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Assurance chômage: pourquoi Macron va court-circuiter les syndicats

" Nous serons prêts ". Les conseillers de Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, travaillent d'arrache-pied, rue de Grenelle à Paris, sur les textes et décrets de la future réforme de l'assurance chômage. Or, une négociation a été officiellement ouverte, ce mercredi 24 octobre, entre patronat et syndicats, qui ont trois mois pour trouver un accord sur ce dossier brûlant. Mais les experts du ministère le savent : les chances d'aboutir sont très faibles, tant les positions restent éloignées. D'où cette préparation active de la réforme : s'il n'y a pas d'accord ou s'il est insuffisant, Emmanuel Macron n'hésitera pas à passer en force, comme il l'avait fait sur la réforme de la formation professionnelle.

Certes, le président a fait des efforts, sur la forme, en direction des syndicats qui l’accusent de les marginaliser, en les conviant à une grande conférence sociale en juillet dernier. Mais sur le fond, l’enjeu est trop important. Le chef de l’Etat a visiblement pris conscience qu’avec cette réforme, il peut obtenir des résultats assez rapides sur l’emploi, après avoir reçu une note du ministère du Travail sur le sujet. Et en juillet, il a décidé d’ouvrir rapidement cette négociation dont  les syndicats n’étaient pas demandeurs. « Les règles de l’assurance chômage ont pu involontairement encourager le développement de ce qu’on appelle la permittence et de la précarité », a-t-il lancé, dans son discours devant le Congrès, le 9 juillet. Depuis les choses n’ont pas traîné, le patronat et les syndicats ayant reçu une lettre de cadrage aux termes choisis mais avec des objectifs assez clairs.

Coup d'arrêt à la permittence

Quels sont-ils ? D’abord mettre un coup d’arrêt à la permittence. Ce système est lié au dispositif « d’activité réduite », qui permet de cumuler revenu d’activité et allocation chômage. Imaginé pour inciter les demandeurs d’emploi à reprendre un travail, il a dérivé. « Aujourd’hui, près d’un chômeur indemnisé sur deux cumule allocation chômage et revenu d’activité. Et il est possible de rester indéfiniment dans cette situation », déplore l’économiste Pierre Cahuc, spécialiste du sujet.

Pas moins de 850.000 personnes vivent, en effet, sous ce régime depuis plus de cinq ans. Et le coût pour l’assurance chômage est faramineux : 5,4 milliards d’euros sont versés chaque année à des chômeurs ayant un emploi. En plus, les règles d’indemnisation (basées sur le salaire journalier) sont absurdes : elles permettent à une partie des demandeurs d’emploi de gagner plus avec ce cumul qu’avec un job à temps plein.

Second objectif : stopper l’inflation des contrats précaires, à très courte durée. 80 % des CDD sont signés pour moins d’un mois et un sur trois pour un seul jour ! L’exécutif veut inciter patronat et syndicats à mettre en place un système de bonus-malus - une promesse de campagne du candidat Macron -, qui existe aux Etats-Unis depuis les années 1930. Il s’agit de faire payer aux entreprises le coût des licenciements et des contrats précaires pour l’assurance chômage en faisant varier leurs cotisations sociales, avec un barème différent selon les secteurs. Défendu par Jean Tirole, notre prix Nobel d’économie, ce système suscite l’hostilité farouche du Medef et de la CGPME.

Résultats décevants sur le front du chômage

Explosives, ces réformes sont cruciales, vu les résultats assez décevants sur le front du chômage. Le taux de chômage affiche une légère baisse (0,1 point au second semestre 2018) et les créations d’emplois sont à la peine. Au deuxième trimestre, la France a créé à peine 12.500 postes (dans le public et le privé), presque quatre fois moins qu’au trimestre précédent. C’est bien pour cela qu’Emmanuel Macron compte sur une réforme de la permittence, qui pourrait être votée en avril-mai, pour vraiment inverser la courbe du chômage en rendant le retour au travail plus incitatif financièrement.

Et face aux pénuries d’emploi qui s’aggravent, il attend beaucoup de la refonte de la formation et de l’apprentissage qui entrera vraiment en vigueur en 2020. « Avec ces réformes, nous aurons des résultats, espère un proche d’Emmanuel Macron, convaincu qu’il faut aller au bout de la réforme de l’assurance chômage. La cote de popularité du président a décroché notamment à cause de l’impatience des Français. Dès que nous obtiendrons des résultats significatifs, elle peut remonter ».

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