
Durcir le ton. Neuf jours après l'arrestation surprise de Carlos Ghosn à Tokyo, la pression monte dans l'Hexagone. A la veille de la première réunion de l'Alliance Renault-Nissan sans son architecte , l'Etat français et Renault n'ont pas encore eu accès à l'enquête interne de Nissan, un épais document qui recense toutes les malversations supposées du désormais ex-patron du constructeur japonais. Celui-ci saura d'ailleurs vendredi si sa garde à vue est prolongée. En attendant, Emmanuel Macron a prévu d'évoquer la situation en fin de semaine avec le premier ministre japonais à la réunion du G20, à Buenos Aires.
« En cas de rapport de force, nous sommes prêts à sortir l'artillerie lourde, et à demander à Renault d'augmenter sa participation chez Nissan », avertit même un conseiller gouvernemental. Un scénario extrême qui ferait des dégâts chez toutes les parties, ni Renault ni Nissan n'ayant intérêt industriellement au divorce. Dans l'entourage de Renault, on rappelait mercredi qu'à chaque fois que l'Etat était intervenu dans l'Alliance, cela avait compliqué les relations avec le groupe japonais.
Dans l'Archipel, on sent la volonté de négocier pour rééquilibrer l'alliance - l'éviction de Carlos Ghosn ayant manifestement libéré certaines rancoeurs accumulées. Si Renault détient 43,4 % de Nissan, le groupe japonais ne détient que 15 % du Losange, sans droits de vote. Pour la vieille garde de Nissan, l'architecture définie en 1999, lorsque les deux sociétés produisaient chacune 2,4 millions de véhicules par an, doit être rénovée pour tenir compte des nouveaux rapports de force : Nissan, avec le renfort de Mitsubishi, vend 5,8 millions de véhicules par an contre 3,8 millions pour Renault.
« La règle des 40 % »
Soucieux de doper son autonomie, l'industriel japonais explique en off vouloir tenter se libérer de « la règle des 40 % », qu'il vit comme un carcan. Selon les lois sur les participations croisées, lorsqu'une entreprise détient plus de 40 % d'une autre société, cette dernière perd automatiquement ses droits de vote dans l'entreprise qui la contrôle. Nissan pourrait donc suggérer à Renault, qui possède 43,4 % de son capital, une petite concession pour recouvrer ses droits de vote au sein du constructeur français.
Plus explosif, le groupe nippon pourrait aussi menacer de monter au capital de Renault à 25 %, contre 15 % aujourd'hui, afin, cette fois, de profiter de la loi japonaise qui priverait automatiquement le Français de ses droits de vote chez Nissan.
Autant de schémas délicats à accepter pour Renault. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a déjà passé le message. « Je ne souhaite pas qu'il y ait de modification des équilibres de pouvoir entre Renault et Nissan, des niveaux de participations croisées. Le partage est le bon, l'équilibre est le bon », a-t-il martelé mercredi matin, en réclamant à nouveau la transmission du dossier monté par Nissan.
« Comme actionnaire principal de référence de Renault, l'Etat a demandé à disposer de ces preuves. Et bien, je renouvelle cette demande », a affirmé le ministre, ajoutant que le DG de Renault devait dans tous les cas « rester le président de l'Alliance ». Un coup de force de Nissan est-il possible en respectant le Rama (l'accord régissant les relations entre les deux parties) ? « Non », affirmait une source haut placée à Bercy, la semaine dernière.
Etat de choc
Lundi, Hiroto Saikawa, le DG de Nissan, s'était expliqué devant ses salariés à Yokohama. « Nous avons simplement mis fin à des fautes graves. Le partenariat avec Renault [...] doit être maintenu », a-t-il affirmé selon l'un des présents. Le dirigeant a par ailleurs reconnu qu'« en France, Renault devait être en état de choc ». C'est peu de le dire. « Tout a volé en éclats. Notre relation telle qu'on la connaissait depuis quinze ans est morte. Hiroto Saikawa aurait pu faire le déplacement ce jeudi à Amsterdam pour montrer sa bonne volonté lors de la réunion de l'Alliance, il ne l'a pas fait », résume sans fard une source chez Renault.
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