La déclaration de Bruno Le Maire a fait l'effet d'une bombe. "Nous pouvons réduire la part de l'État dans le capital de Renault, a-t-il annoncé samedi matin à Tokyo dans une interview accordée à l'AFP ; cela ne pose pas de difficultés sous réserve qu'au bout du compte on ait une alliance plus solide entre les deux grands constructeurs automobiles." Vendre des actions détenues par la France pour consolider l'alliance entre Renault et Nissan, c'est la nouvelle carte abattue par le ministre de l'Économie.
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Cette déclaration intervient deux jours seulement après l'interruption brutale du projet de fusion entre Renault et Fiat Chrysler Automobiles (FCA). La veille au soir, Bruno Le Maire avait demandé un délai de six jours pour convaincre les Japonais d'approuver l'opération. Ce que les Agnelli n'avaient pas accepté. "Trop dangereux pour le cours de Bourse de laisser un tel dossier ouvert", indique-t-on dans leur entourage. Le ministre avait promis de passer à l'action lors de son déplacement au Japon destiné à préparer le prochain G7.
Un camouflet pour le président de Renault, Jean-Dominique Senard
Parviendra-t-il à ses fins en répondant positivement à une attente formulée depuis longtemps par Nissan? Pour l'instant, il a surtout déclenché une tempête en France. Les syndicats de Renault ont immédiatement rappelé qu'il fallait avant tout préserver les intérêts des salariés. La CGT a exprimé sa crainte de voir l'État "s'interdire de pouvoir peser sur la gestion du groupe et de laisser ainsi les financiers régler le sort de cette entreprise".
Chez Renault, dont l'assemblée générale des actionnaires doit se dérouler mercredi prochain, on ne commentait pas samedi la prise de parole ministérielle. "Après l'épisode du conseil d'administration de mercredi, c'est un deuxième camouflet pour le président de Renault, Jean-Dominique Senard, commente un expert du dossier. En faisant cela, le gouvernement inverse le rapport de forces en faveur de Nissan. Cela va lui compliquer la tâche."
"Nous sommes fidèles à notre philosophie qui consiste à vouloir privatiser la Française des jeux et ADP par exemple
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Dans l'entourage du ministre on tente de relativiser. "Nous sommes fidèles à notre philosophie qui consiste à vouloir privatiser la Française des jeux et ADP par exemple, se justifie-t-on à Bercy. L'État n'a pas vocation à rester au capital d'entreprises privées. D'ailleurs, nous étions prêts à voir notre participation diluée dans l'opération de fusion avec FCA."
Quels pourraient être le calendrier et le niveau de la cession des actions Renault évoqués par Bruno Le Maire? Paradoxalement, rien ne semble presser au ministère de l'Économie. "Je vois mal comment on pourrait le faire aujourd'hui, assurait samedi après-midi un conseiller qui tente de calmer le jeu. Je ne pense pas que le ministre ait en tête une action immédiate."
L'État était informé des intentions de Fiat depuis Noël
Tout dans ce feuilleton étonne. Selon nos informations, les dirigeants du groupe italien ont informé dès Noël les plus hautes autorités de l'État français, actionnaire principal, de leur intention de se rapprocher de Renault. Dans la foulée, ils ont travaillé deux mois avec les équipes de Bercy avant d'entrer dans le vif du sujet avec les équipes du constructeur français. Le projet de fusion n'a donc pris personne par surprise. Dans la dernière ligne droite, une nouvelle négociation est intervenue avec Bercy.
Mercredi matin, après quelques concessions majeures de la part de FCA, tout le monde était d'accord. Tout le monde sauf les dirigeants de Nissan, que Jean-Dominique Senard avait pourtant tenté de convaincre quelques jours plus tôt à Tokyo. "Il fallait leur accord pour signer avec FCA. Pas question de fragiliser une alliance qui marche bien sur le plan industriel", martèle-t-on autour de Bruno Le Maire. "Il fallait au contraire signer pour pouvoir ensuite négocier en position de force avec les Japonais", réplique le clan Agnelli. Pour piloter Renault dans ces conditions, il faudra avoir les nerfs solides.
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