Le confinement prolongé a des conséquences sur le marché de l'immobilier, florissant ces dernières années. Il pourrait aussi donner des envies de verdure aux citadins rester cloîtrés dans leur appartement.
"Nous avions une offre pour vendre notre maison, les acquéreurs devaient nous donner une réponse définitive à l'issue du week-end. L'annonce du confinement par Emmanuel Macron les a arrêtés net." Colette* a vu la vente de son bien de la banlieue ouest de Paris capoter à cause du coronavirus. Depuis, le processus de vente est au point mort et aucune visite n'a pu avoir lieu. Si elle n'est pas inquiète pour la future vente de sa maison, Colette se prépare "à l'idée de la vendre moins cher que prévu".
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La crise sanitaire n'est pas sans conséquence sur le secteur de l'immobilier. Jusqu'ici florissant, dans la lignée d'une très bonne année 2019 pour les acteurs du secteur, le marché tousse, depuis que le virus secoue la société et l'économie. Les prévisions pour 2020 ne sont pas bonnes. Interrogé par Les Echos (article accessible aux abonnés) le président du site MeilleursAgents, Sébastien de Lafond, anticipe une baisse de 25% du volume des ventes, soit 700 000 à 800 000 transactions en moins sur l'année 2020.
Au football, la mise au vert est synonyme de retranchement dans un hôtel calme, loin des tentations, pour les joueurs et le staff, à la veille d'un match important. Ce besoin de verdure se fait sentir, chez certains habitants de Paris et des grandes villes. "On reçoit énormément d'appels de personnes qui veulent se mettre au vert", confirme Mélanie Naives, directrice l'agence Stéphane Plaza à Melun (Seine-et-Marne). "Certains Parisiens ont compris que pour le prix d'un appartement, ils peuvent avoir une maison avec un extérieur."
"Les biens que nous proposons en province, même de qualité modeste, suscitent beaucoup l'intérêt d'acquéreurs potentiels, ces dernières semaines", confirme Jacques*, directeur d'une agence indépendante en banlieue parisienne.
Pour certains biens, nous recevons jusqu'à deux appels par jour actuellement, alors qu'avant le confinement, ils attiraient peu l'attention.à franceinfo
Cette tendance se traduit d'ailleurs directement dans les recherches des éventuels acquéreurs. "Le site d'annonces immobilières Bien'ici a enregistré, au cours de la première quinzaine d'avril comparée à la première quinzaine de mars, une hausse de 43% du nombre de requêtes d'acquéreurs ou de candidats locataires cochant, dans leurs critères, la présence d'un espace extérieur, terrasse ou jardin", rapporte Le Monde. Le Groupe SeLoger partage le constat : "60 à 65% des recherches portent sur des maisons en vente avec jardin, contre 35 à 40% sur des appartements, là où le rapport était de 50-50 avant le confinement", explique Michel Lechenault, responsable éditorial de l'enseigne, dans Les Echos.
La vérité d'aujourd'hui n'est pas forcément celle de demain et cet appel de la nature ne va pas forcément se traduire par un exode urbain massif. "Est-ce que cette crise va changer durablement les mentalités ? Il va falloir un peu plus de recul pour constater une réelle évolution", se méfie une notaire de région parisienne.
Plus que l'attrait de l'habitat individuel, je décèle un rejet du collectif.à franceinfo
L'attrait de la maison avec jardin reste "indubitable", mais "est rendu inaccessible par l'absence d'aménagement du territoire", complète Michel Mouillart, professeur d'économie et spécialiste de l'immobilier. "Les pouvoirs publics ont redéployé les moyens d'intervention du logement en faveur des espaces métropolitains, au détriment des autres zones, détaille l'économiste. Cette stratégie s'est accompagnée de la fermeture des écoles, des bureaux de poste… Une grande partie des territoires de la République sont abandonnés."
Le développement du télétravail, qui ne concernait que 3% des salariés, et en touche désormais 30% (et jusqu'à 50% des seuls cadres), selon Le Monde, pourrait toutefois avoir un réel impact. "Sa généralisation pourrait inciter certains acquéreurs à franchir le pas et envisager de s'installer à l'extérieur de la grande couronne pour une maison et du terrain", selon un agent immobilier de la région parisienne.
L'investissement résidentiel dépend principalement de trois facteurs : le revenu disponible des ménages, le taux de chômage et le coût d'emprunt. Alors qu'une récession se profile, le premier ne va probablement pas augmenter et le deuxième a subi sa plus forte hausse (7,1%) lors du mois de mars depuis 1996. La courbe du troisième est donc scrutée et, avec elle, le comportement des banques. "J'ai très peur de leur attitude, j'ai peur qu'elles plantent le marché", redoute Thierry Delesalle, coprésident de l'Institut notarial de droit immobilier. Le notaire craint que les banques n'augmentent les taux d'intérêts de "manière éhontée", ce qui pourrait dissuader les futurs acquéreurs. Il dénombre déjà quelques dossiers perdus, car des banques "ont augmenté leur taux de plus de 50 centimes", alors même que l'activité notariale a été considérablement ralentie.
