
« On élargit la vaccination. » Le 11 avril, dans les colonnes du Journal du dimanche, le ministre de la santé, Olivier Véran, annonçait que, dès le lendemain, tous les Français de plus de 55 ans pourraient recevoir une dose de vaccin contre le Covid-19.
Une situation notamment rendue possible grâce à la livraison, « avec une semaine d’avance », de quelque « 200 000 doses » du vaccin Janssen. Celui-ci, développé par une filiale belge du groupe pharmaceutique américain Johnson & Johnson (J & J), avait reçu un mois auparavant l’autorisation de mise sur le marché de la Commission européenne et de l’Agence européenne des médicaments (AEM), devenant ainsi le quatrième vaccin homologué dans l’Union.
A peine deux jours plus tard, mardi 13 avril, J & J décidait de « retarder le déploiement » de son vaccin en Europe. En cause : la suspension de son utilisation par les autorités sanitaires américaines, le temps d’analyser des cas potentiels d’effets secondaires graves chez des personnes l’ayant reçu.
Comment fonctionne le vaccin Janssen ?
Comme le vaccin de la firme suédo-britannique AstraZeneca, celui de Janssen repose sur la technologie dite du « vecteur viral ». Cela signifie que l’on utilise un virus vivant mais rendu inoffensif pour l’homme, pour véhiculer une partie précise du génome du SARS-CoV-2 dans les cellules afin de déclencher une réponse immunitaire.
Cette méthode, qui est désormais bien maîtrisée, a l’avantage d’offrir un large choix de virus « véhicules ». Le vaccin du groupe J & J, à l’instar de celui d’AstraZeneca, a ainsi recours à un type bien précis : un adénovirus. Dans le cas du laboratoire suédo-britannique, il s’agit d’un adénovirus de chimpanzé ; dans le cas du vaccin belgo-américain, c’est un adénovirus humain.
J & J a déjà recouru à cette technologie − qui porte le nom commercial AdVac − contre Ebola, et l’utilise comme base de possibles vaccins contre le VIH ou le Zika.
Quels sont les effets graves observés ?
Les soupçons des autorités sanitaires américaines sont nés après plusieurs signalements de thromboses (ou formation de caillots sanguins) très inhabituelles chez des personnes ayant reçu une dose du vaccin de J & J. Sept cas graves de problèmes de coagulation ont été rapportés chez des femmes, âgées de 18 à 48 ans, ayant reçu l’injection six à treize jours plus tôt. L’une d’elles est morte ; une autre est dans un état critique.
« Les effets indésirables recensés pour le vaccin de Johnson & Johnson sont très similaires à ceux d’AstraZeneca », expliquait au Monde le professeur Milou-Daniel Drici, responsable du Centre régional de pharmacovigilance de Nice.
Ces thromboses sont atypiques dans la mesure où elles touchent des veines du cerveau et, dans une moindre mesure, de l’abdomen, détaillait le 7 avril l’AEM au sujet du produit d’AstraZeneca. Les autorités sanitaires américaines – la Food and Drug Administration et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) – ont elles aussi fait état de « thromboses des sinus veineux cérébraux » dans le cas du vaccin de J & J.
Outre leur localisation, elles intriguent les scientifiques car elles s’accompagnent d’une chute du niveau de plaquettes sanguines, lesquelles aident le sang à coaguler. Paradoxalement, cela peut donc provoquer des hémorragies en plus de caillots sanguins. « Nous sommes tout à fait conscients qu’il s’agit d’un événement très rare », a reconnu le conseiller de la Maison Blanche sur la pandémie de Covid-19, Anthony Fauci. A la mi-avril, près de 7,5 millions d’Américains ont reçu une dose de vaccin de J & J.
Une suspension « sans impact important » aux Etats-Unis ?
Un groupe d’experts américains, réuni le 15 avril à la demande des CDC, a choisi de prolonger pour au moins une semaine la suspension de l’utilisation du vaccin, estimant avoir besoin de plus de temps pour évaluer ses possibles liens avec la formation de caillots.
Selon les autorités américaines, cette interruption n’aurait « pas d’impact important » sur la campagne de vaccination outre-Atlantique, où les doses de ce vaccin représentent moins de 5 % de celles administrées jusqu’à présent.
Des membres du groupe d’experts du CDC s’étaient cependant prononcés contre le maintien de cette « pause », estimant qu’elle risquait de retarder l’accès au vaccin de publics parmi les plus vulnérables. En effet, ce vaccin ne nécessite qu’une seule injection et il a l’avantage de se conserver longtemps à des températures comprises entre + 2 °C et + 8 °C, facilitant à la fois son déploiement et son stockage.
Quelle conséquence potentielle sur la vaccination dans l’UE ?
Les déboires du vaccin de Johnson & Johnson pourraient en tout cas avoir des répercussions sur les campagnes vaccinales des Vingt-Sept, où l’usage du vaccin d’AstraZeneca a déjà été drastiquement restreint dans la plupart des pays en raison de possibles cas de thrombose − le Danemark a même annoncé le 14 avril y renoncer définitivement.
L’Agence européenne des médicaments a fait savoir qu’elle publierait une recommandation concernant le produit de J & J au cours de la semaine du 19 avril et qu’elle restait pour l’instant d’avis que les bénéfices de celui-ci l’emportaient sur les risques.
L’UE a déjà signé pour une commande ferme de 200 millions de doses du vaccin de J & J, à laquelle s’ajoute une option pour 200 millions supplémentaires. Toutefois, les autorités européennes, confrontées à la fois à des difficultés d’approvisionnement et aux inquiétudes liées aux effets secondaires des vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson, pourraient décider de ne pas renouveler leurs contrats avec ces groupes pharmaceutiques.
Aucune décision n’a été prise à ce jour, a déclaré, vendredi 16 avril, la ministre chargée de l’industrie française, Agnès Pannier-Runacher, sur BFM-TV-RMC. Mais, « c’est la plus grande probabilité », a-t-elle glissé.
Quelle est la position de la France ?
Le gouvernement français a néanmoins assuré conserver sa « confiance » en ce vaccin. Il « va évidemment être distribué et administré dans les mêmes conditions que ce qui est prévu aujourd’hui pour le vaccin d’AstraZeneca, c’est-à-dire pour les personnes âgées de plus de 55 ans, a ainsi déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal à l’issue du conseil des ministres, le 14 avril. Nous avons reçu la première livraison de vaccins [de Johnson & Johnson], c’est-à-dire 200 000 doses qui sont arrivées en début de semaine sur notre territoire et qui sont en train d’être acheminées auprès de la médecine de ville et des officines de pharmacie. »
La décision des autorités américaines « ne remet pas en cause le calendrier vaccinal », avait également balayé Mme Pannier-Runacher. « La prochaine livraison attendue est le 26 avril », avait-elle rappelé, insistant sur le fait qu’entre-temps l’Agence européenne du médicament aurait rendu son avis sur le sujet.
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