
Depuis le renforcement, en 2009, de la lutte internationale contre la corruption d’agents publics étrangers, les entreprises fraudeuses ont dû faire preuve d’imagination pour remplacer les porteurs de valises qui distribuaient des bakchichs. Des flux d’argent transitent désormais au travers de paradis fiscaux et, autre scénario possible, la création de structures a priori respectables (ONG, associations…), mais qui servent en réalité de « sas » de versement de dessous-de-table. L’objectif est toujours le même : rémunérer un intermédiaire qui, à son tour, verse des pots-de-vin à un officiel en position de décider quelle société se verra attribuer un marché public ou privé.
Tracer ces modes opératoires est un défi pour les parquets financiers. Selon les informations recueillies par Le Monde auprès d’anciens du Strategy and Marketing Organisation (SMO), le département d’Airbus, aujourd’hui dissous, qui aidait les commerciaux à conclure, par tous les moyens, les ventes les plus délicates, plusieurs pistes intéressent les enquêteurs français, anglais et américains. A commencer par les centres de maintenance aéronautique. « Le SMO a utilisé plusieurs centres de maintenance aéronautique [les MRO ou Maintenance, Repair and Operations] créés un peu partout dans le monde et liés à Airbus pour honorer ses engagements envers ses intermédiaires », raconte un ancien du département stratégique.
L’économie du système, utilisé par d’autres firmes internationales, est simple : un constructeur prend une participation dans un MRO créé par l’un de ses intermédiaires, déjà actionnaire de la structure. Pour rémunérer ses services cachés auprès d’officiels, l’industriel a plusieurs options : lui distribuer des dividendes surévalués ; lui racheter ses actions à prix d’or ; lui vendre les siennes à vil prix.
Maintenance aéronautique
Ce schéma aurait-il pu être utilisé par Airbus en Malaisie, où la compagnie Malaysia Airlines est une fidèle cliente ? En 2011, le groupe entre à hauteur de 40 % dans le capital de Sepang Aircraft Engineering (SAE), un MRO créé en 2007 et basé sur l’aéroport de Kuala Lumpur. Le fondateur de l’entreprise et actionnaire principal à 60 % est un homme d’affaires connu, membre de la famille du sultan de Selangor, lui-même proche de l’ex-premier ministre malaisien Najib Razak, arrêté en juillet pour corruption.
Deux questions se posent au sujet de cette entrée au capital de l’avionneur en 2011. Pourquoi avoir participé à l’implantation de SAE – dont Airbus deviendra actionnaire à 100 % en octobre 2017 –, alors que la concurrence était rude dans la région, où il existait déjà de nombreux MRO ? Et, surtout, si le projet était économiquement fondé, pourquoi l’opération n’est mentionnée dans aucun rapport annuel d’Airbus depuis 2012 ? Cette prise de participation de 40 % est uniquement évoquée dans un communiqué de presse en octobre 2013.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/20/enquete-anticorruption-sur-airbus-comment-donner-le-dernier-coup-de-pouce-aux-ventes-delicates_5400360_3234.htmlBagikan Berita Ini
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