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Clash avec Matteo Salvini : Bruno Le Maire tire une balle dans le pied de l'Europe

"Si le nouveau gouvernement prenait le risque de ne pas respecter ses engagements sur la dette, le déficit, mais aussi l'assainissement des banques, c'est toute la stabilité financière de la zone euro qui serait menacée", selon Bruno Le Maire. Une analyse emprunte de la logique austéritaire allemande.

Sans austérité, point de salut ?

Clash avec Matteo Salvini : Bruno Le Maire tire une balle dans le pied de l'Europe

 Crédit Pixabay - Faumor

Atlantico : "Si le nouveau gouvernement prenait le risque de ne pas respecter ses engagements sur la dette, le déficit, mais aussi l'assainissement des banques, c'est toute la stabilité financière de la zone euro qui serait menacée". Ce sont-là les avertissements de Bruno le Maire au nouveau gouvernement italien. Si l'Italie décidait de ne pas respecter ses engagements (ce qui semble être le cas), la stabilité financière de la zone euro serait-elle réellement menacé comme l'a affirmé Bruno le Maire ? 

Christophe Bouillaud : Non, le non-respect en lui-même des engagements par l’Italie ne peut pas menacer à court terme la stabilité de la zone Euro.

Il est même possible au contraire que le fait que l’Italie se lance dans une relance tous azimuts soit très positif pour son économie, et pour la zone Euro en général. Et l’on pourrait même ajouter que plus de croissance en Italie y fera baisser à terme le ratio dette publique/PIB. Par contre, si les partenaires européens de l’Italie – dont la France bien sûr par la voix de son Ministre de l’économie – crient au loup face à cette vision d’une relance, qui certes creusera le déficit à très court terme, cela peut déclencher une panique sur les marchés financiers, et si ensuite, la Banque centrale européenne n’intervient pas pour calmer cette panique afin d’éduquer ou d’effrayer les nouveaux gouvernants italiens, on risque d’aller rapidement à la catastrophe.

En effet, si entre les possibles nouveaux dirigeants italiens et les dirigeants européens qui restent fidèles à la ligne ordo-libérale allemande, comme notre propre Ministre de l’Economie, on commence à monter aux extrêmes, les marchés vont anticiper la fin de l’intégrité de la zone Euro, et ils vont donc commencer à s’affoler sur la dette italienne et sur les banques étrangères détenant de la dette italienne. Et, ensuite, si personne ne calme le jeu… Le risque est d’autant plus grand que les nouveaux dirigeants ont anticipé un étranglement financier tel que l’a subi le gouvernement Tsipras en 2015 et qu’ils ont préparé des contre-mesures. L’Italie de 2018 n’est pas la Grèce de 2015, et les futurs dirigeants de ce pays ont des conseillers qui ont analysé ce que la Grèce avait subi.

Il faut dire qu’à ce stade de la longue crise européenne commencée en 2010 les choses deviennent claires : une majorité politique (et électorale) existe en Italie pour dire un non massif à un Euro géré de manière trop austéritaire pour les pays du sud ; une majorité inverse existe en Allemagne pour continuer cette même gestion jusqu’à la fin des temps. Il faudra bien trouver un moyen terme, ou bien tout le projet européen finira quand même par exploser dans un immense éclat de rire russe, chinois, indien, brésilien, indonésien, etc.

Le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, populiste) et la Ligue (extrême droite) ont présenté vendredi un «contrat de gouvernement» qui tourne le dos notamment à l'austérité et aux «diktats» de Bruxelles. Revenu universel, impôt à 15 ou 20%... Quels sont les risques de voir l'Italie adopter un tel chemin ? 

