
L'opération permettrait à l'Etat de se désengager de la compagnie aérienne et à Accor de remplir ses hôtels . Mais pour l'heure, il s'agit surtout d'un ballon d'essai.
Le numéro 1 européen de l’hôtellerie Accor rêve de monter à bord d’Air France-KLM. L’information a été révélée hier soir par le quotidien Les Échos et confirmée depuis, avec beaucoup de précautions, par un communiqué d’Accor qui a reconnu étudier «l’éventualité d’une prise de participation minoritaire au capital d’Air France-KLM». Cette opération passerait par le rachat de tout ou partie des actions détenues par l’Etat dans la compagnie aérienne. Selon les informations obtenues par Libération, le PDG d’Accor, Sébastien Bazin s’est déplacé, en personne, à Bercy, il y a quelques jours, pour «vendre» cette opération au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.
A ce jour, la puissance publique détient 14,3% du capital et 22,7% des droits de vote du groupe Air France-KLM. Un héritage du temps où le transporteur français était contrôlé par l’Etat avant que la fusion avec la compagnie néerlandaise KLM, en 2003, ne réduise sa part. Depuis, le capital de la compagnie a évolué, notamment avec les prises de participation de China Eastern et Delta Arlines, histoire de consolider une indispensable alliance entre les compagnies. Il s’agit pour Air France d’affronter une concurrence, elle aussi coalisée, à l’image de la paire British Airways/American Airlines ou encore la doublette germano américaine Lufthansa/United Airlines.
Opération défensive
Les grèves de ces dernières semaines chez Air France et le départ surprise, du PDG, Jean-Marc Janaillac, après un vote interne qui a tourné à la défiance pourraient expliquer une certaine lassitude de l’Etat actionnaire. Sa participation ne vaut pas plus de 450 millions d’euros au cours actuel et coûte finalement beaucoup plus, notamment pendant les périodes d’agitation sociale. Une note rédigée le 1er juin, sous la plume de l’analyste financier Yann Derocles, de la société Oddo, évoquait d’ailleurs cette éventualité. Un commandant de bord rompu aux vicissitudes de la compagnie enfonce le clou: «Les salariés ont toujours pensé que cette entreprise est insubmersible parce que l’Etat sera toujours là en dernier ressort. Ça ne facilite ni les réformes ni la modernisation de la gouvernance.»
Un changement de l’actionnariat d’Air France-KLM pourrait également modifier la donne, dans la recherche d’un nouveau patron pour la compagnie. Depuis le départ de Jean-Marc Janaillac, il y a quinze jours, un certain nombre de profils, comme l’ancien numéro 2 d’Airbus ont poliment refusé les approches qui leur étaient faites. A leurs yeux le job n’est pas assez bien payé et pavé de chausse-trappes. Notamment en raison du poids de l’Etat qu’il faut toujours consulter, en dernier ressort, pour toute décision importante, ou lors d’un conflit social majeur.
Vu du côté d’Accor, l’affaire présente bien des intérêts. D’abord, les secteurs de l’hôtellerie et du transport aérien sont intimement liés puisqu’ils répondent aux deux principaux besoins des voyageurs. Qu’ils se déplacent pour une raison touristique ou professionnelle. Ensuite, Air France-KLM maîtrise particulièrement bien deux outils indispensables pour remplir ses avions: le «yield management» ou «gestion optimisée des recettes», en clair comment vendre au meilleur tarif les tickets pour remplir un avion sans brader les prix. La compagnie gère également très bien les programmes de fidélisation de clients qui offrent bonus et vols gratuits aux plus assidus et les détournent ainsi de la concurrence. Accor est arrivé beaucoup plus tard sur ces techniques, mais a impérieusement besoin de remplir ses hôtels et d’éviter que ses clients ne regardent trop du côté d’Air bn’b. Enfin le groupe hôtelier doit s’accommoder d’un sparadrap qui n’en finit pas de lui coller aux doigts. Son concurrent chinois Jing Jang (déjà propriétaire en Europe des enseignes Campanile et Kyriad) a ramassé 15% du capital d’Accor, sans y avoir vraiment été invité. Une prise de participation dans Air France, qui pourrait passer par un échange de d’actions entre Accor et l’Etat français, permettrait de faire entrer la puissance publique au capital du géant hôtelier au capital et de diluer le poids de l’intrus.
Gare aux pilotes
Toutefois, si Air France-KLM et Accor veulent convoler en justes noces, quelques obligations devront être respectées. La réglementation européenne est assez stricte. Le capital d’une compagnie aérienne doit être majoritairement détenu par des actionnaires européens. Or les deux transporteurs Delta Airlines et China Eastern possèdent déjà 17 % d’Air France-KLM, sans compter quelques fonds d’investissement et la masse des actionnaires individuels non-européens. Les modalités d’entrée d’Accor dans Air France devront prendre en compte cette obligation. Sans compter l’accueil un peu frais qui risque d’être réservé par les pilotes. Interrogé Par Libération sur l’éventualité d’une telle opération, le président de la section Air france du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), Philippe Evain s’est fendu d’un SMS laconique pour toute réponse: «Nuage de fumée». Plus disert, son collègue Grégoire Applincourt du syndicat des pilotes d’Air France (SPAF) n’est guère plus enthousiaste «Accor à des actionnaires qataris dans son capital et nous sommes en concurrence avec les compagnies du Golfe dont Qatar airways!»
Soucieux de ne pas enflammer un climat social déjà explosif, Bercy fait en tout cas savoir que «l’opération n’en est qu’au stade de la réflexion». «Pour nous, la priorité c’est qu’Air France retrouve la stabilité et une direction entreprenante face aux défis», a précisé un porte-parole du ministère de l’Economie. Après ce ballon d’essai, le PDG d’Accor Sébastien Bazin va devoir un peu patienter avant de pouvoir siffloter «ça plane pour moi».
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