Voilà 17 ans que nous l’avons en poche, concrètement, en remplacement des francs. Mais 20 ans qu’il est né, utilisé d’abord dans les transactions entre banques. C’était le 1er janvier 1999. Notre journal y consacrait sa Une et les trois pages suivantes : la naissance de l’euro. Olivier Ranson, notre dessinateur qui croque toujours l’actualité dans nos colonnes, représentait trois hommes : Jacques Chirac, Dominique Strauss-Kahn et Wim Duisenberg. Un président de la République, un ministre des Finances et un président de la Banque centrale européenne qui, à des degrés très différents et chacun à sa manière, auront marqué l’histoire. Reste l’euro, notre monnaie, unique devise de 19 pays de l’Union européenne (UE), que nous ne sommes pas près de changer.
Les « pro » et les sceptiques alignaient avantages et inconvénients d’avoir une monnaie unique. Avaient-ils raison ?
La peur du grand bug
Faux. En 1992, quand avec le traité de Maastricht, onze pays de l’UE se mettent d’accord pour créer une monnaie unique, qui faciliterait les échanges dans la zone, la crainte de l’an 2000 est très présente. Comment les ordinateurs qui régissent déjà nos vies vont-ils passer de « 99 » à « 00 » ? Le calendrier de mise en œuvre de l’euro est donc choisi par rapport à ce grand spectre, un an avant le changement de siècle pour les banques, deux ans après pour les particuliers. Et finalement, à l’exception de quelques entreprises qui ont tardé à convertir leurs informatiques, tout s’est bien passé.
On n’allait pas oublier le franc
Faux. Pour ceux qui avaient connu les anciens francs, pour ces grands-mères cajoleuses qui glissaient dans la poche de leurs petites-filles « une pièce de 1 000 francs » en pensant leur faire un cadeau exceptionnel (en réalité 10 francs, soit 1,50 €), un choc psychologique s’annonçait. Les débuts ont été difficiles pour tout le monde. Longtemps on a converti pour revenir à une réalité connue. Le cadeau d’entreprise n° 1 de cette période était la petite calculette qui permettait d’une touche de savoir combien coûtaient, en francs, telle paire de chaussette, un kilo de pommes, une voiture diesel etc. Finalement, plus personne ne compte en francs.
Les prix allaient grimper en flèche
Faux. Une étude de l’Insee sur 40 ans de pouvoir d’achat, publiée il y a un an, a démonté cet argument, fréquent, que l’euro a fait bondir les prix. Avant l’euro, une baguette coûtait 0,66 euro. Après, 0,68 euro. Depuis, le prix moyen a augmenté, année après année, à 0,87. Ce sont à peu près les mêmes proportions pour un litre de lait. Le sucre en poudre, en revanche, a baissé : de 1,31 euro avant 1999 à 1,05 le kilo aujourd’hui. Dans le même temps, les salaires ont augmenté : en mars 1999, le smic valait 679,47 euros. Ce 1er janvier, il est passé à 1 521,22 €.
L’euro a permis de stabiliser les prix en Europe, et en France, bien plus que dans les années 1970 et 1980, comme le révélait une autre étude de l’Insee en mai 2017, montrant une inflation moyenne de 1,4 % par an.
Restent les « prix psychologiques », chiffre rond avant, chiffre rond après, qui, eux, ont bien augmenté. Ainsi, un croissant, un café au comptoir ou une barre chocolatée vendus 5 francs ont-ils immédiatement affiché le prix de 1 €. Soit une hausse immédiate de 30 %. Cet effet a joué sur les produits du quotidien tandis que les achats exceptionnels - informatique, électroménager - coûtent moins cher.
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Les faussaires allaient avoir « the best job in the world »
Plutôt vrai. C’était une crainte, légitime, des Etats : à élargissement de la zone monétaire, agrandissement du terrain de jeu des contrefacteurs. Pour éviter une déferlante, chaque billet a été, dès sa conception, équipé de plusieurs dizaines de points de contrôle, censés rendre nos billets impossibles à dupliquer. Mais une copie vraisemblable est toujours à portée de ceux disposant d’une bonne imprimante.
