Dirigeant de nombreuses entreprises d'informatique durant sa carrière, Thierry Breton a aussi occupé des fonctions politiques, notamment comme ministre. Mais sa candidature pose la question des conflits d'intérêts et d'un possible blocage au Parlement européen.
Bye-bye Sylvie Goulard, bonjour Thierry Breton. Deux semaines après un premier revers cinglant du Parlement européen contre la candidate de la France au poste de commissaire européen chargé du marché intérieur, Emmanuel Macron a proposé un nouveau nom, jeudi 24 octobre : Thierry Breton. Le PDG du groupe informatique Atos et ex-ministre de l'Economie saura-t-il convaincre les eurodéputés d'intégrer l'équipe d'Ursula von der Leyen ? Franceinfo fait les présentations.
1Il a dirigé Thomson, France Télécom et Atos
Avant d'accéder à d'importantes responsabilités politiques, Thierry Breton s'est construit une carrière de chef d'entreprise. Et plus précisément, d'entreprises spécialisées dans la technologie, en lien avec ses études d'ingénieur à Supélec. Dans les années 1980, Thierry Breton monte sa propre boîte d'informatique à New York, Forma Systems.
Il continue sa carrière en tant que vice-président d'une autre entreprise du secteur, Bull, avant d'être nommé PDG de Thomson par le gouvernement d'Alain Juppé, en 1997. Il acquiert alors sa réputation de "redresseur d'entreprise" et vole ensuite au secours de France Télécom, lourdement endettée. Nommé à sa tête en 2002 par Jacques Chirac, il participe notamment à la privatisation de l'entreprise et au lancement de la Livebox. Selon le syndicat SUD-PTT, cité dans La Croix, Thierry Breton aurait également supprimé 27 000 emplois.
Il est actuellement directeur général d'Atos, entreprise de services du numérique, cotée au CAC 40 et qui compte environ 120 000 employés à travers le monde. Un géant du secteur qui a vu sa croissance gonfler sous "l'ère Breton". Ses expériences lui ont aussi permis d'accéder au classement des 100 patrons les plus performants au monde de la revue américaine Harvard Business Review à trois reprises, en 2010, 2017 et 2018.
2Il a été ministre de l'économie sous Jacques Chirac
Au milieu de ses expériences dans des entreprises privées, Thierry Breton a aussi été ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie pendant un peu plus de deux ans entre 2005 et 2007, dans les gouvernements Raffarin et Villepin. Et ce n'était pas son premier pas en politique puisqu'il avait auparavant intégré le cabinet de René Monory au ministère de l'Education nationale à la fin des années 1980, puis été élu au conseil régional de Poitou-Charentes de 1986 à 1992.
Treize ans après son mandant d'élu local, Thierry Breton est donc entré au gouvernement sous l'égide de son ancien patron en Poitou-Charentes, Jean-Pierre Raffarin. L'un de ses principaux objectifs de l'époque : réduire la dette et assainir les comptes publics. Cette aventure politique se terminera avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Plus récemment, Thierry Breton a soutenu Alain Juppé en 2016, avant de se rallier à la candidature d'Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017, rappelle Le Point. Son nom a aussi été, un temps, évoqué pour un poste dans le gouvernement d'Edouard Philippe.
3Il a écrit des livres de science-fiction
Thierry Breton ne s'intéresse pas seulement à l'économie. Il a aussi développé son côté littéraire, en écrivant et publiant des livres de science-fiction. Trois en quatre ans, entre 1984 et 1987, pour être précis. Les sujets de ces romans restent tout de même dans son domaine de prédilection : "L'idée maîtresse de Softwar, qui commence le 12 mai 1980 pour s'achever le 3 septembre 1984 à Genève, est simple : les Américains ont piégé les ordinateurs soviétiques au moyen de virus informatiques, des softbombs", rapportait Libération en 2006.
L'ouvrage, paru en 1984 et écrit à quatre mains avec Denis Beneich, se vendra à 80 000 exemplaires en France et sera traduit en une dizaine de langues. Une touche d'originalité pour parachever un CV très "techno".
4Il pourrait être en situation de conflit d'intérêts, selon certains politiques
Les allers-retours entre le public et le privé de Thierry Breton commencent à faire grincer des dents. Plusieurs responsables politiques de gauche et de droite y voient un risque de conflits d'intérêts et de possible blocage au Parlement européen. "Thierry Breton est président d'Atos, c'est une société du numérique qui touche des subventions européennes (...) et dans son portefeuille, qu'est-ce qu'on a ? Le numérique. Donc on va avoir un souci de conflit d'intérêts", a prédit l'eurodéputé EELV Yannick Jadot, sur BFMTV.
"Un patron du CAC 40, dont l'entreprise reçoit des millions de subventions européennes ! Niveau prévention des conflits d'intérêt, c'est pas encore ça !" a réagi sur Twitter l'eurodéputée de La France insoumise Manon Aubry.
Après @GoulardSylvie écartée pour des raisons éthiques, Macron nommerait @ThierryBreton ? Un patron du CAC 40, dont l'entreprise reçoit des millions de subventions européennes ! Niveau prévention des conflits d'intérêt, c'est pas encore ça ! https://t.co/2KTJF020qV
— Manon Aubry (@ManonAubryFr) October 23, 2019
Du côté de la droite, dont Thierry Breton est pourtant issu, la question est posée. Julien Aubert, député Les Républicains, a considéré sur RFI qu'"il faut faire attention parce que Thierry Breton a dirigé une entreprise et les règles européennes en matière de conflits d'intérêts sont extrêmement strictes".
Avant sa nomination, Thierry Breton sera auditionné par la commission parlementaire des affaires juridiques. Atos a aussi annoncé, dès ce jeudi, qu'il serait remplacé à la direction générale du groupe à partir du 1er novembre par l'actuel directeur général délégué Elie Girard. L'Elysée a aussi voulu désamorcer la question en assurant que "monsieur Breton a toujours fait preuve de rigueur pour éviter tout conflit d'intérêts" lorsqu'il était ministre en se mettant en retrait des dossiers pouvant le concerner. Reste à voir si les eurodéputés seront du même avis.
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