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PSA-Fiat Chrysler : Carlos Tavares, l'homme qui savait forcer le destin - Les Échos

La vie se joue parfois sur un coup de poker tardif. Prenez Carlos Tavares. En 2013, l'impitoyable bras droit de Carlos Ghosn décide de faire tapis sur une main improbable en clamant son envie de devenir numéro un d'un constructeur automobile. A 55 ans, c'était le moment où jamais de forcer le destin. Comme prévu, l'autre Carlos le sort aussitôt du jeu Renault-Nissan. Six ans plus tard, son ancien patron, désormais emprisonné, voit son oeuvre se lézarder, tandis que le subordonné frustré fait feu de tout bois avec le frère ennemi PSA.

Carlos Tavares peut sourire de toutes ses dents. On ne saura jamais s'il bluffait ou non lorsqu'il a renversé la table… puisqu'il a remporté la mise. Et quelle mise ! Voilà le « psychopathe de la performance » - comme il se qualifie lui-même - de 61 ans se préparant à prendre la tête d'un  attelage Peugeot-Citroën-Fiat-Chrysler . Dans un univers où il faut réussir des retournements ou des grands mariages pour exister, Carlos Tavares est, sans le crier sur les toits, en train de  forger à la force du poignet une légende, dont il pourra parler à ses petits-enfants dans quelques années, à l'ombre de ses vignes et de ses oliviers portugais.

Carlos 1

Pour le centralien lusitanien mordu de course mécanique (et de mécanique tout court), tout est allé crescendo depuis 2013. Quelques mois après sa sortie de Renault, la famille Peugeot le récupère - il faut sauver le soldat PSA, alors en grand danger. Quelques trimestres après son arrivée, la Maison Peugeot se met à accumuler les records de rentabilité, tutoyant ou même faisant mieux que les Allemands. Il « suffisait » de rationaliser les gammes et les pratiques, et de profiter du traumatisme des salariés ayant vu la faillite arriver pour abaisser le « point mort » financier de l'entreprise et mettre sous tension permanente le management. « C'est un tueur qui a le sourire », souffle un syndicaliste.

La suite est du même tonneau. En 2017, le Lion revigoré dévore Opel. L'entité européenne de General Motors était pourtant peu digeste, elle perdait de l'argent depuis l'an 2000. Qu'importe. Carlos Tavares la remet dans le vert en à peine plus d'un an.  Le groupe français change de statut, à défaut de dimension . Dans le clan sochalien, on pense avoir enfin trouvé le patron espéré depuis l'époque Folz. « Il sait tout faire, c'est impressionnant », se félicite-t-on au sein du clan doubiste. « PSA est plus dangereux maintenant », admet Herbert Diess, le patron de Volkswagen.

Baguette magique

A Turin non plus, la baguette magique de Carlos Tavares ne laisse pas indifférent. Les Agnelli perdent leur magicien à eux, Sergio Marchionne . Ils observent de près cet animal apprenant à la carcasse sèche, qui semble être l'opposé du volubile Sergio, mais qui pourrait faire tant de bien chez eux, étant capable de tout - déceler les défauts d'équilibre arrière d'un SUV ou dénicher les chiffres qui ne vont pas derrière la virgule du bilan comptable du réseau de garagistes normand. Mais l'intéressé reste fidèle aux Peugeot qui lui ont donné sa chance. En revanche, pourquoi ne pas concilier les deux ? Après tout, cela fait un demi-siècle que  les deux industriels familiaux se tournent autour . Il sera le détonateur.

Chez les Peugeot, on sait qu'il faut s'allier pour éviter une inévitable marginalisation. Licence est donnée à « Carlos » pour négocier fusion et/ou acquisition. Avec un premier choix : Fiat-Chrysler. Le constructeur italo-américain a cruellement besoin de technologies dont dispose PSA, et Carlos Tavares, qui doit rêver la nuit d'Alfa Romeo (c'est lui qui a relancé Alpine chez Renault), est persuadé que le temps joue en sa faveur.

« Si on relâche l'accélérateur, on est aussitôt doublé »

Le jeu est risqué. Les choses ont d'ailleurs failli déraper quand l'état-major de PSA apprend, stupéfait, que John Elkann et Jean-Dominique Senard sont sur le point de marier Renault et Fiat.  Carlos Tavares réagit au quart de tour - son « mémo » pointant le déséquilibre d'un accord qu'il juge trop favorable aux Italiens fait le tour de Paris en quelques jours. L'affaire capote, les actionnaires du Losange rechignent. Soulagement. La route reste ouverte. « Si on relâche l'accélérateur, on est aussitôt doublé », aime répéter le dirigeant du jour.

Carlos Tavares finit par dépasser son concurrent tricolore et emporter le coeur de John Elkann en prouvant qu'il peut, en plus, résister pendant la tempête. La crise frappe le secteur et les concurrents alignent les avertissements sur résultat ? La marge de PSA continue d'affoler les compteurs. Et si la situation à moyen terme du groupe, toujours plus européen (la chute de PSA en Chine est le gros point noir du bilan Tavares), peut légitimement inquiéter, notre homme coupe court à la critique en convainquant discrètement les Peugeot et les Agnelli de s'entendre enfin. Le plus bluffant de ses tours, à vrai dire.

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