- Le procès dit « de la viande de cheval » s’ouvre ce lundi à Paris.
- Deux ex-dirigeants d’une entreprise et deux intermédiaires sont jugés pour avoir substitué du cheval à du bœuf dans des plats préparés.
- S’il y a eu quelques avancées depuis, plusieurs experts estiment qu’il reste encore beaucoup à faire en matière de contrôle.
En février 2013, les consommateurs français découvraient avec stupeur que plusieurs types de plats soi-disant préparés à base de bœuf (lasagnes, hachis parmentier) contenaient en réalité de la viande de cheval. La société Spanghero, installée à Castelnaudary (Aude) voyait alors ses pratiques douteuses révélées au grand jour.
En lien avec des fournisseurs étrangers, elle changeait les étiquettes des viandes pour masquer leur origine et leur composition. Six ans plus tard, quatre personnes, dont deux ex-dirigeants de l’entreprise, comparaissent à partir de ce lundi devant le tribunal correctionnel de Paris, notamment pour « escroquerie en bande organisée ». Au-delà de l’aspect judiciaire, l’affaire a également permis de questionner les pratiques de l’industrie agroalimentaire.
Les réactions après le scandale
« Ce qui a changé avec le scandale de la viande de cheval, c’est le retentissement qu’a eu l’affaire, estime Christophe Brusset, ancien industriel du secteur et auteur de Et maintenant on mange quoi ?*. Quelques années auparavant, en 2001, vous aviez eu un scandale du même type, avec des raviolis au bœuf qui contenaient en fait de la dinde. Il y avait eu quelques articles, mais ça n’avait pas été plus loin. L’affaire de 2013 a contribué à faire changer les mentalités chez les consommateurs et les associations ».
C’est d’ailleurs à cette époque-là que l’ONG Foodwatch s’installe en France. « Ce scandale a généré quelques mesures, rappelle l’association dans un communiqué. La création d’un réseau européen pour une meilleure collaboration entre Etats membres, le Food Fraud Network, la loi Hamon qui a presque multiplié par dix les amendes en cas de tromperie ou encore la mention obligatoire en France depuis 2017 de l’origine de la viande dans les plats préparés ».
Peu après le scandale, l’association interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) réclame en effet cet étiquetage, tout comme des associations de consommateurs. La mesure, validée par la Commission européenne, verra finalement le jour en janvier 2017. Avec cette autorisation, seuls les produits transformés avec 100 % de viande française ou 100 % de lait français peuvent porter l’étiquette « Produit d’origine française ».
Ce dispositif va être renouvelé jusqu’en 2020 car « cet étiquetage répond aux attentes des consommateurs et des acteurs des filières agricoles et agroalimentaires en ce qu’il apporte une garantie en termes de transparence, de qualité et de connaissance des produits de consommation » , selon un communiqué du ministère de l'Agriculture publié en décembre dernier. Une obligation limitée : les industriels ne sont ainsi pas tenus d’indiquer précisément le pays d’origine, et beaucoup se bornent à indiquer « Origine UE » ou « Hors UE ».
Des mesures trop timides ?
Pour Anne de Loisy, journaliste indépendante qui enquête depuis des années** sur l’industrie de la viande, cette avancée n’est clairement pas suffisante. « Il y a un manque criant de vétérinaires inspecteurs dont les effectifs ont baissé de 20% en 10 ans, explique-t-elle. Aujourd’hui un peu plus d'un millier d'agents travaillent pour inspecter les abattoirs, les ateliers de découpe et les usines de transformation. Selon le syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV), il en faudrait au moins 500 de plus pour qu'ils puissent assurer l'ensemble de leur mission. On est dans le règne de l’auto-contrôle prôné par l'Etat et les industriels, sauf que ça ne fonctionne pas »
« Le deuxième problème, poursuit-elle, c’est le manque de suivi des procès verbaux établis par les vétérinaires de la part de leur hiérarchie et des préfectures. Si les constatations effectuées par les vétérinaires ne conduisent pas à une procédure, les agents sont décrédibilisés et du coup ils ont beaucoup de mal à faire respecter la loi au sein des structures qu'ils doivent contrôler ».
Plus de transparence
Améliorer ce suivi serait d’autant plus nécessaire que « les mentalités n’ont pas du tout changé chez les industriels et les distributeurs, ajoute Christophe Brusset. Simplement, ils ont un peu plus peur des conséquences. Ils ne veulent pas se faire prendre la main dans le sac parce que ça entache leur image de marque. Pour moi, les sanctions en cas de fraude ou de tromperie doivent être encore plus alourdies ».
Pour Foodwatch, il faut aussi en finir avec une forme d’opacité. « La législation européenne n’oblige pas les autorités à rendre les informations publiques en cas de fraudes alimentaires, relève l’ONG. Il s’agit une aberration qui doit être corrigée ! » Les récentes affaires des œufs contaminés au fipronil et du lait infantile contaminé chez Lactalis montrent que la transparence n’est pas encore totale.
*Auteur de « Et maintenant on mange quoi ? » (ed Flammarion, 2018)
**Auteure de « Bon appétit ! Quand l’industrie de la viande nous mène en barquette » (2015, ed. Presses de la Cité)
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