
Interrogé sur le désengagement de l'État d'Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d'Engie, le ministre de l'Économie a notamment expliqué que le rôle de l'État n'était pas de «toucher des dividendes».
Aux prises avec une loi Pacte en forme de patchwork assemblant des mesures très diverses, l'opposition a choisi de cogner sur son volet le plus emblématique: celui des privatisations. Le texte porté par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, prévoit en effet d'autoriser le gouvernement à privatiser Aéroports de Paris (ADP), La Française des jeux (FDJ) et à réduire encore la participation de l'État chez Engie (24 % et 30 % des droits de vote).
Les députés, qui débattent du projet de loi depuis une semaine, ont attaqué mercredi l'examen des articles consacrés à ces opérations, dans une ambiance surchauffée par le climat créé par la démission de Gérard Collomb. Au PS, c'est l'ancien collaborateur d'Arnaud Montebourg puis de François Hollande, Boris Vallaud, qui monte au front. «Renoncez à ces privatisations!», a-t-il lancé au ministre, affirmant qu'elles seront à la fois «une aberration économique et une erreur stratégique».
Bruno Le Maire a renvoyé au député le bilan de sa famille politique: «Vous parlez en expert, c'est un gouvernement socialiste (celui de Lionel Jospin, NDLR) qui a le plus privatisé!» Les formules sont des classiques du genre parlementaire, mais l'échange témoigne de ce que, même en défendant un texte de privatisation, on ne veut pas dans la classe politique française en général et chez ce gouvernement en particulier, s'afficher comme celui qui aura le plus vendu… Le précédent des autoroutes, rappelé par Éric Woerth (LR), reste dans les esprits.
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Face à l'opposition qui l'accuse sans surprise de «brader les bijoux de famille», Bruno Le Maire répond que c'est pour une bonne cause: désendetter l'État, et alimenter le fonds pour l'innovation de rupture qui était au programme d'Emmanuel Macron. L'opportunité de créer celui-ci - pour 10 milliards d'euros - fait moins débat que la façon de l'abonder. Pour Boris Vallaud, il est inutile de lâcher des participations qui rapportent des dividendes quand on peut comme l'État s'endetter à taux très bas. Réponse de Le Maire, qui revendique de «redéfinir les rôles respectifs de l'État et des entreprises»: «Le rôle de l'État n'est pas d'encaisser des dividendes», ni d'exposer le fonds à leur volatilité.
Patience requise
Les opérations envisagées chez ADP, la FDJ et Engie peuvent au total rapporter en théorie près d'une vingtaine de milliards d'euros à l'État. En Bourse, ses 50 % d'ADP valent 9,5 milliards et ses 24 % d'Engie 7,8 milliards. La FDJ n'est pas cotée, mais pourrait être valorisée autour de 3 milliards d'euros. Tout ne sera pas vendu. Le gouvernement a prévu de conserver une minorité de blocage à la FDJ. Il se garde la possibilité de rester symboliquement au capital d'ADP, dont le caractère «stratégique» a été souligné par de nombreux députés, même si cela paraît peu probable tant Bruno Le Maire a insisté sur le fait qu'une bonne régulation valait mieux qu'une participation pour que l'État joue son rôle dans le secteur aéroportuaire. Guillaume Kasbarian (LaREM) a insisté: «Réguler, ce n'est pas posséder. Protéger, ce n'est pas détenir.»
S'agissant d'Engie, rien n'est programmé. «Le niveau de participation de l'État n'a pas encore été arbitré […] Nous nous donnons (de la) flexibilité», avait expliqué le ministre pendant les débats en commission, ajoutant, sibyllin: «Essayons de poser le vrai problème: […] Quel est l'avenir d'Engie? L'entreprise sera-t-elle seule ou adossée à d'autres partenaires?»
Il faudra de la patience pour que les privatisations d'ADP et de la FDJ aient lieu. Le calendrier parlementaire laisse envisager une adoption de la loi Pacte au printemps 2019. Et les deux opérations s'annoncent complexes. Concernant la FDJ, pour laquelle Bruno Le Maire rêve de réaliser une opération d'actionnariat populaire, le gouvernement doit d'abord mettre en place une nouvelle autorité de régulation.
Pour ADP aussi, plusieurs préalables sont nécessaires. L'entreprise, pleinement propriétaire de ses installations et terrains, sera transformée en modèle concessif dont les actifs reviendront à l'État dans… 70 ans. Il faut donc indemniser la société de cette expropriation à terme, ce qui promet de sacrés calculs.
Les modalités de la privatisation ne sont pas encore connues, même si le gouvernement a accepté d'ouvrir la possibilité d'une participation des collectivités franciliennes. Le futur cahier des charges fixera les critères - prix et projet - de l'opération, et déterminera ainsi s'il y a ou non prise de contrôle du groupe ADP, et par quel type d'acteur, financier ou industriel, seul ou en consortium. Chacun s'inquiète que l'opération ouvre la porte à, comme l'a dit Éric Woerth, «l'actionnaire non souhaitable» pour ne pas dire chinois. On sait en tout cas le groupe français Vinci, déjà actionnaire d'ADP, très motivé pour une opération qui lui permettrait de consolider massivement sa position.
Les nouvelles mesures validées par les députés
Lors de l'examen de la loi Pacte, l'Assemblée nationale a voté un assouplissement du cadre autorisant les expérimentations de véhicules autonomes. Le texte ouvre notamment la possibilité de mener des expérimentations en l'absence d'un conducteur à l'intérieur du véhicule. L'Assemblée nationale a aussi validé l'instauration d'un cadre juridique pour «l'affacturage inversé», une mesure qui doit permettre d'améliorer la trésorerie de certaines petites et moyennes entreprises.
L'affacturage, qui n'avait jusqu'alors pas de régime légal propre, est une technique de financement qui prévoit la conclusion d'une convention entre un établissement de crédit (affactureur) et une entreprise (fournisseur), qui transfère ses créances. L'affactureur paye les factures de manière anticipée, en assure le recouvrement et assume le risque de non-paiement, en se rémunérant en prélevant une commission. Les députés ont également adopté un amendement au projet de loi qui prévoit d'établir une nouvelle gouvernance pour la Caisse des dépôts et consignation (CDC).
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