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Le gouvernement ne s'attaquera pas aux billets gratuits des cheminots (et de leur famille)

La réforme de la SNCF a ses limites. Se conformant aux préconisations du rapport Spinetta, l'exécutif ne reviendra pas sur les facilités de circulation des agents, malgré l'existence de certaines dérives. Le privilège concernerait plus d'un million de personnes en France. Trop pour réformer le système ?

Alors que le projet de réforme de la SNCF continue d'avancer cette semaine, on en sait un peu plus sur son contenu. Selon Les Échos, et malgré les attentes de certains observateurs, le gouvernement a choisi de ne pas revenir sur la quasi-gratuité des transports en train pour les employés de la SNCF et leur famille. Un avantage légitime en soi, mais à l'application largement discutable.

Des avantages qui concerneraient plus d'un million de Français

Pour les agents (pas uniquement les cheminots) actifs ou retraités, la gratuité est assurée pour huit trajets annuels sur l'ensemble du réseau. Au-delà, les intéressés doivent simplement payer le montant de la réservation, soit 1,50€ en période normale et 13,90€ en période de pointe. Les enfants, parents, conjoints et beaux-parents de tous les salariés ont également droit à une belle faveur: après plusieurs trajets gratuits, ils ont droit à 90% de réduction toute l'année. Il existe enfin quelques possibilités d'accorder ces facilités de circulation à des proches, en s'appuyant sur les nombreuses exceptions ajoutées au décret-loi de 1938 encadrant cet avantage. Un quart des bénéficiaires sont d'ailleurs retraités de la SNCF. Il existe enfin des accords pour donner droit à des réductions sur certaines lignes internationales.

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Selon la Cour des comptes, les bénéficiaires de cette «facilité» seraient 1,1 million au total. Pour l'Arafer*, cela représenterait même environ 5% des passagers du TGV en 2016, en comptant les déplacements strictement professionnels, soit 5 millions de voyages. Par conséquent, le coût global de cette mesure est estimé par les Sages entre 50 et 100 millions d'euros annuels, incluant le manque à gagner des places non vendues (le plus souvent en première classe, évidemment). Ce qui représente 10 à 15% de son bénéfice de l'année 2016 (567 millions d'euros).

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La direction accorde des «facilités de circulation» à de nombreuses personnalités politiques et hauts fonctionnaires

Bien sûr, le principe consistant à accorder un avantage basé sur le produit ou le service vendu par une entreprise ne pose aucun problème. Depuis l'intervention de la Cour des comptes, la direction de la SNCF a consenti à régulariser le dispositif du point de vue des charges sociales. Toutefois, les facilités de circulation ne constituent toujours pas un avantage en nature au plan fiscal, et les cheminots et leurs ayants droit ne payent toujours pas un centime d'impôt sur le revenu pour ce service fourni par leur employeur. Au passage, une question se pose inévitablement: pour quelle autre entreprise l'État accepterait-il cela?

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La «dérive du champ des bénéficiaires» constitue un second problème soulevé par la Cour des comptes dans son rapport de 2014. Conjoints, belle-famille, jeunes aidant les retraités à domicile... Et surtout, moyen d'influence aux mains de la SNCF: le président peut en effet accorder cette réduction à des «personnes rendant ou ayant rendu des services éminents aux chemins de fer». La Cour des comptes souligne que des dizaines de personnalités sont concernées, «responsables et anciens responsables de l'exécutif» ou «dans certains cas responsables de hautes institutions administratives ou judiciaires», et même dans certains cas... «leurs proches». Difficile de réformer ce privilège dans de telles conditions.

Un effet cliquet rendant difficile tout retour en arrière

Le sujet des facilités de circulation est d'ailleurs mentionné dans le rapport Spinetta... mais pour le défendre, et préconiser sa conservation en cas de privatisation des lignes TER. Car s'il n'est qu'un détail parmi les avantages réservés aux cheminots, le voyage gratuit a entraîné l'installation d'agents à des distances parfois importantes de leur lieu de travail. Assurés de ne rien payer pour aller travailler, de nombreux salariés de la région parisienne ont investi dans des logements plus éloignés et moins chers. Si l'avantage de la circulation gratuite venait à disparaître, de nombreux agents de la SNCF devraient payer de coûteux abonnements TGV ou TER. Et de nombreux Français (eux-mêmes bénéficiaires?) n'hésiteraient pas à les défendre. Installée depuis des décennies, la mesure se trouve aujourd'hui fortifiée par un effet cliquet rendant très difficile toute remise à plat.

De même, les cadres de la SNCF utilisent beaucoup cet avantage, cette fois pour partir en week-end et voyager à prix modique. Selon un expert cité par Les Échos, le gouvernement a choisi de renoncer à réformer la gratuité pour apaiser ces salariés influents et espère en contrepartie un soutien sur les différents points de réforme envisagés.

*Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières

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