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L'enseigne des chaussures André placée en redressement judiciaire - Le Monde

La crise du coronavirus a eu raison d’une enseigne : André. Boris Saragaglia, PDG de Spartoo qui détient la filiale de chaussures depuis 2018, l’assure. « C’est la fermeture des magasins au 16 mars en France qui a accéléré notre chute », a expliqué le cofondateur, lors d’un point-presse téléphonique, quelques minutes après avoir informé ses 600 salariés de la validation du placement de l’entreprise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Grenoble, mercredi 1er avril. « Sans la crise du coronavirus, ça se serait passé autrement », confirme un salarié sous couvert d’anonymat.

Fondée à la fin du XIXe siècle à Paris par un industriel alsacien de la chaussure bon marché, l’enseigne était vacillante depuis des années. Elle a d’abord été laminée par la mode des sneakers qui a détourné sa clientèle vers les boutiques de baskets et les sites de vente en ligne de chaussures de sport. Dès lors, en 2017, Vivarte, sa maison mère, a cherché à se séparer au plus vite de cette chaîne déficitaire. Un accord a, finalement, été conclu avec Spartoo début 2018. Ses pertes nettes s’élevaient alors à 20 millions d’euros, note M. Saragaglia. Elles ont atteint 10 millions d’euros l’an dernier, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 100 millions d’euros. « Spartoo avait été obligé d’injecter 13 millions d’euros à son compte courant l’an dernier », assure aussi le PDG.

Et, manifestement, les actionnaires de Spartoo – ses fondateurs à hauteur de 25 % et des fonds d’investissements (À Plus Finance, CM-CIC Capital Privé, Highland Capital Partners, Endeavour Vision et Sofina) à hauteur de 75 % – n’ont pas souhaité réinvestir dans André. Après le mouvement des « gilets jaunes » de 2018 et la grève des transports en commun en décembre qui ont plombé son activité, ils ont été glacés par de nouveaux vents contraires. La fermeture des 150 points de vente de l’enseigne au 16 mars, à la suite de l’adoption des mesures de confinement dans l’Hexagone, entraînait la perte de 250 000 euros de chiffre d’affaires par jour.

« 4 millions d’euros perdus par mois »

Pour combien de temps ? Alors que les mesures de confinement ont été reconduites jusqu’au 15 avril, l’entreprise navigue à vue, sans certitude de pouvoir rouvrir prochainement. « 4 millions d’euros perdus par mois, ce n’est pas tenable », estime M. Saragaglia. Les échéances de paiement de chaussures commandées en Italie, Espagne et au Portugal pour un montant de 10 millions d’euros prévus en mars et avril ont aussi poussé le PDG à « chercher de l’air ». Ce dernier dit avoir demandé un prêt à la Banque publique d’investissement (BPI) pour pouvoir solder ses problèmes de trésorerie. En vain. La banque d’Etat « n’a pas donné suite à mon dossier », précise-t-il, sans « même » en avoir obtenu les « raisons ». Le 23 mars, l’entreprise a déclaré être en cessation de paiement. L’ouverture de cette procédure permet d’assurer le paiement des salaires des employés André à partir du 31 mars par l’AGS, régime de garantie de salaires.

Le cofondateur de Spartoo avait racheté André pour doter Spartoo d’un réseau de magasins. En 2017, l’entrepreneur avait également racheté GBB, marque de chaussures pour enfants, jusque-là détenu par Kindy. Et, Spartoo a aussi repris Easy Peasy, petite marque de chaussons, lors de sa mise en liquidation judiciaire, fin 2019.

Lancée voilà dix-huit mois, la stratégie consistait à monter un réseau de vente mixte, présent sur Internet, avec une offre de 400 000 modèles pour toute la famille, et des boutiques dans les centres commerciaux et les meilleurs emplacements de centre-ville. André est notamment très présent à Paris.

L’entreprise Spartoo réalise aujourd’hui la moitié de ses 250 millions d’euros de vente grâce à ses magasins. M. Saragaglia jure que son « projet industriel » demeure pertinent. L’entrepreneur de 38 ans, qui s’était lancé dans la vente en ligne, à la sortie de HEC, après les Mines, assure œuvrer à un « plan B » pour « combiner les énergies » et relancer les ventes d’André. Quitte à opérer avec un « nombre drastiquement inférieur de magasins ». Le PDG n’entend toutefois pas préciser son projet de poursuite d’activité, alors que la période d’observation de l’entreprise s’ouvre dans ce « contexte ubuesque ». Depuis mi-mars, l’enseigne André ne réalise aucun chiffre d’affaires.

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