C'est l'heure de la pause. Samir tire sur sa cigarette pour oublier le vent matinal et glacial. Ce commerçant de 45 ans a retrouvé quelques amis devant Le Balto, un bar-tabac du centre de Creil (Oise). En face du marché de cette ville populaire, on parle du coronavirus, on échange des banalités avec les habitués. Et on en profite pour faire le plein de cigarettes avant la nouvelle hausse de prix prévue ce dimanche. « Mon paquet de Marlboro va passer de 9,30 euros à 10 euros, déplore Samir, qui en fume un par jour. Dans les années 1980-1990, je me souviens que ça valait 10 francs… On en est très loin. »
Alors, pour éponger les hausses successives des taxes, Samir « se serre la ceinture », comme il dit. Avec 1 800 euros de salaire net, il reconnaît que les 300 euros de tabac mensuel représentent un vrai budget pour sa famille. « On réduit les sorties et on fait les courses chez Aldi ou Lidl plutôt qu'à Auchan et Cora. C'est aussi bon, vous savez, mais il y a des produits moins chers, se justifie-t-il. Et puis j'essaie de faire durer le paquet un peu plus d'une journée. Avant, j'en fumais deux par jour. Mais financièrement, ce n'est plus possible. »
«10 euros le paquet de Marlboro, ça va faire mal»
Les hausses successives ont décidé de nombreux clients du Balto à arrêter de fumer. Idem au 421, près de la gare. « À chaque augmentation, on voit bien qu'on perd des clients, reconnaît Kejing, le patron du bar-tabac. Certains arrêtent de fumer, d'autres trouvent de la marchandise tombée du camion. Pour nous, entre la baisse des volumes de vente et la hausse des prix, ça s'équilibre. Mais il est clair que le paquet de Marlboro à 10 euros, qui représente entre 30 et 40 % de nos ventes, ça va faire mal. »
La remarque fait sourire Barhoumi. Fumeur de Marlboro depuis des lustres, il ne compte pas arrêter de savourer son paquet quotidien. Pourtant, il le reconnaît, sa consommation a été revue à la baisse ces dernières années, pour des raisons économiques. A la sortie du bureau de tabac, cet ancien mécanicien industriel de 63 ans fait les comptes. Entre son loyer et ses charges (350 euros environ), son budget alimentation (300 euros) et celui réservé à ses cigarettes (300 euros), sa pension de retraite de moins de 1 000 euros s'évapore bien vite.
A la fin du mois, il ne reste plus grand-chose pour imaginer aller voir sa famille en Tunisie. De là à le pousser à arrêter de fumer ? « Non, la cigarette, c'est mon plaisir, lance-t-il en tirant une taffe. La hausse des taxes n'y changera rien. Quand le gouvernement dit qu'il augmente les prix pour faire baisser le cancer, ça m'énerve. Tout le monde l'attrape cette maladie, pas que les fumeurs ! »
Alors, pour compenser l'inévitable inflation des prix, et mettre un peu de beurre dans les épinards, Barhoumi a trouvé la parade : il vient de relancer des agences d'intérim « pour faire des missions ici et là ». Pas question pour lui, en tout cas, d'acheter des paquets à 5 euros, vendus sous le manteau dans tout le secteur. « C'est de la merde, on ne sait pas ce qu'ils mettent là-dedans, mais rien de bon ! », s'enflamme-t-il.
500 euros par mois partis en fumée
Philippe, lui, a trouvé une solution : du fait maison ! Plusieurs fois par an, cet assistant commercial dans une agence bancaire de la rue de la Gare fait un saut en Belgique pour acheter du tabac qu'il roule ensuite chez lui. « Sur une cartouche, cela représente 50 % d'économie, assure-t-il. Ce n'est pas négligeable. »
Bayram n'a pas le temps pour ces allers et retours frontaliers. À 23 ans, le jeune homme a bien essayé de « laisser tomber la clope » ou de passer au vapotage – moins cher – mais rien n'a été concluant. « La tentation est trop grande. Quand je vois les collègues fumer, je craque, déplore le technicien fibre. Avant, je travaillais dans le BTP, j'avais moins de temps pour m'en griller une. J'ai clairement augmenté ma consommation depuis deux ans. »
Et son porte-monnaie l'a bien senti. Avec sa femme, Bayram brûle 45 paquets par mois, soit plus de 500 euros partis en fumée. « Ce n'est pas rien, finit-il par murmurer. Pour nous, qui gagnons environ 3 500 euros à deux, c'est un gros budget. Mine de rien, je me rends compte qu'on sort beaucoup moins qu'avant. Mais on est bien obligés : le prix des cigarettes augmente beaucoup plus vite que mon salaire ! »
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