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Impôts : les six bugs qui vous attendent avec le prélèvement à la source

" Pourquoi ne pas avoir mensualisé tous les contribuables ? " demandait ce matin Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France. Et oui, pourquoi ? doivent se demander pas mal de membres du gouvernement. Selon "Le Canard Enchaîné", on se pose aussi la question au sommet de l'Etat et Emmanuel Macron serait prêt à reporter la mise en place du prélèvement à la source. Il faut dire que celle-ci risque bien de relever davantage du rodéo que de la promenade dominicale. Officiellement, tout se met en place et le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, s'efforçait, ce matin, de rassurer : " Il n'y a aucun bug administratif ou informatique, " a-t-il martelé, " le prélèvement à la source sera simple pour les Français à partir du mois de janvier." Pourtant un député LREM s'inquiétait en privé à Challenges : " c'est bourré de bugs !". En fait, la réforme du prélèvement à la source, qui doit moderniser et simplifier la collecte de l'impôt, tout en permettant d'économiser de l'argent va rendre l'impôt plus complexe, plus cher à collecter, mobiliser les entreprises et perturber durablement les budgets de deux-tiers des Français qui paient l'impôt. Focus sur les 5 bugs de cette réforme dont on n'a pas fini de parler !

Une réforme qui reste floue

Elle devait simplifier le travail de l'administration. C'est le contraire qui va se produire. En pratique, les contribuables établiront l'an prochain une déclaration de leurs revenus 2018, comme d'habitude. Sur cette base, l'administration calculera deux impôts : un impôt sur l'ensemble des revenus de 2018 et un impôt sur les " revenus non exceptionnels ", qui sera déduit du précédent (l'impôt dû sur l'ensemble des revenus). Cette déduction prendra la forme d'un " crédit d'impôt de modernisation du recouvrement de l'Impôt " (CIMR). On comprend ce que sont des revenus " non exceptionnels " : les traitements, salaires, revenus revenus des indépendants et autres revenus fonciers, nets des charges déductibles. Mais alors, que sont ces mystérieux " revenus exceptionnels " ? Il s'agit, disent les textes de Bercy, " des gratifications surérogatoires " sur les salaires et " tout autre revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement ". Le problème, c'est que le dictionnaire donne de surrégogatoire une définition qui laisse une belle place à l'interprétation : " Qui s'ajoute à quelque chose sans nécessité " et laisse entrevoir de bien belles empoignades fiscales à l'horizon…

Une réforme qui complique l'impôt

Bercy va désormais devoir gérer quatre formes de prélèvements : à la source pour les salaires, forfaitaire pour les revenus des placements, par acompte pour les revenus fonciers et décalé pour les revenus exceptionnels). De plus, le fisc devra -ce n'est pas encore fait- réussir à connecter à temps les systèmes de paie des entreprises, des régimes de retraites et des collectivités locales à sa propre chaine de traitement informatique. Cela servira, notamment à remplacer les acomptes qui étaient simplement prélevés sur les ménages, par des virements de ces " collecteurs ". Des virements qui comprendront à la fois des " acomptes mensuels " sur certains revenus et des " acomptes contemporains " sur d'autres. Pas simple, et même tout simplement casse-gueule dans la mesure ou un récent bug a montré que même sur ce qu'elle maitrisait bien, la déclaration traditionnelle, l'administration pouvait s'emmêler les crayons. Depuis quelques mois, plusieurs centaines de contribuables ont en effet reçu un avis d'imposition totalement fantaisiste : certains ont vu s'envoler la demi-part de leur enfant, d'autres disparaître des crédits d'impôt. " Il s'agissait d'informations rajoutées par les contribuables et qui n'étaient pas indiquées sur la déclaration préremplie " explique un agent du fisc, comme pour se dédouaner. Bercy, lui, reste muet.

Une réforme qui coutera cher

La réforme devait permettre de faire des économies. Pas sur le personnel de Bercy, en tous cas, qui sera mobilisé pendant quelques années par les multiples cas particuliers qui échappent à la règle générale. L'inspection générale des finances, qui s'est basée sur les évaluations de l'administration, estime qu'il faudra investir au moins 140 millions d'euros en logiciels et matériels. Et compte un surcout de fonctionnement de 14 millions par an. Cher, surtout quand une grande partie du travail a été transféré aux fameux " collecteurs d'impôts ", que sont les entreprises et les collectivités. " Le prélèvement à la source " prévient François Ecalle, ancien rapporteur général du rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques et ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, " sera plus coûteux pour l'administration fiscale non seulement en raison des investissements initiaux mais aussi en raison de coûts de fonctionnement plus élevés en régime de croisière. "

