Cela fait maintenant quinze jours qu’a démarré la grève à la SNCF, une grève des « deux-cinquièmes » inédite dans sa forme mais qui sur le fond, reste assez similaire aux mouvements plus traditionnels.
Son but premier, comme toutes les autres grèves, est d’établir un rapport de force avec la direction de la SNCF mais aussi avec le gouvernement en jouant sur deux éléments majeurs : l’aspect économique, puisque la grève coûte à la SNCF quelques dizaines de millions d’euros par jour de débrayage, et l’humeur du public privé de trains.
Or, si les cheminots sont sûrs qu’une grève fera mal aux finances de la SNCF, rallier les usagers à leur cause, alors qu’ils subissent de plein fouet les conséquences de ce conflit, est beaucoup moins évident.
C’est pourquoi quelques voix, encore rares, appellent à la mise en place d’une grève d’un autre genre : la grève de la gratuité.
Appliqué aux transports en commun, cela signifierait qu’en cas de grève, les trains fonctionneraient normalement et que presque tout le monde travaillerait… à l’exception des contrôleurs, puisque ce jour, se déplacer en train ou en RER serait totalement gratuit !
Qu’en pensent les usagers ? Nous avons interrogé deux représentants d’associations qui n’ont pas tout à fait le même point de vue.
POUR. Jean-Claude Delarue, président de SOS Usagers : « Ça ne pénaliserait pas les usagers »
Pourquoi militez-vous pour la grève de la gratuité ?
Parce qu’à la différence d’une grève classique, la grève de la gratuité est indolore pour les usagers : les trains fonctionnent normalement et les seuls en grève sont les contrôleurs, ce qui permet aux usagers de se déplacer gratuitement. Et cela tout en restant pour les syndicats une arme très efficace contre la SNCF, qui perdrait ainsi beaucoup d’argent, mais sans se mettre à dos les usagers.
Cette forme de grève a-t-elle déjà été appliquée ? Et est-ce légal ?
En 1989, les cheminots de la CFDT ont pratiqué la « grève de la pince ». Concrètement, les contrôleurs ont refusé de vendre et de poinçonner les billets (d’où la pince, NDLR). Et plus récemment, en Turquie, on peut citer le cas de péagistes sur le pont du Bosphore, qui ont protesté en levant les barrières et en ne faisant pas payer les automobilistes. Au gouvernement ou à la SNCF, ils disent que cette forme de grève serait illégale. Pourtant, le 17 juillet 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a donné raison aux péagistes turcs. La grève de la gratuité a donc été reconnue et validée par la plus haute autorité juridique d’Europe.
Quid des très nombreux abonnés (Navigo, Imagine R…) qui ne bénéficieraient pas de cette gratuité ?
C’est vrai que la majorité des usagers en Ile-de-France ne sont pas des occasionnels et qu’ils ont un passe Navigo ou équivalent, qui ne leur permettrait pas de bénéficier de la gratuité. Mais au moins, ils pourraient circuler dans des conditions normales les jours de grève, ce qui serait déjà un énorme progrès. Je souhaiterais au moins que puisse être organisé un débat sur le sujet.
CONTRE. Marc Pélissier, secrétaire général de la Fnaut Ile-de-France* : « Une idée sympathique mais difficilement applicable »
Quel est votre avis à propos de la grève de la gratuité ?
C’est une idée évidemment sympathique mais qui me semble très difficilement applicable en Ile-de-France. Déjà, parce que plus de 80 % des usagers sont abonnés, et on voit mal comment ils pourraient bénéficier de cette gratuité décidée par les grévistes. Ensuite, parce qu’en région parisienne, il y a des portiques et autres systèmes de contrôles de billets à peu près partout. Or, ces machines dépendent des agents en gare, qui ne sont pas ceux qui débrayent le plus les jours de grève. Enfin, parce qu’il n’y a pas que la SNCF, mais aussi la RATP et Optile. Comment faire pour rendre gratuit un réseau et pas l’autre, alors que ceux-ci sont entremêlés ?
Des conditions de transport normales les jours de grève, ne serait-ce pas déjà une avancée ?
Il est certain que la grève, telle qu’elle se déroule actuellement, est particulièrement pénalisante. Quand on n’a absolument aucun train en circulation sur certaines lignes ou certains axes, il y a un nombre important de gens qui se retrouvent sans aucune solution, ce qui semble un peu extrême.
Prônez-vous une autre forme de grève, moins gênante ?
Oui, nous souhaiterions que soit mis en place ce qu’on appelle le service minimum librement consenti avec les organisations syndicales, tel qu’il existe dans d’autres pays. En gros, cela revient à demander aux syndicats, sans remettre en cause leur droit de faire grève, de s’organiser pour que ces derniers permettent de faire rouler, par exemple, au moins un train sur deux en heure de pointe.
*Fédération nationale des usagers des transports http://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/debat-pour-ou-contre-la-greve-de-la-gratuite-dans-les-transports-17-04-2018-7669359.phpBagikan Berita Ini
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