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Omerta chez Google ? Des milliers de salariés manifestent contre le harcèlement sexuel

Google, qui autrefois avait pour devise officieuse "Don’t be evil", "ne faites pas le mal", pratique-t-il autant l’omerta que les entreprises plus traditionnelles ? Le 25 octobre, le "New York Times" publiait une enquête selon laquelle Google aurait versé 90 millions de dollars d’indemnités de départ à Andy Rubin, star du groupe et "père" d’Android, le système d’exploitation mobile de la firme, lors de son départ en 2014.

Une somme à laquelle s’ajouteraient des versements mensuels de 2 millions de dollars pendant quatre ans. Android équipe aujourd’hui environ 85% des smartphones dans le monde.

Une accusation grave et 90 millions de dollars au départ

Couverte de lauriers lors de sa cérémonie d'adieu, cette grande figure de l’entreprise était en fait visée par une plainte pour une agression sexuelle en 2013, selon le quotidien new-yorkais : au moment du départ de Rubin, Google aurait caché le fait qu'une employée, qui entretenait une liaison avec lui, "l'avait accusé de comportement sexuel inapproprié", à savoir une relation sexuelle imposée en 2013, un épisode qui avait mis fin à leur relation et que la victime présumée aurait dénoncé en interne l'année suivante.

Le journal rapporte qu’une enquête maison avait jugé "crédibles" les accusations de l'employée. Le quotidien indique avoir consulté des documents internes, des documents judiciaires et avoir interrogé des sources au sein du géant technologique. Il assure que deux autres grands managers ont eux aussi reçu des millions de dollars pour quitter l’entreprise honorablement, alors qu’ils étaient accusés pour des motifs similaires, au cours des dix dernières années.

Google a en outre investi des millions dans le fonds d’investissement ensuite créée par Andy Rubin, souligne le "New York Times".

48 salariés licenciés en deux ans pour harcèlement sexuel

En réplique à cette enquête, Sundar Pichai, le PDG de Google, a répondu dans un document interne (reproduit là) que l’entreprise a licencié 48 salariés pour harcèlement sexuel au cours des deux dernières années, et assure qu’aucun d’eux n’a touché d’indemnité de départ. Dans cette adresse aux salariés, Pichai précise que 13 hauts responsables ont ainsi été congédiés, sans donner aucun nom.

Selon le PDG,

"Lors des années récentes, nous avons effectué beaucoup de changements, y compris adopté une ligne dure sur des comportements inappropriés de personnes en position d'autorité."

Il assure que Google enquêtera sur toute plainte d'un salarié et prendra des mesures adaptées si besoin.

Un porte-parole d’Andy Rubin, Sam Singer, a répondu à l’AFP par mail :

"Toute relation que M. Rubin a eue pendant qu'il était chez Google était consentie et ne concernait personne sous ses ordres directs. Il a eu une relation consentie en 2012. A sa connaissance, à ce moment-là, aucune règle interne n'interdisait de liaisons entre employés."

Dans la lettre aux employés, Sundar Pichai indique que le groupe a actualisé son règlement intérieur et impose désormais à ses cadres dirigeants de dévoiler toute relation intime avec un autre employé.

Google a aussi ouvert en interne, en 2015 selon Pichai, une ligne téléphonique permettant aux salariés de rapporter tout comportement inapproprié d'un manager, auquel ils ont assisté ou dont ils ont été la victime.

Mercredi 31 octobre, Alphabet, la maison mère de Google, a annoncé qu'un de ses hauts cadres - accusé de harcèlement sexuel - venait de quitter le groupe : Rich DeVaul, un responsable du laboratoire "X", la division d'Alphabet dédiée aux projets futuristes (ballons pour diffuser internet, drones de livraison...), a démissionné et n'a pas reçu d'indemnités, a fait savoir l'entreprise sans donner de détails, confirmant des informations de presse.

DeVaul était l'un des responsables cités par le "New York Times" une semaine plus tôt. D'après le quotidien, il avait fait des avances en 2013 à une femme qui postulait à un emploi au sein du groupe.

Le PDG "désolé pour les actions passées"

Le 30 octobre, dans un autre message interne publié par le site spécialisé Ars Technica (qui dès novembre 2017 avait rapporté que le départ de Rubin aurait été motivé par une inconduite), Pichai a été plus explicite. Le PDG s’est dit "profondément désolé pour les actions passées et le mal qu'elles ont causé aux employés".

Les révélations du "New York Times" ont soulevé un vent de critiques au sein de Google, où ce jeudi 1er novembre des milliers d’employés à travers le monde ont manifesté leur mécontentement. Au siège de l’entreprise, à Mountain View, 1.500 salariés environ doivent quitter leur bureau et manifester ensemble, rapporte le journal new-yorkais.

Le mouvement ne s'est pas limité aux employés en Californie. Des centaines d'employés ont observé ce jeudi un arrêt de travail symbolique au siège européen de la firme à Dublin. Environ 500 employés se sont réunis dans l'enceinte de la compagnie au coeur de la capitale irlandaise.

Des protestations à Dublin, Londres, Singapour...

Ils ont observé un arrêt de travail symbolique d'une demi-heure, a constaté un correspondant de l'AFP. Kate, l'organisatrice, qui n'a pas souhaité préciser son nom de famille, a expliqué au mégaphone que le rassemblement était "en solidarité avec toutes les victimes de harcèlement sexuel ou de mauvais traitement sur notre lieu de travail".

Ce mouvement s'étend à une quarantaine de bureaux de Google dans le monde.

A Londres, une trentaine d'employés ont manifesté devant le bâtiment abritant les bureaux de la firme, la plupart des autres salariés manifestant dans l'enceinte des locaux.

Sam Dutton, un développeur, a déclaré à l'AFP:

"Nous protestons pour soutenir nos collègues qui ont été victimes de harcèlement et pour réclamer que les auteurs ne soient pas protégés ou récompensés"

"Nous sommes ici pour dire ce que nous pensons des structures de pouvoir en place, et pour faire comprendre aux dirigeants actuels que les choses changent, et qu'il est temps de revoir ce qui était considéré comme normal", a renchéri sa collègue Anna, sans donner son nom.

A Singapour, des douzaines d'employés se sont réunis à l'intérieur des bureaux, postant sur Twitter une photo de groupe intitulée "Débrayage de Google pour un vrai changement".

A Tokyo, Google a refusé l'accès de ses bureaux à une équipe de l'AFP et a également refusé de donner "des détails sur l'activité de ses employés au Japon ou ailleurs".

Les organisateurs de ce mouvement très suivi (voir sur Twitter #Googlewalkout) - 60% au moins des bureaux de l'entreprise sont touchés, selon eux - présentent leurs demandes dans une lettre ouverte: davantage de transparence dans le traitement des accusations de harcèlement sexuel, un représentant des salariés au conseil d'administration, etc.

D'autres contestations internes cette année

C’est loin d’être la première fois que la direction de Google fait face à des critiques internes. En avril, 3.000 salariés environ ont protesté contre un projet de drones avec le Pentagone, et en septembre ce sont les projets de moteur de recherche intégrant la censure pour le marché chinois qui ont été vivement critiqués.

La Silicon Valley fait par ailleurs souvent figure de haut lieu du sexisme, et début 2017 Uber en particulier a été très critiqué pour son laxisme interne en matière de harcèlement sexuel - ce qui a contribué, entre autres motifs, à la chute de l’ex-PDG Travis Kalanick.

T.N. (avec AFP)

Thierry Noisette

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