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La baisse du déficit et l'illusion de la cagnotte

Depuis son accession au pouvoir, Emmanuel Macron a immédiatement pris le parti de faire sortir la France de la procédure bruxelloise de poursuites pour déficits excessifs. De manière méthodique, il a fixé au gouvernement Philippe l'objectif impératif de respecter la règle des 3 % voire mieux, si possible.

Or la vigueur de la croissance, qui induit des recettes fiscales supplémentaires (à hauteur d'environ 8 milliards) et provoque une légère baisse des dépenses sociales est au rendez-vous. Dès lors, l'Insee vient de publier ce jour le chiffre tant attendu : le déficit public s'élève à 2,6 %, le plus bas depuis plus de 10 ans.

Un budget encore trop déséquilibré

D'aucuns ne vont pas manquer de brandir tel un étendard le mot «cagnotte» en gommant sciemment le fait que la loi de Finances pour 2018 a été votée en présentant un déficit budgétaire d'un peu plus de 80 milliards d'euros. La cagnotte est un mirage même si la situation faciale semble s'améliorer.

A y regarder de plus près, on relève que le déficit pour 2017 s'établit à 59,3 milliards (d'où les 2,6 %), ce qui nous éloigne fort heureusement des 3,4 % de 2016 obtenus avec une équipe de décideurs publics qui aura cultivé une propension pour le matraquage fiscal avec l'effet contracyclique que cela a induit.

> Opinion :Pourquoi le déficit public va se creuser à partir de 2018

Si 2,6 % est un chiffre plus qu'honorable, il ne doit pas masquer le fait qu'en part de PIB, la dépense publique ne régresse quasiment pas : de 56,6 % à 56,5 %. Le président Macron n'a gagné son pari de tenir en deçà des 3 % que grâce aux recettes qui augmentent de 0,7 point dans le PIB : de 53,2 à 53,9 %.

Ce constat rend donc toujours aussi urgente la réforme de l'Etat et la rationalisation de la sphère publique française. Les dirigeants actuels en sont pleinement conscients mais on n'ignore quelle sera la portée opérationnelle du chantier Cap 2022.

Croissance freinée, investissements différés

Si votre déficit budgétaire est avéré et que votre déficit public de l'année passée est tout sauf virtuel, cela signifie que votre dette nationale ne cesse d'augmenter : elle atteint désormais 2.218,4 milliards d'euros et les 97 % du PIB. Pour mémoire, elle s'élevait à 21 % du PIB en 1974.

Ce point est évidemment d'autant plus délicat que la hausse des taux d'intérêt se profile (d'où une charge de la dette accrue au-delà de 40 milliards) et que les prévisions de croissance pour 2019 marquent un palier légèrement inférieur à 2 %. Le consensus s'établit désormais à 1,9 % tout en demeurant inchangé pour 2018 avec une perspective favorable de 2,1 %.

Or un tel montant de dette publique rejaillit négativement sur la croissance du pays en obligeant à différer certains investissements (voir le cas du Grand Paris et de la ligne 18 ) et en ponctionnant la sphère productive.

Défi national

Dans les chiffres publiés par l'Insee ce matin, il est impératif de noter que le taux de prélèvements obligatoires a augmenté de 0,7 point et ressort désormais à 45,4 % du PIB, soit +0,5 point hors contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, héritée du pansement d'urgence requis après l'invalidation de la taxe sur les dividendes.

Il serait déraisonnable de penser qu'il subsiste des marges de manoeuvre en matière de fiscalité sauf à ignorer benoîtement l'essor de l'économie informelle car souterraine. La France affiche 2,6 % de déficit quand les pays de la zone euro montrent une moyenne à 0,9 % : le voilà le défi national.

De plus, il faut toujours garder à l'esprit que la comptabilisation en valeur faciale de la dette (et non à la valeur de marché) explique les ajustements comptables qui surviennent un an voire 18 mois plus tard et que la Cour des comptes observe à partir des sources définitives émises par les Comptes nationaux. En clair, le chiffre de 2,6 % est plus qu'une tendance mais n'est pas encore totalement marqué du sceau comptable de l'intangibilité.

Jean-Yves Archer est économiste

Pour aller plus loin :
> Le déficit public français passe enfin sous la barre des 3 %
> Croissance : les entreprises continuent d'emprunter plutôt que de réduire leur dette
> Le retour de l'inflation se fait toujours attendre

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https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-180814-la-baisse-du-deficit-et-lillusion-de-la-cagnotte-2164192.php

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