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Le prix du baril pétrole peut être négatif mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle - Le HuffPost

PÉTROLE - À première vue, le chiffre défie le bon sens. Ce lundi 20 avril à New York, le baril de pétrole nord-américain a clôturé en dessous de zéro, à -37,63 dollars, à l’issue d’une séance infernale. En clair, les vendeurs en étaient réduits à payer les acheteurs pour écouler leur brut.

C’est “absolument spectaculaire”, remarque Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste des questions énergétiques. “Des prix négatifs, ce n’est pas simple à imaginer, cela frappe l’esprit”, décrit-il au HuffPost. Ce phénomène vaut cependant d’être décortiqué.

Un ”épiphénomène” américain

Déjà, cet effondrement historique ne concerne que la variété dite “WTI” (West Texas Intermediate) qui sert de référence sur le marché américain alors que pour l’Europe c’est la variété “Brent” de la mer du Nord qui détermine les prix. Or le Brent, même attaqué, reste lui pour l’instant autour de vingt dollars (le prix du baril s’établissait à 68 dollars le 6 janvier).

“Un écart historique sépare actuellement les deux prix de référence des marchés pétroliers”, rappelle John Plassard de la société d’investissement Mirabaud dans une note mardi.

La raison provient essentiellement de l’importante production américaine de pétrole, notamment de schiste, et de la constitution d’énormes réserves dans le terminal de Cushing (Oklahoma) qui débordent face au ralentissement brutal de l’économie américaine en raison de l’épidémie de coronavirus. En clair: les vendeurs de brut non seulement ne trouvent plus d’acheteurs, mais peinent même à stocker le surplus, d’où le dérapage de lundi.

“L’offre de pétrole américain est beaucoup trop importante par rapport au contexte de crise” sanitaire, explique Benjamin Louvet, gérant matières premières chez Ofi AM, contacté par Le HuffPost.

Toutes ces spécificités font de l’épisode de lundi soir “un épiphénomène” qui n’est “pas représentatif de l’état du prix du pétrole”, tempère Francis Perrin. L’événement a toutefois “l’intérêt de mettre l’accent de façon brûlante sur les deux phénomènes-clés auxquels on assiste depuis le début de l’année: une chute massive de la consommation de pétrole et donc une chute massive des prix”, développe le chercheur. À cause du coronavirus et des mesures de restriction des déplacements partout dans le monde, “la consommation de pétrole va chuter en 2020 pour la première fois depuis 2009”, indique-t-il.

Le contexte d’un marché ”à terme”

Par ailleurs, le prix “négatif” exige d’explorer les mécanismes assez techniques du marché pétrolier, le plus souvent inconnus du grand public. Le marché du pétrole est ce que l’on appelle un marché ”à terme”: les prix se négocient plusieurs semaines à l’avance en fonction d’échéances de livraison fixes. Ce sont donc moins des barils physiques qui s’échangent que des contrats adossés au pétrole lui-même. Ce mécanisme, conçu au départ comme une assurance contre les mouvements de prix, est devenu matière à spéculation.

En ce début de semaine, les contrats sur le brut devant être livré en mai arrivent à expiration. Les spéculateurs se sont vus lundi bien obligés de prendre possession du pétrole qu’ils ont déjà acheté. Ne pouvant le stocker, ils ont préféré dédommager leur “contrepartie” du contrat en payant pour annuler l’achat, d’où le prix négatif.

Le baril de 159 litres de pétrole brut s’échangeait encore à 18,27 dollars vendredi soir. “Les acheteurs ont donc perdu trois fois le prix d’achat”, résume Benjamin Louvet.

“Comme le WTI doit être physiquement livré et qu’il coûte cher d’accéder aux réservoirs, le coût du stockage en mai dépasse la valeur intrinsèque du pétrole pour ce même mois”, souligne Stephen Innes de Axi Trader.

Un impact relatif sur le consommateur

L’incursion des prix du baril de pétrole nord-américain en territoire négatif est donc imputable à des phénomènes de marché ponctuels. Pour Francis Perrin, “il faut distinguer la baisse des prix globale et les prix négatifs” remarqués lundi soir. “Il ne faut pas penser que ce prix négatif, pour un contrat donné et une catégorie de pétrole, aura un impact sur le consommateur. Le prix du pétrole reste positif, entre 14 et 20 dollars par baril”, rappelle-t-il. 

Même si la pandémie de coronavirus et la baisse de la consommation laissent augurer des cours durablement bas, et donc une baisse des prix des carburants. “Le consommateur français ne peut pas encore en profiter. Mais quand nous sortirons de confinement, les prix seront toujours bas”, prévoit Benjamin Louvet.

Mais il y aura une limite à la baisse des prix à la pompe, préviennent les professionnels. “Il y a à peu près 85 centimes de taxes par litre dans le prix du gazole: le poids des taxes amortit les variations, que ce soit à la hausse ou à la baisse”, souligne Olivier Gantois, président de l’Union françaises des industries pétrolières (Ufip).

Sur le long terme, cette baisse des prix pourra aussi bénéficier à “toutes les sociétés qui ont une facture énergétique importante, les compagnies aériennes notamment”, ajoute Nicolas Chéron, responsable de la recherche marchés pour Binck.fr, joint par Le HuffPost.

Un coup pour les énergies renouvelables ?

Cette chute des prix du pétrole risque en revanche de toucher durement le secteur des énergies renouvelables. “Elle rend le pétrole encore plus compétitif, explique Francis Perrin. La concurrence entre sources d’énergie est donc encore plus difficile. Alors qu’en temps normal, plus le prix du pétrole est élevé, plus il est intéressant pour ces autres énergies d’espérer prendre une part du marché”.

Le chercheur souligne par ailleurs la place des compagnies pétrolières dans le développement des énergies renouvelables. “Si elles perdent de l’argent, elles investiront moins” dans ce champ. Sans compter les dysfonctionnements de production liés à la crise sanitaire, qui peuvent retarder les projets et empêcher certaines entreprises de bénéficier d’avantages fiscaux liés aux énergies renouvelables. 

Derrière ces soubresauts de court terme, ce sont donc bien des mouvements de fond qui agitent le marché du pétrole. En particulier la guerre entre producteurs. La Russie et l’OPEP -et plus particulièrement l’Arabie Saoudite, chef de file du cartel- se livrent depuis deux mois à une surenchère de production qui tire les prix vers le bas.

“Lors de la réunion de l’OPEP+ (début mars), le ministre russe de l’Énergie, Alexander Novak, a fait voler en éclats l’alliance entre Moscou et Riyad qui présidait depuis trois ans à l’équilibre délicat du marché. En quelques heures, le monde du pétrole est passé d’une situation tendue à une crise majeure”, rappelle John Plassard, à laquelle est venue s’ajouter l’impact de la pandémie.

L’Arabie saoudite décidant alors d’ouvrir les vannes de sa production dans un bras de fer avec Moscou, les prix du pétrole sont partis dans une spirale descendante. Un accord sur une réduction de la production intervenu depuis n’est pas parvenu à l’enrayer, la récession économique mondiale entraînant une baisse de la consommation.

Avec des avions cloués au sol, des usines au ralenti, des voitures au garage pour cause de propriétaires confinés, la demande est déprimée, certainement pour un moment.

À voir également sur Le HuffPost : Coronavirus au Brésil: Bolsonaro soutient des manifestants anti-confinement

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