
La commission du président Juncker n’avait plus vraiment le choix. Dans l’après-midi du mardi 23 octobre, elle a confirmé une décision sans précédent : elle réclame au gouvernement italien qu’il lui soumette un nouveau budget prévisionnel 2019 après qu’elle a jugé non conforme aux règles du pacte de stabilité et de croissance, le projet de loi concocté par l’attelage populiste (Mouvement 5 Etoiles et extrême droite de la Ligue), aux manettes à Rome.
Cette décision questionne la souveraineté d’un des Etats fondateurs de l’Union européenne (UE) et de la troisième économie de la zone euro. Le gouvernement italien a formellement refusé, lundi 22 octobre, de reculer</a> sur ce budget prévisionnel, malgré « une déviation sans précédent » par rapport aux règles du pacte de stabilité et de croissance, dénoncée par Bruxelles, jeudi 18 octobre.
Les règles communes, établies entre tous les Etats membres, ont beau être</a> plutôt souples, le cas italien, aux yeux de la plupart des observateurs, oblige l’institution à réclamer</a> une révision du budget. Si elle n’agit pas, la Commission court en effet le risque de se décrédibiliser complètement.
Un déficit prévisionnel de 2,4 % du PIB en 2019
Le gouvernement transalpin se déclare prêt, depuis quelques jours, à un « dialogue constructif » avec Bruxelles et ses partenaires. Mais dans les faits, il n’a tenu, pour l’heure, aucun compte des observations formulées. Le « budget du peuple » – pour reprendre</a> l’expression du Mouvement 5 Etoiles – affichera un déficit prévisionnel de 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2019, au lieu du 0,8 % promis en juin. Et une détérioration structurelle (creusement du déficit lié à des réformes) de 0,8 % du PIB en 2019, contre un effort structurel attendu de 0,6 % (réductions budgétaires liées à des réformes).
Rome s’est, en revanche, engagé à prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas dépasser ce niveau de déficit, et à le réduire</a> à 2,1 % en 2020, puis à 1,8 % en 2021. Lundi soir, les principaux ministres se sont réunis au palais Chigi, autour du premier ministre, Giuseppe Conte, pour réfléchir</a> à d’éventuelles mesures additionnelles si la situation sur les marchés financiers devenait incontrôlable.
Un confortable socle de popularité
Le ministre de l’économie et des finances, Giovanni Tria, qui aura cherché – sans succès – à obtenir</a> que la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles lâchent un peu de lest face à Bruxelles, admet, dans sa réponse aux instances européennes, qu’il est « conscient » d’enfreindre les règles. Il explique cette décision, « difficile mais nécessaire », par le retard pris par son pays dans le retour au niveau de PIB d’avant le début de la crise financière, ainsi que « les conditions dramatiques dans lesquelles se trouvent les couches de la population les plus désavantagées de la société ».
Assis sur un confortable socle de popularité (environ 60 % d’opinions favorables, un niveau très inhabituel en Italie), le gouvernement Conte semble assuré de sa légitimité et confiant dans sa capacité à résister</a> aux pressions extérieures. La dégradation de la note de la dette italienne de « Baa2 » à « Baa3 » par l’agence Moody’s, vendredi 19 octobre, aura plutôt contribué à calmer</a> les esprits : en effet, celle-ci n’a pas provoqué la tempête que beaucoup craignaient.
Bruxelles veut dédramatiser</a> sa démarche
Le commissaire à l’économie, Pierre Moscovici, et le vice-président de la Commission chargé de l’euro, Valdis Dombrovskis, sont tous deux en première ligne sur l’annonce historique de la commission. Bruxelles n’a, jusqu’à présent jamais « retoqué » aucun budget de la zone euro.
Le Français et le Letton partagent une même volonté de dialogue, mais aussi de fermeté, depuis le début de l’épreuve de force avec Rome, fin septembre. Mardi, en direct du Parlement de Strasbourg, où la commission tenait sa réunion du collège, MM. Moscovici et Dombrovskis ont pris soin d’éviter le recours à une rhétorique trop brutale. L’institution veut au maximum dédramatiser sa démarche, afin d’échapper, autant que faire</a> se peut, à l’accusation d’avoir provoqué une crise irréparable par son intransigeance.
Crainte de secousses sur le marché des obligations
Les commissaires craignent également de fortes secousses sur le marché des obligations souveraines, qui pourraient fragiliser</a> des Etats encore convalescents, comme l’Espagne ou le Portugal. Personne n’y a intérêt : les autorités grecques redoutent que leurs banques, encore très fragiles après dix années de crise financière, en soient les premières victimes collatérales.
Après la demande bruxelloise de « resoumissions » de son budget, l’Italie aura trois semaines, soit jusqu’au 14 novembre, dans le cadre de la procédure dite du « semestre européen », pour revoir</a> sa copie. En cas de refus, une procédure dite de « déficits excessifs », liée à l’énorme dette du pays (environ 132 % de son PIB), pourra être ouverte par l’institution, à tout moment.
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