
Le constructeur automobile français Renault, en difficulté financière, compte supprimer environ 15.000 emplois dans le monde, dont 4.600 en France, dans le cadre d'un plan d'économies de 2 milliards d'euros sur trois ans, a-t-on appris jeudi soir de sources concordantes. Le projet du groupe, qui compte 180.000 salariés dans le monde, doit être rendu public vendredi matin. Il prévoit de réduire les effectifs «sans licenciement sec» via des départs volontaires, des départs à la retraite non remplacés et des mesures de mobilité interne ou de reconversion, ont indiqué ces sources à l'AFP.
Il devrait affecter quatre sites en France, dans des conditions qui restent en partie à définir: Caudan (Morbihan), Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), Dieppe (Seine-Maritime) et Maubeuge (Nord).
Après des informations parues dans la presse française évoquant la fermeture de sites français, le président Emmanuel Macron avait réclamé mardi «des garanties» pour l'avenir des salariés. Il avait mis la pression sur Renault en avertissant qu'un prêt garanti par l'Etat de 5 milliards d'euros ne serait pas signé avant la tenue de discussions en début de semaine prochaine. L'Etat français est le premier actionnaire du groupe au losange avec 15% du capital.
Renault avait publié en février ses premières pertes annuelles en dix ans et annoncé dans la foulée une réduction de ses coûts fixes de deux milliards d'euros par an. Les difficultés du constructeur, qui souffre de surcapacités de production, étaient antérieures à la pandémie de Covid-19, mais ont été aggravées par la crise.
Le plan d'économies a été présenté jeudi soir aux syndicats, lors d'un comité central social et économique (CCSE) du groupe.
Plus tôt jeudi, Nissan, le partenaire japonais de Renault, avait lui annoncé la fermeture de son usine espagnole de Barcelone et la suppression d'environ 20% de ses capacités mondiales de production d'ici à 2023. Mercredi, Renault, Nissan et leur allié Mitsubishi Motors avaient annoncé un virage stratégique, privilégiant désormais la rentabilité à la course aux volumes, en rupture avec les plans de l'ancien patron déchu Carlos Ghosn.
Selon le plan d'économies chez Renault dévoilé aux syndicats, les capacités mondiales de production devraient diminuer, passant de 4 millions de véhicules actuellement à quelque 3,3 millions, sur une base de deux équipes (ce qui correspond à une production réelle plus élevée en cas de troisième équipe). Renault va suspendre des projets d'extension d'usines au Maroc et en Roumanie, envisage de réduire ses capacités de production en Russie, ses activités mécaniques en Corée du sud et la fabrication de boîtes de vitesse en Turquie.
Le projet inclut en France l'arrêt de la production automobile à Flins (Yvelines), après la fin de la Zoe d'ici quelques années. L'usine, qui compte actuellement 2.600 salariés, sera reconvertie et récupèrera l'activité du site de Choisy-le-Roi, qui emploie 260 personnes dans une activité de recyclage de pièces. L'avenir de Fonderie de Bretagne, avec près de 400 salariés à Caudan (Morbihan), reste en suspens avec une «revue stratégique» annoncée. Même chose pour l'usine de Dieppe (Seine-Maritime), où une réflexion sera engagée pour un projet de reconversion à la fin de la production de l'Alpine 110.
Enfin, la fusion des sites de Douai et Maubeuge, dans le Nord, est envisagée pour créer un centre d'excellence des véhicules électriques et utilitaires légers. La production des utilitaires électriques Kangoo devrait cependant être transférée à Douai qui héritera d'une nouvelle plateforme. Cette usine qui produit les modèles Espace, Scenic et Talisman utilise actuellement moins d'un quart de ses capacités.
Lors du CCSE, «le mot fermeture n'a jamais été prononcé. Le sujet reste entier» pour «les sites qui sont dans le viseur et pour lesquels il va y avoir une réflexion», a souligné Franck Daoût de la CFDT. Pour Douai et Maubeuge, «nous allons vers des négociations», a-t-il ajouté. «Le mot fermeture n'a jamais été dit. Ils ont bien choisi leurs mots», la direction ne parlant que d'«hypothèses, de projets», a déclaré Guillaume Ribeyre, délégué CFE-CGC. «Ils présentent ça comme des hypothèses de travail, disent «on le fera avec vous», alors que tout est déjà décidé», a critiqué un autre responsable syndical, sous couvert de l'anonymat.
En France, une procédure d'information-consultation des représentants du personnel doit commencer à la mi-juin. Un conseil d'administration du groupe s'est réuni jeudi soir. Le plan d'économies de deux milliards d'euros est réparti pour environ un tiers sur la production, un tiers sur l'ingénierie et un tiers sur les frais de structure, marketing et réseau.
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