Derichebourg avait été l’une des premières entreprises françaises à avoir recours à un «accord de performance collective» (APC) dans le sillage de la crise sanitaire. Ce dispositif, créé en 2017 par les ordonnances Macron sur le code du travail, permet aux entreprises fragilisées d’aménager la durée du travail, les rémunérations ou les mobilités afin de préserver les emplois. A Blagnac (Haute-Garonne), le sous-traitant d’Airbus et de Dassault n’a pas traîné : à la sortie du confinement, la direction a demandé à ses salariés d’accepter une baisse temporaire des salaires, de 8,56 euros par jour pour les plus bas, soit 20% de réduction. Ce plan a été présenté par l’entreprise comme une façon d’éviter un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui concernerait potentiellement 700 postes.

Sur les 1 583 salariés que compte la société, 163 n’ont pas accepté l’accord, selon France Bleu Haute-Garonne. Comme le prévoit la loi, ils ont donc été licenciés pour «cause réelle et sérieuse». En marge d’une manifestation à Blagnac, début juillet, Seif Alyakoob, un mécanicien de 30 ans, avait exprimé les raisons de ce refus à l’AFP : «L’ambiance est délétère, les gens n’ont plus envie de travailler […] Soit ils prennent le risque de partir et de ne pas trouver de travail avec la crise, soit ils restent dans la société mais ils n’ont pas assez de travail pour vivre.»

«Plan social déguisé»

Du côté des syndicats opposés à l’accord, on pointe du doigt «un plan social déguisé». Lors d’un CSE, la direction avait affirmé début juillet que les salariés licenciés ne seraient pas remplacés. Cela confirme, selon l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), «que l’accord de performance collective a pour but de faire des licenciements». Au sein des équipes, on redoute aussi que ces absences ne permettent pas de répondre à la relance de l’activité dans les mois à venir, jugés cruciaux pour l’entreprise. Car les employés licenciés occupent parfois des postes très qualifiés. Les syndicats pointent également les conditions des 1 400 salariés qui ont signé et resteront. Ils vont perdre de nombreux acquis sociaux, dont le «treizième mois pour les salariés qui gagnent plus de 2,5 fois le smic» et des aides au transport et à la restauration.

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En échange de ces nombreuses concessions, la direction s’est engagée à maintenir les emplois jusqu’en juin 2022. Ce qui devrait laisser un peu de répit au sein de Derichebourg. Sauf si les dirigeants de l’entreprise invoquent de nouvelles coupes budgétaires liées au contexte. Selon les syndicats, cités par France Bleu, l’accord de performance collective protège bien les salariés d’un PSE… sauf en cas de nouvelle crise économique ou sanitaire. Plusieurs centaines d’autres APC ont déjà été signés en France depuis leur création, entérinée par la loi Pénicaud en 2019.

Gurvan Kristanadjaja