
Certes, à côté des 8 milliards d'euros de ventes d'Amazon en France, les 10 millions d'amende que lui réclame Bercy semblent bien modestes. La DGCCRF, le gendarme du Ministère de l'Economie, reproche au géant américain un " déséquilibre significatif dans les relations commerciales " avec les entreprises qui vendent sur sa place de marché. Une amende jette un voile sur les pratiques du groupe de Jeff Bezos, surtout au moment où celui-ci cherche à recruter davantage de PME françaises sur sa place de marché. Ainsi, fin septembre, au très chic Pavillon Cambon à Paris, pour sa première Amazon Academy en France, le roi du e-commerce avait convié de nombreux vendeurs à une journée d'échanges et de formation dans un décor digne d'une boite de nuit. Champagne et petits fours sont offerts. "Aujourd'hui, plus de 10.000 entreprises françaises vendent sur notre site, lance Patrick Labarre, le directeur de la marketplace d'Amazon. Et plus de la moitié exporte grâce à notre offre Expédié par Amazon." "Ce n'est pas suffisant", enchaine Frédéric Duval, le patron de la filiale française.
Amazon pèse deux fois plus que Cdiscount avec 3,5 millions de visiteurs quotidiens
Cet événement, inauguré par Xavier Bertrand, le président de la région Hauts de France et parrainé par BPI France, doit gommer sa mauvaise réputation de fraudeur fiscal. Amazon cherche aussi évangéliser les TPE-PME françaises, dont 19 % seulement vendent sur Internet, ce qui place notre pays au 13ème rang européen. Le géant du e-commerce y a tout intérêt pour booster sa croissance. "C’est un cercle vertueux où chacun est gagnant, affirme Philippe Corrot, cofondateur de Mirakl, éditeur de solutions de marketplace. Le client, car il a plus beaucoup plus de choix, le vendeur, car il a davantage de trafic et l’opérateur, car il augmente ses revenus." En France, plus de 3,5 millions d’internautes visitent chaque jour le site d’Amazon où 250 millions d’articles sont commercialisés. C’est deux fois plus que son poursuivant immédiat Cdiscount. "Pour 39 euros hors taxe par mois et une commission de 15% sur les ventes, un commerçant a accès à cinq pays et 110 millions de internautes en Europe", déroule Patrick Labarre.
Des frais de livraison ultra-concurrentiels pour séduire les PME françaises
Plusieurs vendeurs ont été invités à porter la bonne parole. Tel Jérôme Devouge, le fondateur de Prêt à pousser, qui commercialise des kits d’herbes aromatiques et de champignons à cultiver chez soi. Le jeune startupper se fait l’apôtre d’Amazon. "Leurs outils de gestion sont géniaux, dit-il. Ils offrent un reporting détaillé comme le nombre pages vues ou le taux de conversion." Depuis 2015, son entreprise multiplie chaque année ses ventes par 5 sur la place de marché d’Amazon. Ces jours-ci, Prêt à pousser se lance au Royaume-Uni et en Allemagne. Et là encore, la marketplace fait des miracles. "En Europe, l’envoi d’un colis avec la logistique d’Amazon nous coute presque deux fois moins chers que nos propres tarifs", raconte Jérôme Devouge. Et pour cause : la multinationale perd plus de 7 milliards de dollars par an sur ce poste. Un déficit qu’il compense notamment avec l’activité très rentable du cloud.
Une exigence en matière de qualité de service qui passe par des décisions brutales
Ces avantages qu’Amazon nomme "les privilèges de vendeur" ont une contrepartie : l’excellence du service. C’est l’obsession de Jeff Bezos, le fondateur de la multinationale. Et cela frise parfois l’intégrisme lorsqu’un commerçant voit son compte suspendu du site. "Amazon a une série d’indicateurs comme les avis des clients ou les délais de livraison, raconte Benjamin Savreux, cofondateur de Twinzee, une boutique d’accessoires de cuisine sur la marketplace. Si l’un d’eux est mauvais, on vous débranche, et vous devez présenter un plan d’action détaillé avec des engagements pour réactiver votre compte." Après plusieurs suspensions, Prêt à pousser a confié une partie de son stock à Amazon qui livre à partir de ses entrepôts géants.
L'acheteur a toujours raison chez Amazon, le vendeur de la marketplace l'apprend rapidement
Selon Virginie Ducrot, présidente de Boxtal, spécialiste de la livraison de colis multitransporteurs, en dessous de 150 ventes mensuelles par article, les marchands n’ont pas intérêt à faire gérer sa logistique par Amazon. Ça n’est pas rentable. "Il n’est pas possible, non plus, de gagner de l’argent si vous n’avez pas une offre originale qui vous différencie des vendeurs chinois", affirme Antoine Dematté, fondateur de Dropy, qui développe des places de marché concurrentes. La garantie A à Z – un des piliers de l’évangile selon Bezos – met souvent les vendeurs au supplice. Elle concerne les délais de livraison et l’authenticité des produits. Comme le client a toujours raison chez Amazon, il lui suffit d’indiquer que la commande n’est pas arrivée ou que le produit était détérioré pour être remboursé. Et il n’est même pas obligé de renvoyer l’article. "Et impossible de négocier puisque seul Amazon a le contact direct avec l’acheteur", souligne Marc Schillaci, président d’Oxatis fournisseur de solutions de e-commerce. La seule protection pour les petites entreprises, c’est donc d’être présentes sur plusieurs sites."
Difficile parfois de comprendre pour Amazon suspend les "privilèges" du vendeur
Rien ne dit par ailleurs qu’Amazon n’utilise pas les données de ses vendeurs affiliés pour ajuster son offre et ses prix. "Il y a une muraille de Chine entre nos équipes commerciales et celles de la market place", assure Frédéric Vidal. Pourtant, la mésaventure vécue par Sportaixtrem permet de s’interroger sur cette étanchéité. Cette boutique de sport d’Aix-les-Bains s’est vue récemment bloquer son compte avec ce message : "vous ne pouvez actuellement pas vendre sur Amazon.fr car vous proposez des articles potentiellement non authentiques". Illico, le commerçant envoie la facture d’achat du fabricant des skis en question pour prouver sa bonne foi. Mais silence radio du site... "Je dirais qu’Amazon avait besoin des coordonnées de vos fournisseurs pour pouvoir vendre une gamme de produits absents de leur catalogue et traiter en direct avec eux", croit comprendre sur un forum Fredtheme.
Comme dans la distribution, le déréférencement doit être encadré sur les places de marché en ligne
Dès lors qu’un vendeur est délisté, la vérification de son compte peut prendre des jours, voire des semaines, pendant lesquelles le vendeur n’est plus rémunéré. Et personne ne répond si ce n’est des logiciels bornés. Pendant ce temps, l’argent de ses ventes reste bloqué chez Amazon. C’est notamment cela que les services de la répression des fraudes reprochent aujourd’hui au groupe de Jeff Bezos. Au même titre que les référencements sans préavis dans la grande distribution sont interdits.
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