Une réforme qui n'aime pas les indépendants

Comme il sera impossible de faire prélever l'impôt sur le revenu des indépendant par une entreprise collectrice, il a été décidé que les travailleurs indépendants paieront leur impôt sur le revenu par acomptes mensuels ou trimestriels, calculés sur la base de la situation passée. Ils seront prélevés automatiquement par le fisc et sera éventuellement actualisés, sur demande du contribuable, en cas de variation de revenus. Mais Bercy, qui a une sainte horreur des mécanismes d'optimisation, a concocté pour ces indépendants une mesure spéciale : si leurs bénéfices 2018 sont supérieurs à ceux de 2015, 2016, 2017, la différence sera imposée. Mais comme il ne faut pas pénaliser les entreprises en croissance, elle a aussitôt élaboré une contre-mesure qui prévoit que l'impôt qui aura été alors encaissé sera restitué en 2020 si les bénéfices 2019 sont supérieurs à ceux de 2018. Conclusion : plus personne n'y comprend rien. Et surtout pas les indépendants qui ont d'autres chats à fouetter que de se plonger dans les subtilités de la grammaire fiscale.

Une réforme défavorable aux futurs retraités

Beaucoup de français ont choisi de préparer leur retraite en souscrivant un Perp (Plan d'épargne retraite populaire) ou un contrat Madelin, tandis que d'autres songent à racheter un trimestre de cotisation retraite pour améliorer leur future pension. Un choix souvent judicieux, d'autant que ces investisseurs ont ensuite la possibilité de déduire ces dépenses (ces investissements, plutôt) de leurs revenus, générant ainsi une baisse de leur impôt. Mais cela, c'était avant… Car ces contribuables prévoyants ont été tout simplement oubliés par la réforme du prélèvement à la source. Comme les revenus de 2018 seront annulés par le CIMR, ces dépenses (rachats de trimestres, PERP et Madelin) ne pourront pas en être déduites. En panique, l'administration a alors modifié les règles pour faire en sorte que certaines de ces dépenses soient prises en compte " a minima ". C'est-à-dire à 50%. Cela ne devrait pas ravir les particuliers, comme le craignent déjà les assureurs, qui commercialisent une partie de ces produits… Quant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), elle s'est déjà fait une raison : elle n'assurera pas de rachats de trimestres d'ici Noel ! Elle a annoncé que les devis établis en 2018 seront valables jusqu'au 31 mars prochain !

Une réforme qui va déséquilibrer le budget des familles

On pourrait penser que le mode de " prélèvement à la source " adopté à partir de janvier 2019 ressemblera beaucoup à la mensualisation, déjà adoptée par des millions de Français. Les ménages vont découvrir à partir de janvier prochain qu'il n'en est rien ! Imaginons par exemple que vous soyez un ménage de deux actifs avec deux enfants, payant 16500 euros d'impôts. Mais comme vous faites garder vos enfants, vous pouvez réduire vos impôts d'environ 2000 euros. Et comme vous avez investi en Pinel, vous réduisez en plus vos impôts de 2500 euros. Dans l'ancien système, votre prélèvement mensuel était calculé sur la base d'un impôt de 12000 euros (16500 – 4500 euros). Le nouveau système de prélèvement à la source fonctionne différemment : la base de calcul des sommes soustraites du salaire, c'est l'impôt AVANT réduction. Dans notre cas, notre ménage se fera ponctionner 1300 euros, alors qu'avec l'ancien système de mensualisation, les retraits étaient de l'ordre de 1000 euros. Ce différentiel durera neuf mois, avant que l'administration ne régule la situation en virant les réductions d'impôts sur le compte du contribuable… qui aura quand même du vivre en se serrant un peu la ceinture pendant neuf mois (et aura fait au passage une avance de trésorerie au fisc) ! Tous ceux qui ont des réductions et des crédits d'impôts (emploi à domicile, réduction d'impôt Pinel, Duflot…) sont concernés. Devant la bronca des associations familiales, le gouvernement a décidé in extremis que les personnes ayant obtenu un crédit d'impôt pour emploi d'une personne à domicile ou pour frais de garde d'enfants de moins de 6 ans, recevront en février 2019 un acompte de 30% de l'avantage obtenu en 2018 pour les dépenses payées en 2017. Mais cela ne sera valable, hélas, qu'en 2019 : les années suivantes, ces restitutions d'impôt seront versés aux contribuables par virement, à partir de septembre…

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