
Interrogé par les parlementaires sur le scandale de la contamination de lait pour enfants par des salmonelles, le patron du géant laitier, Emmanuel Besnier, n'a pas convaincu son auditoire par ses réponses sans empathie.
«C’est insupportable de vous entendre vous excuser alors que vous n’avez pas reçu les représentants des familles qui vous ont écrit à maintes reprises. Je ne peux pas vous laisser nous faire croire que vous avez de la compassion.» L’audition d’Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale ce jeudi matin, n’a pas été une sinécure pour l’intéressé. Le député Modem Richard Ramos était visiblement très agacé par le manque d’empathie manifesté par le patron du numéro un européen du lait après les événements de décembre. Des lots de lait pour enfants, contaminés par des salmonelles avaient été commercialisés dans la grande distribution et trente-cinq bébés contaminés. Un premier rappel n’avait pas été jugé suffisant et le ministère de l’Economie avait dû hausser la voix pour qu’une deuxième opération de retrait, plus large, soit lancée par Lactalis.
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Depuis, une enquête préliminaire est menée par le pôle santé publique du parquet de Paris pour «mise en danger de la vie d’autrui». Parallèlement, une commission d’enquête parlementaire a été constituée à l’Assemblée nationale. Pas tant pour juger de la responsabilité des dirigeants de Lactalis que pour mettre en lumière les raisons de cet énorme bug alimentaire et faire des propositions afin d’éviter qu’un tel scandale se reproduise. L’audition d’Emmanuel Besnier avait une forte probabilité de mal se dérouler. L’ensemble de la commission et son président, Christian Hutin, en tête, ont en effet peu goûté la tentative de défausse imaginée par les avocats de Lactalis. Ces derniers ont carrément écrit à la ministre de la Justice pour lui expliquer que les dirigeants du groupe laitier ne pouvaient pas s’exprimer devant une commission d’enquête compte tenu de l’existence d’une procédure pénale. Raté. «Je regrette que vous essayiez de torpiller par tous les moyens possibles notre travail», a lancé Christian Hutin à l’adresse d’Emmanuel Besnier, qui a donc fini par répondre à l’invitation.
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«C’est lié à ma personnalité»
Conscient que l’ambiance n’était pas vraiment à la fête, le patron de Lactalis a choisi sans surprise de faire profil bas : «Si je suis ici c’est pour répondre à des questions légitimes sur ce qui s’est passé, en tirer les enseignements et éviter que ça se reproduise», a-t-il tenté. Avant de s’adresser indirectement aux familles des victimes : «Nous avons failli dans notre mission de mettre sur le marché des produits sains. Nous n’aurons jamais assez de mots pour nous excuser.» Quant à la transparence toute relative du groupe Lactalis, le taiseux Emmanuel Besnier tente une explication : «Notre groupe est un groupe discret, je l’assume et c’est lié à ma personnalité.»
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Au-delà du style Besnier, qui a manifestement du mal à passer auprès des parlementaires, la stratégie choisie pour répondre à leurs questions n’a pas convaincu non plus. Interrogé sur des points précis comme la manière dont sont réalisés les contrôles de sécurité sanitaire, ou le processus de rappel des produits contaminés, le PDG de Lactalis a répondu en lisant d’une voix monocorde un argumentaire préparé à son intention par ses conseils. Une attitude qui contrarie au plus haut point le président de la commission : «Je vois un certain nombre de mes collègues s’énerver, vous pouvez lire des déclarations mais ça ne peut pas aller.» Le rapporteur enchaîne : «Je voudrais vous remercier pour la lecture de vos notes, […] mais nous avons besoin de réponses précises pour comprendre vos dysfonctionnements.»
«Allez voir les familles des victimes»
La commission d’enquête voudrait en effet comprendre quelle est l’efficacité des contrôles que Lactalis mène avec des laboratoires qu’il rémunère – d’où le nom «d’autocontrôles» –, mais aussi pourquoi du lait contaminé a été retrouvé en vente après la première opération de retrait et enfin, comment se déroule le processus entre un producteur de lait et les services de l’Etat chargés de le contrôler.
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Visiblement, sur ces trois points, les députés n’ont pas obtenu de réponses satisfaisantes, ni des différents directeurs techniques ou de filiale ni du PDG à qui le président de la commission d’enquête a formulé, en fin de séance, deux conseils : «Si vous pouviez arrêter de nous saborder en écrivant à vos avocats et puis, de temps en temps, forcez votre nature et allez voir les familles de victimes.»
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