L’euro devenant une monnaie internationale, il a été de plus en plus imité, et pas seulement par la mafia italienne ou bulgare. L’Asie, l’Amérique latine, ont aussi fait fonctionner les planches à copier. En 2014, la Banque centrale européenne avait récupéré 838 000 faux billets, essentiellement des billets de 20 €, faciles à écouler dans les petits commerces, les moins équipés en détecteurs. En 2017, c’étaient 700 000. Cette baisse est à relativiser : nous utilisons tous moins d’argent liquide, au profit des cartes bancaires.
On allait être déficitaires en balance commerciale
Vrai puis faux. Euro fort, euro faible, un vieux refrain… Il y a 20 ans, un euro valait 1,168 dollar. C’est le 26 octobre 2000 que l’euro atteint son plus bas niveau historique, à 0,82 dollar. Alors que la conjoncture américaine est atone, voire mauvaise, l’euro grimpe en flèche, jusqu’à 1,60 dollar en 2008. Du pain bénit pour les voyageurs, dont le pouvoir d’achat aux Etats-Unis était alors plus qu’intéressant. Et les produits importés, notamment le pétrole, étaient aussi plus intéressants une fois passées les frontières du marché commun. Mais les grandes entreprises n’aiment pas cette politique de l’euro fort, qui les pénalise fortement face à la concurrence internationale et à la première monnaie de facturation, le dollar. Aujourd’hui, 1 euro = 1,15 dollar environ.
Il a fallu attendre 2013 pour que la balance commerciale de l’UE devienne excédentaire. En 2016, selon Eurostat, le ratio exportations-importations était excédentaire de 34 milliards pour toute la zone.
On allait favoriser le dumping social
Faux. L’euro n’est pour rien dans la multiplication des « plombiers polonais » puisque la Pologne a conservé sa monnaie nationale, le Zloty. Ce n’est pas l’euro mais une directive européenne datant de décembre 1996 qui a permis de multiplier les travailleurs détachés, payés à moindre prix, et la concurrence déloyale qui allait avec, tant pour les entreprises que pour les travailleurs. S’ils gagnaient le salaire minimum du pays d’accueil - quel que soit leur niveau de compétence —, ces travailleurs, du bâtiment et des transports essentiellement, relevaient de leur pays d’origine pour les cotisations sociales, une économie conséquente pour certaines entreprises.
Les travailleurs détachés en 2015Sous l’impulsion de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, une révision de la directive a été adoptée par le Parlement européen en mai dernier : désormais les travailleurs détachés doivent aussi bénéficier des avantages des conventions collectives, tels que les primes, mais l’employeur ne peut plus récupérer les frais de transport, de logement et de nourriture qui étaient auparavant ponctionnés sur les salaires.
On allait stabiliser l’économie européenne
Plutôt vrai. La stabilité monétaire européenne est sans précédent ces deux dernières décennies. La Banque centrale européenne, créée pour gouverner l’euro, fixe le loyer de l’argent qu’elle prête aux banques qui à leur tour prêtent aux entreprises et aux particuliers. Le loyer de l’argent est à 0 % depuis mars 2016, pour doper la croissance de la zone euro. La BCE rachète aussi la dette de ses Etats membres, pour les soutenir. En 2008, les experts sont unanimes, l’euro a été un bon bouclier contre la crise, évitant aux pays membres de dévaluer leurs monnaies.
On allait rivaliser avec le dollar
Vrai et faux. Aujourd’hui, la monnaie unique européenne est utilisée dans 36 % des transactions internationales. C’est bien peu au regard du dollar, qui reste en tête de tous les échanges. Mais en 2010, moins de 20 % du commerce mondial était facturé en euros. Dès lors, les banques augmentent leurs réserves de change : environ 26 % de leur bas de laine est désormais constitué d’euros (et toujours 60 % en dollars). La suprématie du dollar est loin d’être entamée, mais l’euro a depuis longtemps dépassé le yen et la livre sterling.
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