L'entreprise, spécialisée dans le recueil et l'analyse de données, est accusée d'avoir accédé illégalement aux données de plus de 50 millions de comptes Facebook. Résumé de l'affaire en quatre questions.
D'un côté, un nom bien connu des internautes. De l'autre, une société longtemps discrète, mais qui plonge l'une des entreprises les plus puissantes du monde dans la tourmente. Depuis dimanche, Facebook se débat avec l'affaire Cambridge Analytica. Cette entreprise anglaise, spécialisée dans l'analyse de données, est accusée d'avoir exploité illégalement les données d'au moins 50 millions d'utilisateurs du réseau social dans le monde. Le Figaro fait le point sur cette affaire.
Qu'est-ce que Cambridge Analytica?
Cambridge Analytica est une entreprise spécialisée dans le recueil et l'analyse de données en ligne, dans le cadre de campagnes électorales. Il s'agit d'une filiale du groupe britannique SCL, qui conseille ses clients en stratégie de communication et en marketing ciblé. L'entreprise a été créée en 2013. Elle a été financée à hauteur de 15 millions de dollars par Robert Mercer, un homme d'affaires américain et l'un des principaux donateurs du Parti républicain. Cambridge Analytica s'est surtout fait connaître pour avoir été utilisée par l'équipe de Donald Trump, élu président des États-Unis fin 2016. Steve Bannon, ancien directeur de campagne du candidat républicain, était lui-même investisseur et vice-président de Cambridge Analytica.
Qu'est-ce qu'on lui reproche?
Dimanche, deux enquêtes du New York Times et du London's Observer ont accusé Cambridge Analytica d'avoir obtenu illégalement des données sur plus de 50 millions d'utilisateurs de Facebook. Pour ce faire, l'entreprise aurait eu recours aux services d'Aleksandr Kogan, professeur à la prestigieuse université de Cambridge. Ce dernier a développé une application de tests de personnalité, censée être utilisée dans le cadre de recherches universitaires. Les utilisateurs étaient rémunérés s'ils répondaient à des questions, ainsi qu'en accordant un accès à leurs données sur Facebook. Ces informations, ainsi que celles des amis des personnes ayant participé à cette étude, ont ensuite été transmises à Cambridge Analytica par Aleksandr Kogan. Jusqu'à 50 millions de comptes seraient concernés. Ces profils auraient notamment été utilisés dans le cadre de la campagne électorale de Donald Trump, afin de comprendre et d'influencer l'opinion des électeurs américains, au travers de publicités en ligne, de l'organisation d'événements et d'opérations de communication ciblée.
Facebook était-il au courant?
Le réseau social a tout de suite assuré qu'il enquêtait sur la véracité de ces informations. Il a engagé une firme privée d'enquêteurs à cet effet. Facebook a déjà expliqué que Aleksandr Kogan avait pu récolter légalement les données des utilisateurs, mais avait «violé les règles de la plateforme» en les transmettant à Cambridge Analytica. Facebook a donc suspendu tout accès à ses données à Cambridge Analytica, le groupe SCL, et à Aleksandr Kogan. Mark Zuckerberg, PDG du réseau social, est pour le moment resté silencieux sur cette affaire. C'est aussi le cas de son bras droit, Sheryl Sandberg.
De son côté, Cambridge Analytica affirme qu'elle ignorait que le professeur de Cambridge avait eu accès illégalement à ses données. La société dit également avoir supprimé ces données en 2015, après que Facebook a lui même supprimé l'application d'Aleksandr Kogan de son service. Le New York Times et le London's Observer affirment, eux, que ces informations ont bien été conservées par Cambrige Analytica. En outre, un reportage de la chaîne anglaise Channel 4, diffusé lundi, a prouvé qu'Alexander Nix, PDG de Cambridge Analytica, se vantait de pouvoir faire chanter des hommes politiques en ayant recours à des prostituées ou des pots-de-vin.
Est-ce un problème pour Facebook?
Lundi, le titre de Facebook a perdu plus de 7% en Bourse. Sa capitalisation a fondu de presque 30 milliards de dollars en quelques heures. En cause, des investisseurs inquiets sur les suites du scandale Cambridge Analytica. Ils craignent notamment une plus forte régulation de ses activités. L'affaire attire déjà l'attention des autorités dans plusieurs pays. En Angleterre, l'agence de protection des données, l'ICO, a annoncé lundi soir qu'elle allait demander un mandat pour perquisitionner les locaux de Cambridge Analytica. Elle a par ailleurs forcé l'entreprise engagée par Facebook pour enquêter sur cette affaire, Stroz Friedberg, de quitter les lieux, afin de mener son travail seul. L'Union Européenne s'en est aussi mêlée, estimant ces révélations «effroyables», d'après Vera Jourova, commissaire européenne à la justice et à la protection des consommateurs.
Les procureurs du Massachusetts et du Connecticut, aux États-Unis, ont déjà lancé des enquêtes. Plusieurs membres du congrès américain ont également appelé à ce que les autorités fédérales s'emparent du sujet. Plus grave encore, Facebook pourrait avoir enfreint un décret signé avec la FTC (Federal Trade Commission), l'agence gouvernementale américaine chargée de faire respecter le droit des consommateurs. Ce dernier, signé en 2011, engage Facebook à respecter le consentement des utilisateurs, en leur demandant la permission à chaque fois qu'ils partagent leurs données à d'autres entités. Deux anciens agents de la FTC, dans une interview au Washington Post, ont déjà estimé que l'affaire posait «de sérieuses questions quant au respect de cet accord». Facebook a aussitôt rejeté cette suggestion, assurant qu'il avait toujours respecté les paramètres de confidentialité de ses utilisateurs. Une enquête de la FTC pourrait néanmoins coûter très cher au réseau social.
En Californie, où se situe le siège de Facebook, les employés du réseau social ont été invités à une réunion exceptionnelle pour discuter de toute cette affaire. Elle doit se tenir mardi en fin de journée. Plusieurs médias américains ont affirmé qu'Alex Stamos, en charge de la sécurité chez Facebook, comptait quitter son poste d'ici l'été. En cause, son désaccord avec la direction sur la transparence nécessaire face aux activités liées aux intérêts russes sur le réseau social, en lien avec l'élection américaine de 2016. Sur Twitter, Alex Stamos n'a pas nié un éventuel départ, mais a assuré qu'il était toujours «très impliqué dans son travail chez Facebook» et que son rôle au sein de l'entreprise avait changé récemment. L'affaire Cambridge Analytica pourrait définitivement condamner Facebook aux yeux du grand public et des autorités du monde entier, déjà échaudés par les polémiques autour de la désinformation («fake news») et de l'influence de la Russie sur le service du réseau social.
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Pourquoi l'affaire Cambridge Analytica plonge Facebook dans la tourmente"
Post a Comment