
Des suspects en garde à vue pendant des semaines. Des procureurs en recherche d’aveux. Des condamnations quasi systématiques… L’affaire Carlos Ghosn jette une lumière crue sur le système judiciaire japonais.
Voilà plus d’un mois et demi en effet que le dirigeant de Renault est en détention. D’une durée maximale de 48 heures en France, les gardes à vue s’étalent au pays du soleil levant sur 10 jours renouvelable une fois. Mais tout nouveau mandat d’arrêt remet le compteur à zéro! Le PDG de l’Alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, âgé de 64 ans, avait été arrêté le 19 novembre (puis mis en examen) sur des soupçons de dissimulation de revenus. Il a ensuite été arrêté pour abus de confiance aggravé. D’un motif à l’autre, il pourrait ainsi rester plusieurs mois dans sa cellule au nord-est de Tokyo.
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En détention, le patron déchu de Nissan peut voir son avocat deux heures par jour, sauf le dimanche et les jours fériés. Mais il ne peut être assisté lors des auditions. «Le procureur a le droit de l’interroger à n’importe quel moment, deux ou trois fois par jour. Il peut venir tôt le matin et tard le soir. Les interrogatoires durent une ou deux heures», expliquait ce week-end son fils Anthony Ghosn dans le JDD. Soumis à un tel régime, avec trois bols de riz par jour, son père aurait perdu une dizaine de kilos.
Les autorités balayent les nombreuses critiques venues de l’étranger. «Chaque pays a sa propre histoire, sa propre tradition, ses propres systèmes judiciaires. Je ne critique pas les règles des autres pays juste parce qu’elles sont différentes, et je trouve cela malvenu de le faire», a protesté Shin Kukimoto, procureur adjoint de Tokyo.
L’ancien procureur Nobuo Gohara estime pourtant que ce système de justice pénale repose sur une mentalité d’otages. «Si vous admettez le crime pour lequel vous avez été arrêté, vous serez libéré sous caution assez rapidement. Cependant, si vous contestez les accusations ou si vous prétendez être innocent, vous serez détenu plus longtemps. Ce n’est pas ainsi que cela devrait fonctionner dans une société en bonne santé.»
Selon Anthony Ghosn, la seule condition de la sortie de son père serait d’ailleurs une confession. «Le paradoxe, c’est que la confession qu’on lui demande de signer est écrite exclusivement en japonais.» Et il ne parle pas cette langue.
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