
L'acierie nordiste de Saint-Saulve est menacée de fermeture. Seul actionnaire restant, le groupe Vallourec refuse de remettre au pot et l'Etat ne fait pas grand chose. Ce sont 281 emplois qui sont menacés.
«On en a marre, de M. Le Maire !» : Bruno Kopczynski, le porte-parole de l’intersyndicale d’Ascoval, n’a pas réussi à garder son calme jusqu’au bout, à la sortie de la table ronde qui se tenait à Valenciennes Métropole sur l’avenir de l’aciérie de Saint-Saulve (Nord), qui semble de plus en plus menacée de fermeture. Sa colère a explosé contre le ministre de l’Economie qui venait de déclarer, en marge d’un déplacement au Parlement européen de Strasbourg, que l’Etat rappellerait pour la énième fois ses responsabilités à Vallourec. Le fabricant français de tubes est le seul actionnaire restant d’Ascoval, après le dépôt de bilan d’Ascometal et sa reprise par le groupe suisse Schmolz + Bickenbach. En difficulté financière avec une perte de 307 millions d’euros au premier semestre 2018, il refuse de soutenir le projet de reprise, porté par le franco-belge Altifort. Ainsi, 281 emplois directs sont menacés, 1 000 autres potentiellement concernés. Mais le syndicaliste balaie ce soutien affiché, et dénonce : «M. Le Maire, qui prône la reconquête industrielle, assassine une entreprise par derrière.»
Longtemps patients, les ouvriers sont désormais partis pour un bras de fer. «Nous allons étouffer Vallourec», tonne le délégué syndical CFDT. L’aciérie Ascoval approvisionne le reste du groupe : «Vallourec n’expédiera plus un tube vers ses clients», prévient Kopczynski. Elle est à l’arrêt depuis lundi soir, lors de la parution d’un communiqué de Vallourec qui y annonçait officiellement son désengagement. «Nos délégués syndicaux n’étaient même pas au courant, ils étaient en réunion, ils l’ont appris par la presse», raconte un des salariés qui patiente devant l’entrée de Valenciennes Métropole.
Croque-mort
Ce qui coince, c’est un chèque évalué entre 35 et 51 millions d’euros, selon les sources. Altifort demande à Vallourec de continuer à acheter l’acier d’Ascoval pendant dix-huit mois, le temps qu’un nouveau laminoir soit construit. Altifort parie sur la production de tubes d’acier, qui servent à fabriquer boulons et roulements à billes. Mais Vallourec refuse de payer l’acier «30% plus cher», pour une reprise à laquelle il ne croit pas. «L’examen du plan de reprise montre que les besoins de financement du projet ont été largement sous-évalués et ne sont financés que pour une part minime par Altifort», affirme le groupe dans son communiqué. Il se dit d’ores et déjà prêt à «se mobiliser à nouveau pour favoriser leur reclassement [des salariés, ndlr], à hauteur des besoins et possibilités de ses activités installées en Hauts-de-France», en cas de liquidation judiciaire. Ce qui fait dire à Bruno Kopczynski que «Vallourec reste sur sa position de croque-mort.»
Au rond-point devant l’aciérie, les pneus dégagent une fumée noire : les gars sont là, bras croisés, demandent des nouvelles de la table ronde. «Vallourec ne bouge pas ? Nous non plus.» Sébastien est entré à 19 ans à l’aciérie, il en a 37. «Vallourec, c’est presque une histoire de famille, mon père, mon grand-père travaillaient là, et même mon arrière-grand-père était Vallourec, dans l’ancienne usine d’Anzin.» Elle a fermé depuis belle lurette, et Valentin, 58 ans, a connu sa liquidation. Il a été reclassé à l’aciérie, pour sans doute la voir fermer à son tour. Il n’a guère d’espoir, désormais. «Tu nous diras dans quelle boîte tu vas après, pour qu’on ne te suive pas», rigole Sébastien. Le petit groupe raconte les efforts consentis pour sauver leur usine, «un outil fabuleux, croyez-moi», insiste Valentin. «On a réussi à diminuer de 40% le prix de l’acier, et on n’est toujours pas viable ?» s’indigne Sébastien.
Appel à Emmanuel Macron
Dans le hall de Valenciennes Métropole, Hubert Paris, le directeur Europe-Afrique de Vallourec, passe sans un mot, visage fermé. Fabien Roussel, député communiste, en appelle à la souveraineté économique et industrielle de la France, et se demande pourquoi l’Etat laisse fermer un fleuron. Xavier Bertrand, le président du conseil régional des Hauts-de-France, ne dit pas un mot et laisse la parole à Valérie Létard, sénatrice du Nord et ancienne présidente de Valenciennes Métropole. Elle plaide pour la cohérence du projet Altifort : «On est ici dans l’écosystème de l’industrie automobile et ferroviaire, et continuer à les approvisionner, cela a du sens, non ?» Elle en appelle au président de la République : «Nous comptons sur lui pour être au rendez-vous de la filière acier. Vallourec est trop fragile. Mais notre agglomération de 200 000 habitants [de Valenciennes, ndlr] est prête à mettre 10 millions d’euros, le conseil régional 14 millions d’euros, et l’Etat français ne pourrait pas mettre autant ?»
La secrétaire d’Etat à l’Economie, Agnès Pannier-Runacher, présente à la réunion, toute nouvelle arrivée au gouvernement, déclare de son côté : «Je pense que ce n’est pas fini.» Elle veut «refaire le point sur le business plan» et voir «comment on arrive à une solution de sortie, s’il en existe une». Dans ce contexte, le tribunal de Strasbourg, qui statue ce mercredi sur l’offre de reprise d’Altifort, devrait accepter un nouveau report.
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