Il avait l’air convaincu, Gérald Darmanin, de sa prévision de croissance pour 2018. «Quoi qu’il arrive», avait lancé le ministre de l’Action et des Comptes devant les députés début août, elle «ne serait pas inférieure à 1,8%» du PIB. Raté : selon l’Insee, la croissance annuelle cette année atteindra péniblement 1,6%. Le statisticien tablait jusqu’ici sur 0,1 point de plus. Au printemps, dans les documents transmis au printemps à la Commission européenne, le gouvernement pariait même sur une croissance de 2% après 2,3% en 2017…

Ce mauvais cru est dû, selon l’Insee, à un premier semestre au ralenti : «La consommation des ménages a pâti des grèves dans les transports, de moindres besoins en énergie du fait d’un printemps précoce, mais aussi sans doute de la baisse du pouvoir d’achat enregistrée au trimestre précédent», explique l’institut dans une note rendue publique ce jeudi. Après un retard pris sur le reste de la zone euro au premier semestre, la France comblerait cependant son retard dans la deuxième partie de l’année : «Beaucoup d’ingrédients semblent en effet réunis pour contribuer à un retour à meilleure fortune au troisième trimestre, écrit l’Insee. Aux pertes sèches essuyées par les services de transports avec les grèves, succéderait un contrecoup avec le retour à la normale de l’activité.» La croissance du PIB serait bien plus dynamique au troisième (+0,5%) et quatrième trimestre (+0,4%) en comparaison avec les deux premiers (+0,2% à chaque fois).

L’inflation sous les 2%

Certes, l’Insee insiste sur une consommation des ménages en progrès «tirée […] par la vive progression du pouvoir d’achat attendue sous l’effet des baisses de cotisations salariales et de la réduction de la taxe d’habitation». Ce que le gouvernement ne manquera pas de souligner dans les débats actuels autour du pouvoir d’achat des Français dans un contexte d’examen, dès la semaine prochaine à l’Assemblée, du budget 2019. Mais si l’investissement des entreprises resterait «tonique», celui des ménages, en revanche, demeurerait «atone» et l’inflation pourrait, elle, tutoyer les 2% (après 1% l’an dernier). Ce «regain» de la hausse des prix, précise l’Insee, «conduirait toutefois à un léger ralentissement du pouvoir d’achat à +1,3% en 2018, après  1,4%». «Les ménages n’ont pas encore intégré dans leurs anticipations la hausse à venir de leur pouvoir d’achat, ajoute l’institut dans sa note. Leur comportement de consommation pourrait donc surprendre, à la hausse comme à la baisse.»

Résultat de cette année en demi-teinte, le gouvernement va devoir assumer un taux de chômage qui ne bouge pas : 8,9% prévus en fin d’année, soit le même niveau qu’en 2017. Les créations nettes d’emploi ont été divisées par trois en un an : de 324 000 l’an passé, elles ne seraient plus que de 129 000 en fin d’année. Et encore, l’Insee prévient que «ce scénario n’est pas exempt de risques, surtout internationaux, qu’il s’agisse par exemple des conséquences des mesures protectionnistes sur le commerce mondial, des modalités du Brexit ou de la fragilité de certaines économies émergentes». Pour le coup, si la conjoncture se dégrade davantage pour ces raisons-là, le gouvernement français pourra dire qu’il n’y pouvait pas grand-chose.

Lilian Alemagna