
Syndicats et salariés d’Auchan attendent avec fébrilité la tenue de trois comités sociaux et économiques extraordinaires mardi dans le Nord, qui pourraient menacer jusqu’à un millier d’emplois, sur fond d’essoufflement du modèle-maison des grands hypermarchés.
Ces trois CSE concernent Auchan Retail France, Auchan Retail International et la direction des achats internationaux. Ces instances représentent au total quelque 4000 emplois, mais ne concernent uniquement les services d’appui (DSI, finance, corporate…) et excluent donc les magasins.
« Les salariés aujourd’hui se demandent qui sera concerné », a déclaré Bruno Delaye, délégué CFTC, qui n’a eu, comme les autres syndicats, aucune confirmation de l’objet de la réunion, la direction se bornant à évoquer « un point sur la situation de l’entreprise et ses projets ».
De son côté, la CFDT a évoqué un plan de départs volontaires qui concernerait « moins de 1000 personnes ». « Nous sommes fermement décidés à négocier », avec l’objectif de « créer des passerelles entre les différentes entités du groupe » Mulliez afin de proposer une alternative aux salariés concernés, a indiqué Guy Laplatine, délégué syndical CFDT pour le groupe Auchan Retail France.
Le 6 janvier, la direction avait reçu à Villeneuve d’Ascq (Nord) des représentants syndicaux (CFTC, CFE-CGC, CFDT, FO, CGT) sans qu’aucune information n’en ressorte. Quelques jours plus tôt, la CGT avait indiqué avoir sollicité la direction après avoir reçu des informations de presse évoquant un plan de départs volontaires dans l’entreprise pour une cible de 1000 personnes.
Le groupe de distribution, en difficulté, avait déjà lancé un premier volet de son plan de « redressement » au printemps 2019, avec la cession de 21 sites concernant potentiellement entre 700 et 800 salariés. En juillet, la direction avait affirmé avoir trouvé des repreneurs pour dix des sites mis en vente.
Les hypermarchés représentent 80% de l’activité
« Auchan Retail est l’une des enseignes françaises qui est la plus exposée aux hypermarchés : l’essentiel de son activité repose sur ce modèle, à 75–80% environ », rappelle un expert du secteur qui a souhaité rester anonyme.
Or c’est ce format qui connaît le plus de problèmes « d’attraction » depuis quelques années, les consommateurs se tournant de plus en plus pour leurs courses vers des points de vente plus petits, type supermarché, de plus en plus proches de chez eux et plus spécialisés, et internet.
Selon le dernier pointage du panéliste Kantar, le groupe Auchan pèse 10,1% de parts de marché dans la grande distribution en France, derrière Leclerc, Carrefour, Intermarché, Système U et le groupe Casino, en recul de 0,8 point en quatre ans, « ce qui peut sembler peu mais comme le marché est énorme, ce n’est pas anodin », précise Frédéric Valette, expert distribution chez Kantar WorldPanel.
« Enorme dette » et changement de cadres
Le groupe accuse également « une énorme dette (5,2 milliards au 30 juin 2019) qui paralyse l’enseigne », l’empêchant notamment d’investir, souligne notre expert anonyme. « L’une des illustrations de ce »malaise", c’est qu’il y a eu pas mal de changements ces derniers temps au sein du management et les équipes ne semblent pas avoir mesuré le niveau d’urgence dans lequel se trouvait la société".
« Il y a aujourd’hui une interrogation de la part » de salariés « désabusés par ces réorganisations successives », confirme M. Delaye, évoquant « une vraie interpellation sur ce qu’on savait faire et qu’on ne sait plus faire aujourd’hui. »
Le groupe avait notamment annoncé fin août qu’il visait des économies de coûts de 1,1 milliard d’euros en année pleine d’ici à 2022. Contrairement à ce qu’il avait annoncé, aucune communication sur ces économies n’avait été rendue publique fin 2019.
Propriété de l’Association familiale Mulliez (AFM), Auchan Holding a enregistré une perte nette de 1,145 milliard d’euros pour l’ensemble de l’année 2018.
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