
La société qui emploie Yann (et sa femme) demande aux juges prud'homaux de se prononcer contre l'inaptitude du salarié.
Les conflits qui animent les prud'hommes reflètent chaque jour notre histoire sociale. L'audience en bureau de jugement est publique. Régulièrement, une journaliste de L'Express assiste aux débats.
Paris, conseil des prud'hommes, audience en référé, le 29 août 2018 à 15h40
Le président est assisté d'un conseiller. Plus loin, la greffière trône au milieu de ses dossiers. Face au trio, deux avocates et un homme, la tête baissée.
Le président : Vous nous résumez ce qui vous amène ici ?
L'avocate de l'employeur : L'employeur attaque ce monsieur, qui est arrêté pour inaptitude.
Le président : C'est rare, en général, c'est le salarié qui vient voir le conseil. Mais vous devez avoir vos raisons.
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L'avocate de l'employeur : Il est en inaptitude, il critique la société mais il a fait embaucher sa femme !
Le président : Et lui, il a commencé quand et il fait quoi ?
L'avocate de l'employeur : Il a été embauché en 2014 comme directeur de produits pour une entreprise informatique. Tout va pour le mieux.
L'avocate de Yann : Il a de bonnes relations contractuelles, c'est pourquoi il a choisi que sa femme rejoigne l'entreprise.
L'avocate de l'employeur : Elle veut être enceinte, elle a trouvé la planque.
L'avocate de Yann : Confrère...
L'avocate de Yann : Voilà un mail où il demande que l'on sécurise la période d'essai de Virginie.
Le président : De qui ?
Les deux avocates : Sa femme.
L'avocate de l'employeur : On me dit qu'il fait une dépression liée à l'employeur. Moi, je lis que monsieur est un ancien dépressif.
L'avocate de Yann : Vous n'êtes pas sport !
L'avocate de l'employeur : D'accord, ce n'est pas à moi de juger, mais je m'en sers comme je peux.
L'avocate de Yann la coupe : Le 16 février 2018, mon client est si mal qu'il saisit le conseil des prud'hommes pour une résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il voit le médecin de travail le 15 mai, qui le déclare apte. Il le revoit le 28 juin et là, le médecin le déclare inapte.
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Le président : S'il est inapte, qu'est-ce que vous attendez de nous ?
L'avocate de l'employeur : Nous contestons l'inaptitude.
Le conseiller : On n'a pas la capacité d'annuler !
L'avocate de l'employeur : Si ! Vous pouvez désigner un médecin-expert pour vous éclairer, c'est la loi.
Le président souffle : Comment puis-je juger si monsieur est inapte ?
L'avocate de Yann : Vous avez raison monsieur le président, nous avons 15 pièces dont quatre avis médicaux, y compris celui d'un homéopathe-acupuncteur, qui témoignent de la souffrance de mon client. Il a sept attestations de collègues qui soulignent la dégradation de ses relations de travail, de l'attitude humiliante du DG...
Le président : Et vous demandez quoi ?
L'avocate de l'employeur : Que l'on se serve des moyens légaux pour juger de l'avis d'inaptitude.
L'avocate de Yann : 10 000 euros de dommages et intérêts en raison de la volonté de nuire de l'employeur et 2000 euros d'article 700.
L'avocate de l'employeur : Bizarrement, deux jours avant la fin de la mission où il travaillait depuis deux ans, il obtient cette inaptitude.
L'avocate de Yann : Vous êtes dans la théorie du complot !
Le président : Et sa femme ?
L'avocate de Yann : Congé parental.
Il est 16 h.
Verdict, le 12 septembre: le conseil des prud'hommes dit qu'il n'y a pas lieu à référé.
Le conseil des prud'hommes peut juger de l'inaptitude
Le conseil dit "qu'il n'y a pas lieu à référé", ce qui signifie qu'il ne conteste pas l'inaptitude de Yann. Le salarié est toujours dans l'entreprise, son employeur ne veut pas le licencier. La bataille se poursuivra sur le fond de l'affaire, en bureau de jugement, dans quelques mois.
La procédure menée par l'employeur devant la formation de référé est, depuis le 1er janvier 2017, valable pour obtenir la désignation d'un médecin-expert sur l'inaptitude contestée (article L 4624-7 du code du travail). L'ordonnance n°2017-1387 ("ordonnance Macron") va plus loin encore : elle précise que la décision des prud'hommes se substitue aux avis et propositions contestés et non plus uniquement aux seuls éléments de nature médicale.
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