
Il n'y a pas eu de surprise au conseil d'administration du 20 février d'Orange qui s'est prononcé mardi en faveur du renouvellement du mandat d'administrateur de Stéphane Richard, première étape en vue d'un troisième mandat de PDG, a annoncé le groupe dans un communiqué. L'étonnement vient plutôt qu'Emmanuel Macron, d'habitude si interventionniste, n'a pas souhaité apparaître en première ligne sur ce dossier, bien que l'Etat soit l'actionnaire de référence avec 23 % du capital, 30 % des droits de vote et trois administrateurs. Stéphane Richard sentirait-il le souffre depuis son renvoi en correctionnelle du 21 décembre, pour "complicité de détournement de fonds publics" et "complicité d'escroquerie" dans l'affaire Tapie ? En tout cas, le PDG d'Orange, qui avait demandé audience au président de la République, n'avait toujours pas de date de rendez-vous à l'Elysée quand Bruno Le Maire lui en a proposé un à Bercy, le 17 janvier.
Publiquement candidat à sa succession depuis l'automne, ce qui avait considérablement agacé l'Agence des participations de l'Etat (APE), le PDG d'Orange pouvait sortir satisfait du bureau du ministre de l'Economie. Certes, il se trouve menacé de la jurisprudence Gallet – il devra démissionner s'il est condamné, même en première instance –, mais son "bon travail" est avancé pour lui offrir le Graal de son renouvellement. Mieux, le lendemain, à l'Elysée, après une entrevue un peu fraîche avec le secrétaire général Alexis Kohler, qui lui confirme du bout des lèvres le choix de l'exécutif, il croise Emmanuel Macron et son chien dans les couloirs. Et là, le président se montrera beaucoup plus chaleureux que son clone du bureau voisin. Ouf !
"Macron c’est Montebourg en pire"
La décision n'allait en effet pas de soi, et pas seulement à cause des poursuites judiciaires. La relation entre Emmanuel Macron et Stéphane Richard n'a rien d'un long fleuve tranquille. Deux ans plus tôt, les deux hommes se sont jaugés au moment de la grande consolidation avortée du secteur des télécoms. Et Stéphane Richard en a beaucoup voulu à celui qui occupe alors le portefeuille de l'Economie d'avoir multiplié les obstacles, notamment en braquant Martin Bouygues. Impossible, selon Emmanuel Macron, de laisser Orange racheter Bouygues Telecom aux conditions exigées par ce dernier.
Pourquoi cette sévérité soudaine ? Le ministre a déjà la présidentielle en ligne de mire et craint que ce mouvement lui soit reproché. "Macron c'est Montebourg en pire, lâche alors en privé un Stéphane Richard courroucé. Je ne vois toujours pas quel est l'intérêt pour l'Etat d'être actionnaire d'Orange". A l'époque, il se fâche aussi avec Alexis Kohler, le directeur de cabinet de Bercy. "Stéphane Richard avait pris l'habitude de passer au-dessus de lui pour s'adresser directement au ministre et de ne pas prendre en compte son avis", rapporte un dirigeant d'un concurrent. Ce qui explique l'ambiance un peu spéciale du rendez-vous du 18 janvier dernier…
Après cette passe d'armes, et l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, un autre débat vient se greffer : soucieux de rationaliser ses actifs au sein de l'APE, le gouvernement étudie la possibilité de laisser Orange au secteur privé. "Finalement, les équipes de Macron se sont dit que l'opérateur était utile à la croissance du pays grâce à ses 8 milliards d'euros annuels d'investissement", explique un connaisseur du secteur. Le gouvernement décide finalement de rester actionnaire d'Orange, même s'il réfléchit toujours à revendre une part de ses actions.
Mystérieuse note blanche
Vient alors l'attaque la plus sournoise. Un concurrent mystère s'est attelé à décrédibiliser Stéphane Richard dans une note blanche "à l'attention de M. le président de la République". Elle dénonce son manque d'ambition à l'international et la faiblesse de ses performances financières. Les services de Macron ont bien eu cette note en main, mais lui ont accordé un crédit limité. Aucun prétendant sérieux ne s'est d'ailleurs porté candidat. Seul Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance et l'un des représentants de l'Etat au conseil d'administration de l'opérateur, semble une bonne piste. Lui affirme que "la question ne s'est pas posée".
Finalement, c’est la condamnation pour favoritisme du patron de Radio France qui permettra de clarifier la situation du PDG d’Orange. Macron a promis une République exemplaire. Mathieu Gallet évincé de la Maison ronde, Stéphane Richard, s’il était condamné dans l’affaire Tapie, connaîtrait un sort similaire. De quoi laisser planer le doute, d’ici le jugement, probablement à la fin de l’année. Entre-temps, le PDG pourra se remémorer cette phrase de Bruno Le Maire, si douce à ses oreilles : "Stéphane Richard a fait du bon travail à la tête d’Orange, il a vocation à être reconduit".
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