Joint dans l’après-midi ce samedi, François de Rugy dit comprendre les raisons du mouvement. « C’est une colère qui vient de loin », analyse-t-il. Mais il assume : le gouvernement ne changera pas de cap, car « il faut se libérer du tout pétrole ».
Une manifestante tuée, renversée par une automobiliste, plus de 227 blessés dont six graves. Vous attendiez-vous à un tel bilan lors de cette journée de manifestation ?
FRANÇOIS DE RUGY. C’est un bilan qui est lourd. Dès le début de semaine, j’avais mis en garde contre le risque d’affrontements entre manifestants et automobilistes. Bloquer des ronds-points, manifester sur la route, c’est prendre des risques et en faire prendre aux autres. J’appelle ceux qui choisissent ce mode d’action à bien en sous-peser les conséquences possibles.
Qui a protesté d’après vous ce samedi ?
J’ai vu avant tout l’expression de l’inquiétude profonde des habitants d’une France périurbaine prisonnière du tout voiture. C’est une France de l’entre-deux qui n’habite ni à la campagne, ni dans la ville, dont le logement est assez éloigné de son lieu de travail. Cette France-là a le sentiment d’appartenir aux invisibles dans le débat politique, elle a le sentiment de n’avoir jamais eu son mot à dire dans les politiques d’urbanisme qui ont favorisé l’étalement périurbain et dont les transports en commun ont été le parent pauvre.
Sans voiture, ces Français ne peuvent se rendre au centre commercial, sans voiture, ils ne peuvent emmener les enfants à l’école, sans voiture, ils ne peuvent aller travailler dans la zone d’activité qui a été construite, à l’écart du centre du bourg. Ces Français traversent une crise identitaire : face à la mondialisation, ils ont peur de voir disparaître leur métier, ils redoutent le déclassement pour eux-mêmes, leurs enfants et leurs petits-enfants.
Que répondez-vous à leur profonde inquiétude du lendemain, pour eux et leur famille ?
Nous avons été élus pour régler les problèmes qu’on avait laissés en plan et nous continuerons à le faire sans relâche. Il faut absolument sortir de ce piège du tout voiture, tout pétrole, tout diesel dans lequel nous nous sommes enfermés si longtemps. Les Français sont conscients de l’urgence du réchauffement climatique : quand dans l’Aude, il est tombé l’équivalent de trois à quatre mois de pluie en quelques heures, pluie qui a fait 13 morts, ce ne sont pas seulement les habitations qui ont été inondées, ce sont des routes, des infrastructures qui ont été emportées. Et ça, ce ne sont pas les assurances qui vont le couvrir, c’est l’Etat !
Le 1er janvier donc, la taxe carbone augmentera bien ?
En matière de fiscalité écologique, nous poursuivrons la trajectoire prévue. Ne pas le faire serait de l’inconscience. En 1998, le Gouvernement (NDLR : de Lionel Jospin) avait pris conscience du problème du diesel. Il avait été alors question d’aligner la taxation du diesel sur celle de l’essence, mais il a suffi que les prix du pétrole augmentent pour que l’effort soit abandonné. A l’époque pourtant, seulement un Français sur trois roulait au diesel alors qu’aujourd’hui, c’est deux sur trois. Résultat, on a perdu vingt ans. Si la France a élu Emmanuel Macron, c’est bien pour qu’on en finisse avec le statu quo.
On a entendu ce samedi dans les rangs des Gilets jaunes : « Macron, démission ! » Le président de la République est-il en train de perdre la main ?
Je ne le crois pas. J’entends plutôt l’expression d’une impatience. Il y a une attente très forte de résultats, qu’il est très difficile de satisfaire en l’espace de 18 mois. Et ce n’est certainement pas en capitulant devant les difficultés qu’on parviendra à y répondre. Le conservatisme, l’inertie, ce n’est pas pour ce gouvernement. Dès l’an prochain, 20 % des Français les plus modestes auront droit à une « super prime » à la conversion de 4 000 € s’ils veulent acheter un véhicule électrique ou hybride rechargeable ou un véhicule moins polluant. Les gros rouleurs non imposables pourront aussi bénéficier d’une telle prime quand ils parcourent plus de 60 km par jour pour aller au travail. Les conducteurs qui covoiturent des personnes seront récompensés fiscalement. Et tous les conducteurs d’une petite cylindrée (3 et 4 CV) pourront bénéficier d’un barème kilométrique.
Et si le baril flambe à plus de 100 $ comme en 2008 (NDLR : il est actuellement à 67 $ pour le Brent de mer du Nord), que faites-vous ?
Nous n’en sommes pas là, mais il faut justement maintenir le cap des mesures que nous prenons pour nous libérer de la dépendance au pétrole et donc éviter qu’une telle hausse ne bouscule un jour notre économie.
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