En dépit du Nouvel An qui approche, l’ambiance n’est pas à la fête dans les usines Renault. L’arrestation du grand patron, Carlos Ghosn, au Japon, le 19 novembre dernier, et dont la garde à vue a encore été prolongée au moins jusqu’au 1er janvier, tandis que son bras droit, Greg Kelly, a été libéré sous caution, suscite autant de colère que d’inquiétude chez les salariés.
« Nous nous sentons trahis », estime William Audoux, 50 ans, technicien de maintenance au département fonderie et secrétaire CGT à l’usine du Cléon (Seine-Maritime), spécialisée dans la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesses. « Cela fait longtemps que nous dénonçons les niveaux de rémunération de nos dirigeants, et pas seulement celle de Monsieur Ghosn. Mais si, en plus, il est prouvé qu’il truandait, la pilule ne passera pas ! » avertit le syndicaliste.
Au dire des salariés interrogés, on ne parle que de ça entre les lignes de production, pendant les pauses ou à la cantine. « On nous demande d’afficher notre soutien et notre confiance envers la direction, de faire corps au nom de l’unité du groupe, quelle mascarade… », s’emporte l’un d’entre eux, technicien à Sandouville (Seine-Maritime). L’absence de communication est également pointée du doigt. « C’est le silence radio », s’étonne Fabien Gâche, délégué central CGT.
Un profond sentiment d’injustice
L'« affaire Ghosn », comme les salariés l’appellent, fait ressortir un profond sentiment d’injustice, une société à deux vitesses. « D’un côté il y a ceux qui se goinfrent, et n’hésitent pas à piquer dans la caisse, observe un salarié de la Sovab (Société de Véhicules Automobiles de Batilly), filiale à 100 % du groupe, implantée dans le bassin industriel de Lorraine. De l’autre, ceux à qui on demande de se serrer la ceinture au nom du maintien de l’emploi. Quitte à ne plus savoir comment terminer les fins de mois malgré des cadences infernales. »
Le lien avec le mouvement des Gilets jaunes revient régulièrement dans les conversations. « On nous rebat les oreilles avec une nécessaire modération salariale et une frugalité des conditions de travail, reprend William Audoux. Dans le cadre de plans de compétitivité successifs, on a supprimé 18 jours de RTT aux équipes de nuit depuis 2013. Et jusqu’à 21 jours pour les autres. Pendant que notre grand patron, parmi les mieux payés du CAC 40, affichait un train de vie indécent, achetant vignes, villas ou jets privés, peut-être avec l’argent de la boîte. »
Malgré les conditions d’incarcération jugées difficiles, les salariés interrogés en conviennent, l’heure n’est donc pas à l’empathie. « Heureusement qu’il a été arrêté au Japon, juge même, sans concession, un cadre du siège de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Car en France, il y aurait eu de grandes chances que l’affaire soit étouffée. »
Les craintes sur l’avenir persistent
Et l’avenir de l’Alliance ? « Les salariés sont dans l’attente, mais ils ne sont pas dupes pour la suite, observe de son côté Christine Taffin, spécialiste Conditions de travail et syndicaliste Sud à l’usine de Cléon. Que ce soit avec ou sans Carlos Ghosn, ça ne changera pas grand-chose pour eux. C’est surtout la montée en puissance de l’électrique qui suscite le plus de craintes. » De l’avis général, ce changement de technologie conduira à de fortes baisses d’effectifs. Et donc des pertes d’emplois.
Une inquiétude que confirme Franck Daoût, délégué syndical central CFDT : « Les questionnements actuels portent surtout sur le risque d’un trou d’air pour l’automobile en 2019 », observe-t-il. À la fermeture de la Bourse, le 24 décembre, (NDLR : la Bourse de Paris était fermée ce mercredi), l’action de Renault reculait encore de 1,45 %, à 54,34 euros.
Une chose est sûre, les salariés de Renault n’ont pas envie de payer les pots cassés. Et à la suite de l’adoption du texte de loi sur les « mesures d’urgence » économiques et sociales, en fin de semaine dernière, la direction s’est déclarée favorable à l’attribution d’une prime exceptionnelle défiscalisée pour une partie des salariés. « Les modalités seront annoncées en janvier, confie-t-on au siège. »
Cela suffira-t-il à éteindre l’incendie ? « Si jamais ce qui est reproché à Carlos Ghosn est vrai, alors les salariés se diront que tout ce qui lui arrive est bien fait pour lui, rapporte Ali Kaya, secrétaire CGT de l’usine de Flins (Yvelines). Il n’est en tout cas pas question de subir les conséquences d’une guerre entre les états-majors de Nissan et Renault, ou entre la France et le Japon. »
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