En temps normal, on signe 15 000 actes par jour à cette époque de l'année. Actuellement, on est à peine à 3 000.à franceinfo
La crainte d'une hausse des taux d'intérêts, qui creuserait l'endettement, apparaît alors que les premières données traduisant l'impact du Covid-19 sur les prêts immobiliers ont été publiées. Leur nombre a reculé de presque 14% en mars, par rapport au même mois de l'année précédente, selon une étude de l'Observatoire crédit logement. Le confinement n'ayant été instauré qu'au milieu de mars pour durer jusqu'au 11 mai, la chute risque de s'accentuer.
Les recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) font également craindre une restriction de l'accès à la propriété. L'autorité préconisait déjà, en décembre 2019, un meilleur contrôle du taux d'endettement des ménages, ou "taux d'effort", qui ne doit pas dépasser 33% des revenus nets de l'emprunteur, ainsi qu'une limitation à 25 ans de la durée des crédits. Le HCSF avait constaté que le taux d'effort excédait parfois ce seuil et que 5% des crédits octroyés s'étalaient sur plus de 25 ans.
Ces recommandations devaient bloquer l'achat d'au moins 100 000 ménages, avançait en février l'économiste Michel Mouillart, au Parisien. La crise actuelle pourrait gonfler ce chiffre. "Ce ne sont plus 100 000 ménages qui seront exclus d'ici à 2021 de l'accès aux crédits immobiliers mais 220 000 ménages, dont les trois quarts sont des primo-accédants", lâche-t-il au quotidien. "Or, ce sont eux qui voudront acheter quand les jours heureux reviendront", analyse-t-il.
Face à ces inquiétudes, le secteur bancaire se veut rassurant. "Je ne crois pas que les taux vont s'envoler, affirme Paul*, banquier en Bourgogne, car ils tiennent compte de l'inflation qui, pour l'instant, n'augmente pas." Pour le moment, le taux d'intérêt moyen reste bas, à 1,16% à la mi-avril, contre 1,14% en mars, selon l'Observatoire crédit logement. Il devrait le rester avec le maintien de la politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), écrit Le Parisien. "Cette posture a été renforcée avec l'apparition de la crise, note le banquier, elle fait tout ce qu'elle peut pour qu'il n'y ait pas de problème de liquidités." Paul n'imagine pas non plus les banques lâcher les futurs acquéreurs : "Elles sont prudentes, mais vont continuer à prêter. Les banques continuent de considérer le crédit immobilier comme central dans leurs relations avec les clients particuliers."
A quoi va rassembler le marché lorsque le confinement prendra fin ? Jacques, le directeur d'une agence immobilière en région parisienne, "ne croit pas que le marché de l'immobilier va s'écrouler comme en 2008 au moment de la crise des subprimes". Il anticipe plutôt "un simple décalage des projets immobiliers, à la vente ou à l'achat". "Nous avons suspendu la signature des mandats, elle interviendra quand le confinement sera levé. Les vendeurs d'avant le confinement semblent toujours, à l'heure qu'il est, souhaiter vendre", observe-t-il.
Le nombre de vendeurs pourrait même augmenter, avance Thierry Delesalle. "Des entrepreneurs pourraient avoir besoin de vendre des actifs immobiliers pour renflouer leurs entreprises", envisage le notaire, qui liste aussi "les divorces, les séparations, les décès ou ceux qui veulent tout simplement changer de logement". De l'autre côté de l'échiquier, de la confiance, critère primordial qui déclenche l'achat, dépendra le comportement des futurs acquéreurs.
L'indice de confiance va en prendre un coup, mais ce critère peut être compensé par le besoin de sécurité, de protection ou par la recherche d'une meilleure qualité de vie.à franceinfo
Il faut toutefois s'attendre à un repli de la capacité réelle d'achat des ménages. L'étude publiée mercredi 22 avril par le site spécialisé Les Cahiers verts de l'économie avance que celle-ci "pourrait reculer de 5 à 10%, soit une baisse qui est comparable ou légèrement supérieure à celle observée en 2008".
En revanche, ceux qui misent sur une sensible baisse des prix pourraient déchanter. Il est encore trop tôt pour l'anticiper. Certains n'hésitent cependant pas à miser sur la crainte des vendeurs de ne pas réussir à trouver un acheteur et tentent des coups de poker. "Une personne a fait une offre pour une maison à 40% en dessous du prix, souffle Jacques, je ne sais pas même pas si on lui a répondu."
"Peut-être que pendant quelque temps, il n'y aura pas une volonté d'achat, mais il existe sur le marché des biens à des prix raisonnables, estime Paul. Si on est assez confiant en son avenir professionnel, on a raison d'acheter." D'autant que l'adage sur l'investissement immobilier demeure d'actualité. "La Bourse a connu des moments difficiles avec la crise, conclut Mélanie Naives, donc dans ces moments-là, l'immobilier reste une valeur sûre aux yeux des gens."
*Le prénom a été changé
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