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Air France-KLM : Paris et La Haye calment le jeu - Le Monde

Wopke Hoekstra, ministre des finances néerlandais, serre la main de son homologue français, Bruno Le Maire, à l’issue d’une conférence de presse conjointe tenue au ministère des finances à Paris, le vendredi 1er mars.
Wopke Hoekstra, ministre des finances néerlandais, serre la main de son homologue français, Bruno Le Maire, à l’issue d’une conférence de presse conjointe tenue au ministère des finances à Paris, le vendredi 1er mars. Christophe Ena / AP

Les Pays-Bas auront eu raison de mener leur raid boursier éclair, qui leur a permis de s’octroyer, en catimini, 14 % du capital d’Air France-KLM. A l’issue d’une entrevue d’une heure et demie, vendredi 1er mars, à Paris, le ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et son homologue néerlandais, Wopke Hoekstra, sont convenus de « se tourner vers l’avenir ». Qualifiée par Paris, il y a quarante-huit heures, d’opération « très surprenante et inamicale », l’intrusion inopinée des Pays-Bas au tour de table de la compagnie aérienne n’est désormais plus qu’une « prise de participation pas très orthodoxe », selon les mots de M. Hoekstra.

La part des Pays-Pas dans le capital d'Air France-KLM (14%) est aujourd'hui équivalente à celle de la France (14,29%)

Part dans le capital d'Air France-KLM des différents actionnaires du groupe au 28 février
Source : Le Monde

Après s’être « expliqués » longuement, les deux ministres se sont désormais fixé comme « seul objectif de faire d’Air France-KLM la compagnie la plus performante au monde ». Il faut donc comprendre que la France ne répliquera pas aux Néerlandais, notamment en achetant à son tour des actions de la compagnie aérienne sur les marchés pour retrouver son rôle prééminent au capital. Une source proche de Bercy confirme que la volonté est d’« éviter à tout prix l’ouverture d’une crise préjudiciable à l’entreprise, à son image, à ses salariés et à ses actionnaires ». Calmer le jeu, avec, pour « objectif, de consolider l’entreprise ».

En pratique, Paris et La Haye vont « mettre en place un processus de travail » qui sera conduit par Martin Vial, directeur général de l’Agence des participations de l’Etat (APE) et son homologue néerlandais, Christiaan Rebergen, trésorier général du ministère des finances. Ce groupe de travail devra rendre ses conclusions en juin. Les deux pays ont trois mois pour examiner les six questions qui fâchent. Notamment les accords du 16 octobre 2003, conclus lors du rapprochement entre Air France et KLM. Dans le détail, le groupe de travail va se pencher sur « les participations des deux Etats » dans le groupe et « la structure de capital de KLM et d’Air France ».

« Soutien » réaffirmé au patron

Après le blitz boursier néerlandais, la France et les Pays-Bas détiennent respectivement 14,3 % et 14 % du capital d’Air France-KLM. A Paris, M. Hoekstra a affirmé que l’intention des Pays-Bas était d’« œuvrer au succès » de la compagnie aérienne et de « répondre aux intérêts de l’Etat français et de l’Etat néerlandais ». Un signal de bonne volonté qui pourrait être mis à l’épreuve, si, d’aventure, Paris devait, un jour, décider de reprendre son leadership au capital de la compagnie franco-néerlandaise. Les deux pays vont aussi se pencher sur « les règles de gouvernance et le respect, par les deux Etats, de règles de bonne conduite ».

Par avance, les deux ministres ont réaffirmé leur « soutien » à Benjamin Smith, le directeur général canadien d’Air France-KLM, nommé en août 2018. A l’évidence, le patron de la compagnie franco-néerlandaise ne sort pas renforcé du coup de force boursier mené par les Pays-Bas. Il semble que ce soit sa volonté de prendre en main les commandes des deux compagnies, Air France et KLM, qui a, au moins en partie, provoqué la spectaculaire réaction des Néerlandais.

Outre son entrée au conseil d’administration de KLM, une première depuis le rachat effectif de KLM par Air France en 2004, M. Smith voulait faire remonter l’essentiel des pouvoirs au niveau de la holding, mettant un terme à la large autonomie dont bénéficiait KLM. Validée à l’unanimité, mercredi 27 février, par le conseil d’administration d’Air France-KLM, la stratégie de M. Smith va être en grande partie rediscutée au sein du groupe de travail.

« Solder les incompréhensions »

Ce dernier devra définir « la composition du conseil d’administration » de la compagnie aérienne, où siègent quatre représentants de KLM. Il va aussi poser les règles de « la défense des intérêts des hubs de Roissy - Charles-de-Gaulle et d’Amsterdam-Schiphol ». Depuis l’arrivée de M. Smith, les Néerlandais redoutaient un transfert, au détriment de KLM, de l’activité de leur aéroport vers celui de Roissy, au bénéfice d’Air France. Du côté de Bercy, on souhaite désormais « solder les incompréhensions » entre les deux pays. On affirme « connaître depuis des années la sensibilité des Pays-Bas pour KLM et Schiphol ». Enfin, Paris et La Haye vont aussi tenter d’accorder « leurs visions respectives sur la stratégie de long terme » d’Air France-KLM, telle qu’elle a été définie par M. Smith. Un processus auquel la direction de la compagnie franco-néerlandaise réclame d’être associée.

Si l’heure est à l’apaisement entre la France et les Pays-Bas, la manœuvre boursière a changé la donne au sein de la compagnie. Les Américains de Delta Airlines et les Chinois de China Eastern, entrés au capital du groupe en 2017, comme deuxièmes actionnaires avec, chacun, 8,8 % du capital, n’ont pas encore fait connaître officiellement leur position. De source proche d’Air France-KLM, on confirme, sans toutefois en révéler la teneur, que des « discussions » ont lieu, depuis ces derniers jours, notamment avec Delta Airlines.

La nouvelle donne du tour de table fragilise la position de la France dans Air France-KLM. Comme le signale un proche du dossier, elle risque, à terme, « une potentielle perte de son pouvoir dans la compagnie ». Dès cet automne, Delta Airlines et China Eastern, après deux années de présence au capital, détiendront, eux aussi, des droits de vote double. A cette date, ils seront encore plus en mesure de jouer un rôle d’arbitre. En cas de divergence stratégique, ils pourraient s’allier avec les Pays-Bas pour prendre le pouvoir dans Air France-KLM.

Guy Dutheil

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