A cette heure, les militants du M5S ont voté à 97% sur plus de 40.000 votants pour approuver ce contrat de gouvernement. Et, du côté de la Ligue, Matteo Salvini a lancé tout le poids militant de son organisation dans la mise en place ce week-end d’un référendum ouvert aux militants et aux sympathisants pour ou contre ce contrat. Il a fait mettre des urnes pour cela dans des stands de rue (« gazebo ») partout où cela lui a été possible, y compris au sud du pays. Les deux partis ont donc décidé de franchir le Rubicon en faisant un pas en direction de l’autre, et en faisant officialiser leur alliance dans les formes démocratiques qui leur sont propres (en ligne d’un côté, dans la rue de l’autre). Comme aurait dit un Mussolini en son temps, des choix irrévocables sont en train d’être faits.

"Si le nouveau gouvernement prenait le risque de ne pas respecter ses engagements sur la dette, le déficit, mais aussi l'assainissement des banques, c'est toute la stabilité financière de la zone euro qui serait menacée", selon Bruno Le Maire. Une analyse emprunte de la logique austéritaire allemande.

Sans austérité, point de salut ?

Il semble selon les informations qui filtrent dans la presse italienne que les leaders du M5S et de la Ligue soient tombés d’accord sur le nom d’un chef de gouvernement et qu’ils aient commencé à se répartir les postes clés du gouvernement. Ils devraient présenter lundi matin, d’une part, le contrat validé par leurs bases respectives et, d’autre part, le nom de leur candidat à la Présidence du Conseil, au Président Mattarella. Ce dernier prendra sans doute quelques heures ou jours pour répondre.

Ensuite, s’il dit oui, ou s’il émet de simples réserves de détail, il donnera l’investiture à cette personne, et il n’y aura alors plus que le vote négatif de l’une des deux chambres pour l’empêcher de devenir le Président du Conseil d’une Italie « legastellata » (« liguétoilée ») comme disent déjà les propagandistes de la Ligue.

Par contre, l’autre chemin, aussi possible, est que Mattarella refuse cette proposition, soit l’homme ou la femme, soit surtout le contrat de gouvernement – au nom de l’absence de respect de l’équilibre financier prévu dans la Constitution italienne suite aux réformes post-2012. Dans ce cas-là, on irait, comme l’a dit déjà le professeur Marc Lazar il y a quelques jours sur les ondes de France-Inter, vers une crise de régime. Je crois toutefois l’hypothèse peu crédible, car il n’y a pas de courant fort qui s’oppose dans l’opinion publique italienne à un gouvernement M5S/Ligue. Mattarella se trouverait bien seul en réalité à défendre la rigueur budgétaire au nom des engagements européens. Cette absence d’opposition tient au fait qu’en Italie, être encore pour cette Europe-là – celle de l’austérité sans fin et surtout sans résultats– ne représente presque plus rien dans l’électorat, même si les grands journaux d’opinion, le Corriere della Sera et la Repubblica, et leurs éditorialistes restent fermement sur cette ligne. La peur de l’écroulement financier fait moins peur aux Italiens de base que la réalité de leur pauvreté ou de leur précarité professionnelle.

Ensuite, pour autant que Mattarella ne décide pas de déclencher une crise à l’issue pour le moins incertaine -d’abord pour lui-même -, une fois ce gouvernement formé et investi par les deux Chambres, il prendra des décisions. Vu son caractère inédit, il aura probablement à cœur de respecter son programme. Les autres dirigeants européens auront donc intérêt à ne pas trop se mêler des affaires italiennes, ou sinon, rapidement, cela pourra tourner à l’aigre comme je l’ai dit. Rappelons que le slogan de la Ligue est « Prima Gli Italiani » (Les Italiens d’abord), et que ce slogan correspond à un sentiment répandu dans une part de la population italienne bien plus large que le seul électorat de la Ligue. Il n’est plus question en tout cas que les Italiens acceptent des leçons de la part des autres Européens, et encore moins d’un Français. Les Portugais sont sortis discrètement de l’austérité par la porte de gauche, les Italiens doivent pouvoir en sortir, de manière un peu plus théâtrale certes, par la porte de droite sans que cela aboutisse à une crise européenne.

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http://www.atlantico.fr/decryptage/en-deplaise-bruno-maire-programme-economique-nouveau-gouvernement-italien-pourrait-etre-chance-pour-europe-partenaires-ne-lui-3399011.html

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