Search

Le fondateur d'Ikea, Ingvar Kamprad, est mort

Ingvar Kamprad, fondateur d’Ikea, en 2012.

Ingvar Kamprad est resté toute sa vie un homme discret, effacé derrière son entreprise, jouant d’ailleurs volontiers de son attitude modeste, mais toujours présent en filigrane, à l’image du nom qu’il a donné à sa société en 1943 : Ikea est en effet constitué des initiales de Ingvar Kamprad Elmtaryd Agunnaryd, ces deux derniers étant les noms de la ferme familiale et de son village, où il a démarré ses activités, d’abord en vendant des allumettes en vélo, puis en continuant avec la vente par correspondance.

Ingvar Kamprad est né en 1926 à Älmhult, dans une région rurale du sud de la Suède</a>, le Smaland, connue pour être</a> le creuset d’églises libres, évangélistes notamment, où se sont développés de nombreux petits entrepreneurs et paysans. Ingvar Kamprad se serait décidé à devenir</a> riche en voyant son père s’échiner en vain dans la ferme familiale, dans une région rude et rocailleuse. Un principe de base, compris par Kamprad dès ses premières affaires, sera de vendre</a> ce que d’autres fabriquent, afin d’être flexible. Tout l’édifice Ikea repose sur cette idée, avec une vision limpide : meubler</a> la classe moyenne mondiale en lui donnant accès à des produits de qualité au plus bas prix possible. Et donc, dans le même but, à monter</a> soi-même.

Ce qui différencie Ikea de nombreuses entreprises</a> est qu’il revendique un engagement social</a>. « Ce sont toujours les gens positifs qui gagnent », aimait à rappeler</a> M. Kamprad. Cette vision de la vie est un pilier de la culture</a> Ikea. A quoi on peut ajouter</a> des préceptes comme la simplicité, la parcimonie, l’humilité. Qu’on y voie une astuce de marketing ou une démarche sincère, le fait est qu’Ingvar Kamprad a réussi à imposer</a> cette image, ciselant sa propre légende avec un talent certain, rappelant comment la philosophie d’Ikea était imprégnée de cette atmosphère coriace du Smaland où il fallait se battre</a> avec ses mains et sa sueur pour arracher</a> sa pitance à une terre indigente.

Dès les années 1970, Ingvar Kamprad a commencé à préparer</a> la survie d’Ikea après sa mort, afin d’éviter le dépeçage de son entreprise, des bagarres d’héritage et des droits de succession trop élevés. Certains estiment que cette obsession précoce de la mort provient des circonstances tragiques qui ont entouré sa famille</a>. Un arrière-grand-père, un grand-père et un oncle d’Ingvar Kamprad se sont suicidés. Sa grand-mère Franziska a élevé seule ses enfants tout en s’occupant de la ferme, peu de temps après avoir</a> émigré d’Allemagne</a> en Suède. Une femme forte et endurante qui lui a servi de modèle.

Optimisation fiscale poussée à l’extrême

En chemin, Ingvar Kamprad est devenu l’un des hommes les plus riches du monde</a>, à la tête d’un empire de 26 milliards d’euros de chiffre d’affaires (2011), 734 millions de visites dans 325 magasins installés dans 40 pays, un catalogue imprimé à 208 millions d’exemplaires. Ce développement</a> s’est fait à la force du poignet, puisque M. Kamprad s’est toujours passé de capital-risque et a toujours résisté aux sirènes de l’introduction en Bourse</a>. Il a pu s’en passer</a> en menant notamment une stratégie d’optimisation fiscale poussée à l’extrême, avec un enchevêtrement complexe de fondations dans de nombreux paradis fiscaux et des milliards d’euros dissimulés par exemple dans la fondation Interogo au Liechtenstein, dont il avait essayé de nier</a> l’existence.

A ceux qui le critiquaient, Ingvar Kamprad offrait son allure modeste, sa vieille Volvo, ses voyages en secondee classe, n’hésitant pas à jouer</a> de la bonne réputation des valeurs suédoises, dont il s’est fait le passeur, allant jusqu’à colorer</a> ses magasins aux couleurs nationales. M. Kamprad se décrivait lui-même comme « un brave type », à la limite un peu simplet, aux goûts modestes et répondant invariablement que l’énorme majorité d’Ikea n’allait pas dans sa poche. « J’ai assez d’argent pour m’en sortir</a>, mais le fait est que ce n’est pas moi qui possède l’argent, c’est une fondation », a-t-il assuré dans une interview. Oubliant de préciser</a> qu’il contrôlait la fondation.

Comme le rappelaient ses détracteurs, on n’amasse pas une telle fortune en vendant des produits au plus bas prix possible sans que quelqu’un, à un bout de la chaîne, n’en fasse les frais. D’où les accusations régulières concernant le travail des enfants, l’exploitation de la main-d’œuvre dans les pays pauvres, les conditions imposées aux sous-traitants. Des meubles ont par exemple été fabriqués dans les années 1970 grâce au travail</a> forcé de prisonniers politiques allemands à l’époque de la RDA. Souvent Ikea a réagi en tentant de prendre</a> les devants et de développer</a> sa responsabilité sociale.

Pendant la guerre, « la plus grande erreur de [sa] vie »

Ingvar Kamprad, chef d’entreprise encensé, a dû aussi se battre contre ses démons. L’alcool</a>, comme il s’en est expliqué, notamment à l’époque où il allait chercher</a> des sous-traitants en Europe</a> de l’Est pour fabriquer</a> ses meubles à bas-prix et où les contacts se signaient à grand renfort de vodka. Son passé nazi aussi, épisode sensible.

Dans la ferme des Kamprad, au moment de la guerre, les sentiments étaient pro-allemands et antisémites. Ingvar Kamprad, jeune homme, mena en cachette une vie de militant nazi. En 1994 déjà, le fondateur d’Ikea avait dû reconnaître</a> la réalité de ce lointain mais encombrant engagement. Il s’en était excusé auprès de ses employés, regrettant « la plus grande erreur de [sa] vie ».

Un livre a montré que cet engagement avait été bien plus profond qu’il ne voulait l’admettre. Ingvar Kamprad a recruté d’autres nazis, et a gardé des contacts jusque dans les années 1950, finançant même un parti nazi avec l’argent d’Ikea. Les services secrets suédois avaient établi un dossier sur lui dès 1943, à l’époque même où il créait Ikea. Ingvar Kamprad s’en est toujours sorti en adoptant un profil bas. Les Suédois lui ont toujours pardonné, car il n’avait pas l’arrogance de beaucoup de dirigeants de grandes entreprises. Au contraire, attitude repentante, réservée, le servait beaucoup, notait un analyste.

Ingvar Kamprad, qui résidait près de Lausanne depuis la fin des années 1970, laisse une fille d’un premier mariage, Annika, et trois fils, Peter, Jonas et Mathias, tous impliqués dans Ikea, mais à qui le fondateur du géant de l’ameublement n’a jamais semblé accorder</a> une confiance aveugle.

Let's block ads! (Why?)

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/01/28/le-fondateur-d-ikea-ingvar-kamprad-est-mort_5248287_3382.html

Bagikan Berita Ini

Related Posts :

0 Response to "Le fondateur d'Ikea, Ingvar Kamprad, est mort"

Post a Comment

Powered by Blogger.