
En fouillant dans les archives de sa naissance en 1938, on trouve autour de la SNCF des parallèles historique frappants, qui permettent de mesurer la permanence des difficultés structurelles du rail en France. Premier parallèle, l’endettement. Avant 1938, le rail français est entre les mains de compagnies pour la plupart privées qui ont le monopole sur une région, comme par exemple La Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans, ou encore la très célèbre Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (le fameux PLM). Pour l’anecdote, chaque compagnie gère la gare parisienne de départ : c’est parce que ces compagnies sont indépendantes qu’il existe autant de gares non connectées à Paris. C’est chouette au Monopoly, beaucoup moins chouette en termes d’aménagement urbain.
Toutes ces compagnies, mal gérées et concurrencées par la route sont dans un tel état d’endettement (30 milliards de francs, une somme considérable), que l’État les regroupe et prend 51% de la nouvelle entité, la SNCF, à l’origine une société anonyme d’économie mixte. Soit exactement le statut que le gouvernement veut rendre à la SNCF en ouvrant une partie de son capital au privé. Son capital, depuis 1982, est à 100% aux mains de l’État.
La SNCF hérite donc en 1938 d’une situation financière délicate. Les mesures que prend le gouvernement nous rappelle furieusement celles préconisées 80 ans plus tard. Le problème est le même : comment réduire le déficit de la SNCF ? La solution, elle aussi, est la même. Ainsi, cet enregistrement de 1938 d’Anatole de Monzie, ministre des Travaux publics - on croirait lire le rapport Spinetta - : "J’ai supprimé 5 000 km de lignes ferrées, ou plutôt supprimé sur ces 5 000 km le service des voyageurs, au résultat de quoi une économie de 150 à 200 millions est assurée."
La question de la disparition des lignes secondaires n’a vraiment pas attendue 2018 pour être posée politiquement pour des raisons économiques. On retrouve par ailleurs en 1938 des inquiétudes quant au statut des cheminots. Le parallèle, là-aussi, est frappant. On retrouve Anatole de Monzie qui se veut très rassurant : "On a tenté de fabriquer une légende pour alimenter la mystique d’une révolte. Cependant je me répète : il n’y aura ni 40 000 licenciements, ni 4 000, ni quatre. Le contrat de travail, le statut des cheminots, la loi des cheminots, ne seront pas déchirés."
Les syndicats, il y a 80 ans comme aujourd’hui, appellent à la grève pour protéger le statut des cheminots. Et si Anatole de Monzie promettait de ne pas y toucher face à la pression syndicale en 1938, 80 ans plus tard, le gouvernement Philippe semble lui bien décidé à engager un bras de fer. Le parallèle entre 1938 et 2018 pourrait donc avoir ses limites.
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