
Quand Airbus lance l'A380 début 2000, l'avionneur table sur un marché de 1.400 très gros porteurs, sur les deux prochaines décennies, d'une valeur de 490 milliards de dollars. Presque 20 ans plus tard, l'A380 n'a remporté en tout et pour tout que 317 commandes et le compteur est bloqué depuis bientôt cinq ans. Entre temps, il y a d'abord eu la crise financière qui a coïncidé avec son entrée en service, l'envolée des low costs en Europe, qui a déstabilisé certaines compagnies traditionnelles. Mais il y a surtout eu l'arrivée sur le marché de nouveaux biréacteurs, le Boeing 777-300 ER, puis le 787, qui ont changé la donne, en permettant aux compagnies de multiplier les fréquences.
La taille, atout et handicap
Si bien qu'aujourd'hui encore, pour la plupart des compagnies, l'A380 reste un appareil trop cher et surtout trop difficile à amortir du fait de sa capacité de plus de 500 sièges en moyenne. L'A380 affiche certes le coût au siège le plus bas du marché, mais à condition d'être rempli à 100%. Or les liaisons aériennes offrant un trafic suffisant pour remplir convenablement un tel appareil, été comme hiver, sont finalement peu nombreuses. Avec seulement dix A380, Air France-KLM, qui dispose d'un des réseaux les plus étendus, estime avoir fait le tour des possibilités.
L'exemple américain
Plutôt que de prendre le risque de devoir casser les prix pour remplir un A380, les compagnies préfèrent miser sur des appareils plus petits et plus économiques et offrir davantage de fréquences. Ce qui convient mieux à la clientèle d'affaires, leur cible privilégiée. C'est notamment le pari fait par les grandes compagnies américaines. Elles qui n'ont jamais commandé d'A380 et sont encore peu présentes à l'international, n'en sont pas moins redevenues les plus puissantes et les plus rentables.
Le contre-exemple d'Emirates
L'unique contre-exemple reste Emirates , qui a acheté à elle-seule 44% de la production totale d'A380. Mais outre les investissements consentis par son actionnaire principal, l'émirat de Dubaï, Emirates a toujours suivi une stratégie très offensive de conquête de parts de marché, tandis que ses concurrents américains et européens réduisaient la voilure. De plus son positionnement, révolutionnaire à l'époque, de hub long-courrier à la jonction de l'Asie et de l'Occident, alimenté essentiellement par des long-courriers, faisait de l'A380 l'instrument idéal.
Inflexion stratégique
Cependant, même Emirates a commencé à revoir sa position vis-à-vis de l'A380. Depuis cet été, la compagnie est ainsi la première à déployer des A380 densifiés à 615 sièges (au lieu de 498 habituellement), sans première classe, afin d'afficher le coût au siège le plus bas possible. Parallèlement, son PDG Tim Clark laisse plus ou moins planer la menace de remplacer progressivement ses A380, si Airbus ne faisait pas les investissements nécessaires pour améliorer ses performances et lui assurer un avenir face au Boeing 777X.
La menace du 777X
La menace est réelle puisque Emirates, dont les premiers A380 devraient sortir de sa flotte en 2020, a déjà commandé 150 Boeing 777X. La future version modernisée de l'actuel gros porteur, attendue à partir de 2020, sera en effet capable d'emporter plus de 400 passagers en version tri-classes, soit autant qu'un A380 de Singapore Airlines, pour un coût au siège nettement inférieur. Et Boeing planche déjà sur une version à plus de 450 sièges.
Le premier A380 de Singapore Airlines à la casse ?
Même chose du côté de Singapore Airlines qui, tout en célébrant l'A380, a signé la semaine dernière une commande de 20 Boeing 777X et 19 Boeing 787-10, d'une valeur totale de 13,8 milliards de dollars. En août dernier, la compagnie de Singapour a également été la première à sortir de sa flotte son premier A380 , celui mis en service il y a 10 ans. Rendu à son propriétaire, le fonds d'investissement allemand Dr Peters, l'appareil n'a pas trouvé de repreneur à ce jour et risque fort de finir ses jours à la casse. Quatre autres devraient suivre d'ici à l'été 2018, auxquels s'ajouteront les six A380 de Malaysia Airlines - qui envisage de les opérer en vols charter pour les pélerinages à la Mecque - ainsi que les premiers A380 d'Emirates à compter de 2019-2020, sur un marché de l'occasion qui, pour l'instant, n'existe pas.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/030814032818-pourquoi-les-compagnies-restent-a-lecart-de-la380-2126914.phpBagikan Berita Ini
0 Response to "Pourquoi les compagnies aériennes restent à l'écart de l'A380"
Post a Comment