Direct, arrivé il y a quinze mois pour diriger l’établissement. Nous ne nous limitons pas aux seuls moyens de paiements et à une clientèle geek et urbaine. » Un livret d’épargne rémunéré à 1 % est attaché au compte et la néobanque propose des petites assurances, par exemple pour couvrir des annulations de voyages. « Nous élargirons régulièrement notre offre, avec du crédit conso dans les prochains mois puis du crédit immobilier, de l’assurance vie… », prévient Stéphane Richard, PDG d’Orange.

Ce service relativement étendu explique le casse-tête auquel a été confronté l’opérateur depuis un an. Il a fallu greffer sur l’informatique old school de Groupama Bank, rachetée à 65 % pour l’occasion, des fonctionnalités plus agiles. Notamment un système de gestion de la relation client Salesforce et le fameux Watson d’IBM, qui joue les conseillers bancaires virtuels. Résultat de ces couches superposées : des bugs. Ainsi, Gervais Pellissier, directeur général délégué d’Orange, reconnaissait cet été que des virements réalisés sur son propre compte en test n’étaient jamais arrivés à destination… Fin octobre, le service test était encore interrompu par moments pour de derniers réglages. « Orange a tout ce qu’il faut en interne comme ingénieurs télécoms, dit un connaisseur. Mais si ces derniers sont des as dans la fibre, ils n’avaient pas conscience de la difficulté que représente l’informatique bancaire. »

Pour mettre bon ordre dans l’embrouillamini, Capgemini a mobilisé 200 informaticiens, qui génèrent des kilomètres de codes depuis le début de l’année sur deux étages de la banque, à Montreuil. Tout au long du chantier, qu’il revendique comme le plus important en France, Stéphane Richard était en contact direct avec Paul Hermelin, son homologue chez Capgemini.

La phase qui s’ouvre promet d’être moins ingrate. La campagne concoctée par Havas, publicitaire historique d’Orange, y compris à la télé, va prendre le relais. Et pour s’assurer un démarrage en trombe, Orange Bank offre 80 euros à l’ouverture d’un compte – tout comme Hello Bank de BNP Paribas. « Avec la puissance de sa marque et 21 millions de clients mobile, Orange réussira sans peine à recruter les 2 millions de clients bancaires prévus sur dix ans », assure un consultant. « Ce serait même encore mieux d’atteindre notre objectif avec un temps d’avance », ambitionne Stéphane Richard.

La rentabilité en question

Si ces perspectives sont alléchantes, Orange Bank n’en a pas pour autant fini avec les difficultés. « Les commerciaux, habitués à vendre des iPhones comme des petits pains, vont découvrir que le niveau d’exigence des clients est bien plus élevé dans la banque que dans les télécoms, promet un grand banquier, narquois. Là, il est question de leur argent ! » Le changement d’univers sera aussi très sensible dans la gestion financière. « Je ne suis pas sûr qu’Orange a réalisé la masse de capitaux nécessaire pour respecter les ratios réglementaires dans la banque, indique le directeur financier d’un important établissement. Il ne faut pas que les dirigeants s’attendent à des retours sur fonds propres aussi flamboyants que dans les télécoms. » 

Orange Bank a déjà brûlé 28 millions d’euros en pertes opérationnelles au premier semestre et va rester déficitaire « encore quelques années », selon Stéphane Richard. Voire davantage ? Des concurrents comme Boursorama et ING Direct, lancés dans les années 2000, n’ont toujours pas engrangé le moindre euro de bénéfice. « En réalité, ce type d’établissement peut être rentable au bout de quatre ans, mais à condition de limiter à cette échéance les investissements et les dépenses marketing », rassure ­André Coisne.

Les sommes mobilisées ne seraient-elles pas plus adéquatement investies dans la production de contenus et le renforcement des infrastructures, au cœur du métier de l’opé­rateur ? « Ce débat a eu lieu, y ­compris au sein du conseil d’administration, et il a été tranché il y a un an et demi », explique Stéphane Richard. La ligne du PDG l’a em­porté – même si les deux représentants de l’Etat se sont prudemment abstenus lors du vote. « L’idée de se développer dans la banque lorsque l’on est spécialiste des réseaux, de la sécurité, des services sur mobiles, etc. : voilà qui ne semble pas totalement absurde ! » martèle-t-il. Julien Maldonato, associé industrie financière chez Deloitte, acquiesce : « Lorsque l’on déploie, comme Orange, de coûteuses infrastructures en 5G et en fibre, il est sain de vouloir les rentabiliser avec des services comme la banque, fondés sur de la gestion d’informations. » 

Autre atout : le croisement des données récupérées à la fois par l’opérateur et la banque. La connaissance historique d’un client télécoms peut s’avérer très utile pour évaluer les risques lors de l’octroi d’un crédit.

« C’est le destin des opérateurs télécoms de se décaler de leur cœur d’activité, plaide Stéphane Richard. On ne peut pas se limiter à une éternelle bataille à l’euro près sur les forfaits d’abonnement. Certains se décalent dans les contenus, la maison connectée… Pour ma part, je pense qu’il n’est pas exclu que l’avenir de la banque de détail passe par les opérateurs télécoms. » Un point au moins sur lequel il s’entendra avec Patrick Drahi, patron de SFR : ce dernier prévoit de lancer son propre service bancaire d’ici à deux ans.

La riposte du Crédit agricole

La menace est prise très au sérieux par les acteurs traditionnels. Le Crédit agricole a ainsi annoncé qu’il lancerait sa banque mobile, basique et peu cher d’ici à fin novembre. Avec Orange Bank, Stéphane Richard est donc déjà parvenu à créer des électrochocs, rôle d’ordinaire dévolu à Xavier Niel. Il y a pris goût. Le PDG, qui va défendre son renouvellement à Orange dans quelques mois, promet de rééditer l’expérience avec de nouvelles offres inattendues. Mais les banquiers peuvent souffler : cette fois, il visera un autre secteur d’activité.

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