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Carlos Ghosn en attente d'une décision du parquet de Tokyo sur le prolongement de sa garde à vue - Le Monde

Dans une rue de Tokyo (Japon), un écran informe les passants sur l’arrestation de Carlos Ghosn, le 21 novembre.
Dans une rue de Tokyo (Japon), un écran informe les passants sur l’arrestation de Carlos Ghosn, le 21 novembre. Toru Hanai / REUTERS

Carlos Ghosn va-t-il passer dix jours de plus en garde à vue ? Dépendante du parquet de Tokyo, la décision est attendue vendredi 30 novembre. Arrêté le 19, le désormais ex-président du constructeur japonais Nissan est soupçonné d’avoir validé des rapports annuels remis aux autorités financières entre 2011 et 2015, sachant qu’ils comportaient des informations minorées de 8 milliards de yens (62 millions d’euros) sur ses revenus.

Selon la loi nippone, la garde à vue initiale de soixante-douze heures peut être prolongée de dix jours à deux reprises. Le suspect peut donc rester vingt-trois jours en détention. Traditionnellement, le parquet maintient en prison les étrangers pour éviter qu’ils ne quittent le Japon ou ne contactent d’éventuels complices.

Carlos Ghosn n’a toujours pas été mis en examen, de quoi suggérer un manque d’éléments probants pour l’accusation. L’ex-dirigeant de Nissan a nié les accusations portées contre lui, expliquant avoir voulu reporter le paiement de la moitié de sa rémunération au moment de son départ à la retraite, vraisemblablement selon le système du taishokukin, l’enveloppe versée par l’entreprise au nouveau retraité.

Un système fondé sur la présomption de culpabilité

Greg Kelly, son conseiller lui aussi arrêté le 19 novembre et soumis au même régime que M. Ghosn, aurait de son côté insisté sur la légalité des opérations évoquées par l’accusation.

Dans le même temps, le flot d’informations et de rumeurs continue de s’écouler dans la presse japonaise. Le 28 novembre, elle évoquait un montant des rémunérations des dirigeants de Nissan, y compris Carlos Ghosn, supérieur en 2017 à la limite fixée par les actionnaires. M. Ghosn aurait également obtenu en 2008 le remboursement par Nissan d’une perte de 1,7 milliard de yens, réalisée au travers de ses placements personnels, une accusation démentie par son avocat.

A l’inverse, rapporte l’agence Reuters, le cabinet d’audit du constructeur, Ernst & Young ShinNihon, aurait interrogé Nissan, en 2013 notamment, sur l’achat par l’intermédiaire de Zi-A Capital, une société créée à Amsterdam, de résidences de luxe à l’étranger utilisées par M. Ghosn. Nissan aurait à l’époque répondu que tout était légal.

Dans ce contexte, le parquet n’exclurait pas d’ajouter de nouvelles charges au dossier de M. Ghosn, en l’occurrence celles d’abus de biens sociaux ou de détournement de fonds. L’accusé pourrait devoir subir vingt-trois jours de détention supplémentaires, selon le controversé système baptisé « justice de l’otage », qui permet aux procureurs de maintenir un suspect sans jugement en prison pendant des mois. Pour le célèbre avocat pénaliste Makoto Endo, ce système s’appuie sur la présomption de « culpabilité jusqu’à la preuve de culpabilité ».

M. Ghosn risque donc de rester détenu dans le massif centre de détention de Kosuge, bâti dans les années 1990 dans l’arrondissement de Katsushika, dans le nord-est de Tokyo. Cette prison comptait au 1er juin 3 000 détenus, dont 223 étrangers de 30 nationalités. Elle abrite l’une des sept salles d’exécution capitale du Japon. C’est là que fut pendu, en juillet, Shoko Asahara, le gourou de la secte Aum Shinrikyo ayant mené l’attaque au gaz sarin de 1995.

La cellule aux murs beiges de M. Ghosn fait trois tatamis, soit environ 5 m². Elle est équipée d’un lavabo et de toilettes. La porte est ajourée avec des panneaux de verre renforcé. Trois repas sont servis quotidiennement. Le détenu a le droit de faire de l’exercice au maximum trente minutes par jour dans un espace de 10 m² et peut prendre un bain deux fois par semaine. Il doit assurer l’entretien de sa cellule.

Les contacts avec la famille seraient interdits

Pour l’instant, l’ex-patron franco-libano-brésilien serait en forme. Telle est l’impression laissée à Nidal Yahia, l’ambassadeur du Liban au Japon, qui lui a rendu visite le 28 novembre au titre de la protection consulaire et affirme même qu’« il est totalement innocent ». L’ambassadeur de France, Laurent Pic, et le consul général du Brésil dans l’Archipel, Joao de Mendonca Lima Neto, ont aussi fait le déplacement. Les contacts de M. Ghosn avec sa famille seraient interdits pour éviter des fuites.

Menés en anglais à la prison par deux procureurs, les interrogatoires de M. Ghosn durent huit heures et, d’après la chaîne NHK, sont enregistrés. Les avocats n’y assistent pas car cette phase de la procédure n’est pas considérée comme faisant partie du débat contradictoire. Elle est également essentielle au système japonais, fondé sur l’aveu.

Pour sa défense, M. Ghosn a fait appel aux services du cabinet américain Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison LLP, qui représente des grandes entreprises aux Etats-Unis. Il a également sollicité le Japonais Motonari Otsuru, aujourd’hui avocat et qui dirigeait autrefois le bureau d’enquêtes spéciales du parquet de Tokyo, service en charge de l’enquête le concernant.

Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)

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